• Dr Sandrine Perol : Quelle contraception en cas d’acné chez la femme adulte ?

Sandrine Perol

Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme

Date : 06/07/2023


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Le choix d’une contraception hormonale est très souvent motivé par l’apparition d’acné. Le Dr Sandrine Perol, gynécologue endocrinienne à l’hôpital Port-Royal à Paris, nous indique les contraceptifs les plus adaptés aux peaux acnéiques.

 

TLM : L’acné est un problème dermatologique fréquent à l’adolescence, mais de plus en plus de femmes adultes sont concernées. Quelles en sont les raisons ?

Dr Sandrine Perol : En effet, l’acné se développe aux alentours de la puberté et concerne alors 80% des adolescents et jeunes adultes entre 12 et 20 ans.

Mais de plus en plus d’adultes, et notamment des femmes, sont également touchés par l’acné. Il peut s’agir d’une acné de l’adolescence qui n’a pas guéri, ou d’une acné apparue à l’âge adulte et pouvant être en lien avec une hyperandrogénie biologique ; souvent, d’autres signes sont associés, comme une pilosité abondante, des troubles des règles...

 

TLM : L’acné est-elle uniquement un trouble d’origine hormonale ?

Dr Sandrine Perol : Plusieurs événements entrent en jeu dans le développement de l’acné : certains sont hormonodépendants mais d’autres relèvent de la dermatologie.

C’est pourquoi il est indispensable que la prise en charge d’une patiente qui consulte son gynécologue pour un problème d’acné soit conjointement assurée par un dermatologue.

 

TLM : Est-ce une bonne idée de proposer une contraception à une jeune fille ou à une femme qui souffre d’acné ?

Dr Sandrine Perol : Oui, tout à fait, mais à condition qu’elle ait avant tout besoin... d’une contraception ! Un traitement hormonal va pouvoir influencer les mécanismes hormonaux impliqués dans le développement de l’acné par son action antigonadotrope et en se fixant sur les récepteurs cutanés aux androgènes pour en limiter l’action au niveau des follicules sébacés. Mais on ne prescrit pas la pilule si le seul motif de consultation est l’acné.

 

TLM : Comment doit se dérouler la consultation ?

Dr Sandrine Perol : Elle doit débuter par un interrogatoire approfondi à la recherche de contre-indications aux contraceptifs œstroprogestatifs. Il faut interroger la patiente sur d’éventuels facteurs de risque veineux notamment des antécédents personnels et/ou familiaux de thromboses veineuses jeunes, et d’éventuels facteurs de risque artériels (hypertension, obésité, migraine avec ou sans aura, antécédents personnels et/ou familiaux artériels survenus jeunes). Seul, le tabagisme ne constitue pas un facteur de risque ; mais associé à un ou plusieurs autres facteurs de risque, il le devient et c’est important de l’expliquer. Et ce d’autant que le tabac aggrave l’acné.

Enfin, la décision de prescrire un traitement hormonal devra également prendre en compte l’âge de la patiente.

 

TLM : Quels contraceptifs hormonaux sont le plus indiqués en cas d’acné ?

Dr Sandrine Perol : Si l’interrogatoire ne révèle aucune contre-indication à la prise d’un contraceptif œstroprogestatif, les contraceptifs oraux combinés (COC) associant de l’éthynylestradiol et du lévonorgestrel ou du norgestimate sont les plus indiqués ; la pilule œstroprogestative triphasique à base de norgestimate possède même une AMM contre l’acné mais, contrairement aux autres, elle n’est pas remboursée. On les prescrira donc en première intention. En seconde intention, on pourra se tourner vers une pilule combinant du diénogest et de l’éthynylestradiol, qui dispose d’une double indication, comme contraceptif oral et traitement de l’acné modérée. S’il existe des contre-indications à la prescription d’un COC, on pourra proposer une contraception contenant un progestatif seul. La pilule contenant la drospirénone semble être une bonne option : même si son effet sur l’acné n’a pas été testé, cette hormone possède une activité anti-androgénique. Mais elle ne bénéficie pas de prise en charge de l’Assurance maladie.

Les autres progestatifs n’ont pas cette action anti-androgénique : souvent peu efficaces contre l’acné, ils peuvent même l’aggraver.

 

TLM : Les autres modes de contraception hormonaux combinés (anneau vaginal, patch...) ont-ils une indication dans le traitement anti-acnéique ?

Dr Sandrine Perol : Ces moyens de contraception semblent tout aussi efficaces que les contraceptifs oraux combinés mais on manque de données pour pouvoir l’affirmer. En outre, le risque thromboembolique auquel ils exposent est plus élevé. Ils ne font donc pas partie des recommandations.

 

TLM : Quels sont les effets indésirables à surveiller ?

Dr Sandrine Perol : Chez les femmes qui ont un contraceptif microprogestatif, on s’assurera qu’il n’entraîne par une aggravation de l’acné, des saignements intempestifs ou des douleurs mammaires ; chez celles sous pilule œstroprogestative, un bilan sanguin devra être réalisé à trois mois pour vérifier que leur contraception n’a pas altéré le bilan lipidique et la glycémie.

L’anti-acnéique Diane 35® a longtemps été prescrit en tant que pilule.

 

TLM : Est-ce toujours le cas ?

Dr Sandrine Perol : Ce médicament anti-acnéique ne dispose pas d’une AMM pour le traitement de l’acné. Sa prescription comme tel relevait d’un usage détourné reposant sur sa composition associant de l’éthynylestradiol et de l’acétate de cyprotérone, un progestatif fortement anti-androgénique. Sa prescription n’est pas recommandée en première intention en raison du surrisque thromboembolique veineux auquel il expose par rapport aux autres contraceptifs oraux combinés conseillés.

 

TLM : Quid de l’isotrétinoïne ?

Dr Sandrine Perol : Ce dérivé de la vitamine A reste indiqué dans le traitement de l’acné sévère, généralement après échec des traitements de première intention.

Chez les femmes, il doit être systématiquement associé à une contraception un mois avant sa mise en route et poursuivie un mois après la fin du traitement. Selon des recommandations datant de 2021, cette contraception peut prendre la forme d’un DIU ou d’un implant seul, ou alors d’un contraceptif oral associé à une contraception mécanique (préservatif masculin ou féminin par exemple). Des tests de grossesse doivent être réalisés tous les mois pendant le traitement et un mois après, ainsi qu’un bilan lipidique régulier.

 

TLM : Quel rôle peuvent jouer les médecins généralistes ?

Dr Sandrine Perol : Il est important qu’ils prennent conscience que l’acné peut considérablement altérer la qualité de vie et l’estime de soi. La meilleure attitude qu’ils puissent avoir est de se montrer réceptifs à la plainte de leurs patientes et les orienter vers un dermatologue ou un gynécologue.

Propos recueillis

par Amélie Pelletier

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