• Dr Rodolphe Chastel : La vaccination gage de prévention contre les cancers HPV

Rodolphe Chastel

Discipline : Infectiologie

Date : 23/10/2023


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Désormais admininistrable, outre par le médecin généraliste, par le pharmacien, l’infirmière ou la sage-femme, le vaccin contre l’HPV est à même de prévenir une épidémie de cancers, selon le Dr Rodolphe Chastel, médecin généraliste exerçant en libéral à Lyon. Il est important, complète-t-il, d’atteindre l’objectif de 80 % de personnes vaccinées.

 

TLM : Comment insérez-vous la proposition vaccinale dans votre consultation ?

Dr Rodolphe Chastel : Les vaccinations obligatoires du calendrier vaccinal ne posent pas de problème particulier : les parents amènent volontiers leurs nourrissons se faire vacciner. L’hésitation vaccinale peut survenir pour les rappels ou les autres vaccinations intercurrentes, comme celle contre le HPV.

Dans la grande majorité des cas, les patients sont favorables à cette vaccination, alors la discussion est très simple et toute occasion est bonne à saisir pour prescrire la vaccination, peu importe le motif de consultation. Dans les cas restants, où le patient peut être un peu plus hésitant, la proposition vaccinale doit constituer un acte médical à part entière, et non un moment subalterne intervenant à la fin d’une consultation. Et si c’est le patient qui soulève la question, je lui demande de prendre un rendez-vous qui y sera entièrement consacré. Les patients, les jeunes notamment, sont de plus en plus sensibles à la prévention, ils ont été témoins de pathologies survenant chez des proches et veulent s’en préserver. Ils savent, et sinon il faudra le leur faire savoir, que pour certaines pathologies, le vaccin est la réponse. Concernant le vaccin HPV, par exemple, il peut prévenir 100% des cancers du col de l’utérus, et au moins 60% des cancers ORL.

 

TLM : L’hésitation, voire l’opposition, vaccinale est-elle aussi fréquente qu’on le prétend ?

Dr Rodolphe Chastel : En France 10% des sujets se disent anti-vax. Mais, de fait, il n’y a que 2 % d’anti-vax purs et durs, le plus souvent pour des considérations d’ordre idéologique et complotiste qui sont véhiculées par les réseaux sociaux. Ceux-là sont souvent des irréductibles, hélas perdus pour la vaccination. Mais il reste tout de même 8 % de Français qui sont des hésitants vaccinaux. Ceux-là peuvent être convaincus, à condition de savoir engager un entretien motivationnel pour désamorcer les hésitations.

 

TLM : Quels sont les motifs avancés par les patients « hésitants » ?

Dr Rodolphe Chastel : Ils redoutent les effets secondaires, qu’ils appellent indésirables, des vaccins. Ces effets, le médecin ne doit pas les nier, bien au contraire il doit les reconnaître, en parler, mais en les ramenant à leur juste mesure, en soulignant leur caractère bénin. Il y a d’abord tout simplement la peur de l’aiguille : crainte de la douleur induite par la piqûre ou de l’éventuelle réaction post-vaccinale immédiate —douleur, gonflement local, fièvre. Il faut dédramatiser et faire valoir qu’il s’agit d’un petit syndrome inflammatoire sans caractère de gravité et qu’il est devenu moins fréquent avec les vaccins purifiés actuels. Il peut y avoir aussi un sentiment d’angoisse, qui peut provoquer, notamment chez l’adolescent, un syndrome vaso-vagal.

Au moment de l’injection, il ne faut donc pas se précipiter, mais savoir discuter, voire détourner l’attention du patient. Si ce dernier manifeste une appréhension, on peut l’asseoir ou l’allonger pour le vacciner. Avec la crise sanitaire, on a vu émerger la crainte d’une sorte de maladie génétique qui serait induite par le vaccin : il faut alors faire valoir qu’aucun vaccin ne comporte d’élément génétique. Les études ont démontré qu’il n’y a eu aucune nouvelle maladie immunodéficiente liée aux vaccins. L’aluminium, booster de vaccination, suscite parfois une crainte qui est purement franco-française. Or cette substance, présente dans l’alimentation à une concentration 600 fois supérieure à celle de tous les vaccins, n’entraîne aucune pathologie.

 

TLM : Abordez-vous d’emblée l’ensemble des effets secondaires ?

Dr Rodolphe Chastel : Je demande plutôt au patient hésitant ce qu’il redoute concrètement plutôt que d’égrener a priori tous les effets secondaires. On peut ainsi dénouer les appréhensions en fonction des craintes ciblées du patient, les reprendre pour lui renvoyer les faits et les réalités scientifiques. Ne pas chercher à convaincre en un seul entretien mais donner au patient des arguments et des éléments de réflexion. On pourra l’inciter à consulter des ressources Internet, notamment le site gouvernemental vaccinationinfo-service.fr et infovac.fr. Quoi qu’il en soit il faut qu’il reparte avec une ordonnance même s’il ne veut pas se faire vacciner. Je demande au patient de revenir vers moi par la suite pour poursuivre l’acte médical partagé que représente la vaccination.

 

TLM : Quels sont les objectifs en termes de vaccination HPV ?

Dr Rodolphe Chastel : Concernant le HPV qui peut entraîner une véritable épidémie de cancers, il est important d’atteindre l’objectif de 80 % de vaccinés. Il est important d’expliquer au patient qu’il peut se vacciner par son médecin mais aussi par son pharmacien, une infirmière et, s’agissant des vaccins qui concernent aussi les femmes comme l’HPV, par une sage-femme.

 

TLM : Existe-t-il des hésitations spécifiques par rapport à certains vaccins ?

Dr Rodolphe Chastel : De moins en moins, heureusement. Certes il existe une hésitation spécifique autour du vaccin HPV. Elle tient à la problématique des parents relative à la sexualité de leurs enfants quand ils les estiment trop jeunes pour être concernés. Comme si proposer la vaccination HPV revenait à donner champ libre à leur sexualité. Il faut donc désexualiser ce vaccin et expliquer que l’âge précoce de son administration tient au fait que c’est le meilleur créneau immunologique pour avoir une meilleure réponse, à la fois rapide, durable et à vie.

Propos recueillis

par Daniel Paré

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