• Dr Robert Viala : Les oligoéléments, une alternative thérapeutique avant l’hiver

Robert Viala

Discipline : Infectiologie

Date : 13/10/2022


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Les médecins généralistes qui recourent à l’oligothérapie sont encore peu nombreux.

A tort, selon le Dr Robert Viala, endocrinologue à Bordeaux et co-auteur avec Eric Blouin (expert toxicologue) du livre « Conseiller les oligoéléments à l’officine », qui défend cette approche en prévention ou en traitement des maladies infectieuses de la sphère ORL, fréquentes en hiver.

 

TLM : Qu’est-ce que l’oligothérapie ?

Dr Robert Viala : C’est une approche thérapeutique à part entière et parfois complémentaire de la médecine allopathique intervenant sur les processus physiologiques qui vont renforcer le système immunitaire ; son principe est donc à l’opposé de celui de l’antibiothérapie, qui est de détruire les germes : les oligoéléments, par leur action sur les mécanismes bio-physiologiques, ont un effet biothérapique. Elle agit donc au travers des oligoéléments, des minéraux que notre organisme ne sait pas fabriquer et qui doivent être apportés par l’alimentation.

 

TLM : Comment agit-elle ?

Dr Robert Viala : L’oligothérapie repose sur trois approches : l’approche fonctionnelle sur laquelle on va s’appuyer pour traiter les troubles idiopathiques (insomnie, fatigue, état anxiodépressif) ; l’approche nutritionnelle pour pallier les carences alimentaires ; et l’approche thérapeutique pour traiter les infections chroniques et récidivantes, et soulager les symptômes rhumatologiques, entre autres pathologies.

 

TLM : Pour quels maux hivernaux cette approche thérapeutique présente-t-elle un intérêt ?

Dr Robert Viala : Pour les troubles de la sphère ORL (rhume, otite, angine, laryngite, rhinopharyngite, trachéite...), les états grippaux, les infections pulmonaires chroniques (bronchite), et la fatigue.

 

TLM : Quels sont les oligo-éléments qui présentent un intérêt dans ces indications ?

Dr Robert Viala : Tous les oligoéléments qui luttent contre les infections et le stress oxydatif ainsi que ceux qui renforcent les défenses immunitaires générales et locales. Parmi les oligoéléments essentiels, on peut recourir au manganèse, un cofacteur de la superoxyde dismutase qui joue un rôle majeur dans l’immunité adaptative —on en trouve essentiellement dans les céréales complètes, la viande, le germe de blé, le foie et les produits de la mer. Le cuivre présente également un intérêt majeur en hiver pour son action antibactérienne et sa capacité à augmenter l’absorption du fer —il est présent dans l’avocat, les huîtres et les coquillages, les champignons, le chocolat, les oléagineux, les céréales complètes et le germe de blé. Enfin, l’association cuivre-or-argent, par sa capacité à stimuler le système immunitaire, à lutter contre l’asthénie et à améliorer l’état de santé général, est incontournable pour passer l’hiver en bonne santé. D’autres oligoéléments présentent également un intérêt à cette période de l’année : c’est le cas du sélénium, dont la capacité à multiplier les lymphocytes et à diminuer la virulence des virus en font un parfait allié en prévention des infections virales — il est présent dans les poissons et les fruits de mer, les viandes, les abats et les œufs. Grâce à son effet anti-inflammatoire sur la sphère ORL, l’oligoélément de bismuth peut être utilisé en période aiguë sur les maux de gorge pendant cinq jours —les légumes racines (carotte, betterave, céleri-rave, navet, rutabaga, panais...), les tubercules (pomme de terre, patate douce, manioc, topinambour...) et certaines algues telles que le varech en contiennent. Enfin, une alimentation riche en ail, oignon, poireau, cresson, radis, œuf et choux va fournir à l’organisme du soufre qui, en augmentant la fluidité du mucus, favorise l’élimination des microbes par les muqueuses et limite le risque d’infections de la sphère ORL. On remarque dans ce chapitre le lien entre l’apport thérapeutique de minéraux et l’alimentation : la biodisponibilité des oligoéléments n’est actuellement pas optimisée pour de nombreuses raisons liées à l’alimentation, sa qualité, ses différents types, les conditions de vie réduisant leur absorption, leur disponibilité biologique nécessaires à notre organisme et ses métabolismes.

 

TLM : Quelles questions poser à son patient avant de proposer une oligothérapie ?

Dr Robert Viala : Le médecin doit demander à son patient depuis combien de temps il est malade, si son affection est occasionnelle ou régulière, si elle survient plutôt l’hiver ou à d’autres moments de l’année, et si elle est associée à des allergies, à de la fatigue et/ou à d’autres infections. Dans ce dernier cas, le diagnostic s’orientera vers un déficit global du système immunitaire qui pourra être renforcé à l’aide de sélénium.

 

TLM : Quelle est la posologie recommandée dans le cadre des infections ORL ?

Dr Robert Viala : En prévention, on recommande une cure de deux mois combinant, en alternance, l’association cuivre-or-argent, du manganèse le lendemain et du soufre le jour suivant, pendant cinq jours par semaine, suivie d’un arrêt de deux jours pour éviter l’accumulation de ces minéraux dans l’organisme. Ce même traitement peut être prescrit sur une durée plus longue aux patients souffrant d’infections chroniques.

Manganèse-cuivre, cuivre et bismuth, à raison de deux ampoules quotidiennes pendant une semaine, sont indiqués pour traiter les situations aiguës. Je conseille d’attendre 72 heures avant de décider de la nécessité d’ajouter une antibiothérapie complémentaire.

 

TLM : Un dosage des oligoéléments est-il nécessaire avant une oligothérapie ?

Dr Robert Viala : Des méthodes très complexes et coûteuses sont nécessaires pour doser les oligoéléments, que peu de laboratoires d’analyse proposent. En outre, à part pour le sélénium, le zinc et le cuivre, les dosages sont assez peu fiables, en raison notamment des multiples interactions avec les autres oligoéléments. Un dosage présente par conséquent peu d’intérêt.

 

TLM : Existe-t-il un risque de surdosage ou d’interaction médicamenteuse ?

Dr Robert Viala : L’absorption étant limitée à 5% de l’apport alimentaire, il n’existe pas de risque de surdosage de ces oligoéléments. Quant au risque d’interaction médicamenteuse, il est nul. C’est d’ailleurs ce qui rend l’oligothérapie particulièrement intéressante pour lutter contre la iatrogenèse.

 

TLM : Quelles sont les limites de cette approche dans le cadre des infections ?

Dr Robert Viala : Ce sont les formes infectieuses graves qui ont un retentissement important sur l’état de santé général (comme la septicémie), et l’absence de réponse au traitement. Dans ces cas, il faut impérativement consulter son médecin pour qu’il revoit le traitement.

 

TLM : Pensez-vous que l’oligothérapie puisse remplacer les traitements allopathiques ?

Dr Robert Viala : L’idée n’est pas d’opposer oligothérapie et médecine allopathique, mais de s’appuyer sur les capacités des oligoéléments à renforcer l’organisme pour proposer, seule ou associée à un traitement conventionnel, une approche physiologique qui ne présente aucun risque pour les patients.

Propos recueillis

par Charlotte Montaret

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