• Dr Richard Mallet : Stratégie thérapeutique dans l’HBP

Richard Mallet

Discipline : Uro-Néphrologie

Date : 13/10/2022


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Phytothérapie, alpha-bloquants, inhibiteurs de la 5 alpha-réductase, tadalafil, forment l’échelle des traitements préconisés face à une hypertrophie bénigne de la prostate (HBP). S’ils ne sont pas assez efficaces, on envisagera la chirurgie, préconise le Dr Richard Mallet, chirurgien urologue (Hôpital privé de Francheville), vice-président de l’Association française d’urologie (AFU).

 

TLM : Quelle est la prévalence de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) ?

Dr Richard Mallet : Quasiment tous les hommes présentent une HBP. Cette pathologie est parfois asymptomatique mais avec l’âge la prostate grossit et devient souvent parlante. Les troubles mictionnels peuvent ainsi apparaître dès la cinquantaine, favorisés par un défaut d’hygiène de vie —un syndrome métabolique notamment. Cet état impose le traitement, c’est le cas d’un homme sur trois environ. Ce traitement est médical pour la majorité des patients. Et il est chirurgical pour 10 à 15 % d’entre eux : chaque année en France quelque 70 000 interventions sont pratiquées, le plus souvent après 65 ans.

 

TLM : Quelles sont les divers traitements de l’HBP ?

Dr Richard Mallet : Le traitement est tout d’abord hygiéno-diététique, notamment chez les patients présentant un syndrome métabolique. Une alimentation équilibrée, la pratique du sport diminuent les troubles mictionnels. Par là les troubles liés à l’hypertrophie régressent et la miction notamment devient plus aisée. Si néanmoins, les troubles persistent on adjoindra un traitement médicamenteux, avec trois grandes familles de produits : la phytothérapie, les alpha-bloquants, les inhibiteurs de la 5 alpha-réductase ; depuis quelques années on recourt au tadalafil, qui a aussi une efficacité. Si le traitement médicamenteux est inopérant, on passera à la chirurgie.

 

TLM : Quel est le mode d’action de ces médicaments ?

Dr Richard Mallet : La phytothérapie est un traitement médical de première intention.

Elle agit comme un décongestionnant prostatique, une sorte d’anti-inflammatoire ralentissant la progression de la croissance de l’adénome prostatique, sans pour autant avoir d’impact hormonal. Elle est efficace, sans donc les effets indésirables d’autres types de traitements.

Les alpha-bloquants peuvent être aussi prescrits en première intention. Leur action consiste à ouvrir le col vésical et l’urètre prostatique, facilitant ainsi l’évacuation de l’urine. Certains alpha-bloquants peuvent présenter des effets indésirables éjaculatoires, raison pour laquelle on hésite parfois à les prescrire.

Les inhibiteurs de la 5 alpha-réductase font baisser de volume la prostate. Mais cette famille de produits a un impact hormonal et, de ce fait, peut retentir sur la libido et l’érection et induire une gynécomastie ou des mastodynies.

Le tadalafil est prescrit depuis quelques années dans cette indication.

Initialement dédié à la dysfonction érectile, il peut être donné ponctuellement, en prise quotidienne à faible dose -5mg. Par l’augmentation de la vasodilatation qu’il génère, il améliore l’oxygénation, et donc la relaxation des tissus et le relâchement des fibres musculaires vésicales et prostatiques. Il est donc très utile pour gérer les troubles mictionnels de l’homme.

 

TLM : Quel sera donc la stratégie thérapeutique en matière de médicament ?

Dr Richard Mallet : Elle est fonction de la sévérité des troubles. S’ils sont mineurs on commencera par la phytothérapie, traitement mini-invasif, peu délétère notamment pour la fonction sexuelle.

Si les troubles sont sévères, notamment en cas de rétention, on aura recours immédiatement à un alpha-bloquant, et si besoin aux inhibiteurs de la 5 alpha-réductase. On pourra prescrire ces produits en monothérapie, et si besoin en les associant.

 

TLM : Quelle est l’efficacité de ces traitements médicamenteux ?

Dr Richard Mallet : Ils sont très efficaces : ils améliorent indiscutablement la qualité et le confort de vie. Malheureusement, avec le temps la prostate grossit, si bien que leur efficacité s’épuise parfois. C’est ici qu’intervient l’option chirurgicale.

 

TLM : Quand donc passer au traitement chirurgical ?

Dr Richard Mallet : Lorsque le patient continue de présenter des troubles mictionnels malgré le traitement médical. Mais ce sera parfois le chirurgien qui posera l’indication opératoire, même si le patient ne ressent aucune gêne. C’est le cas lorsqu’il existe un résidu post-mictionnel important, risque d’infection urinaire ; ou lorsqu’il existe une insuffisance rénale. Le chirurgien devra alors inciter le patient à recourir au traitement chirurgical.

 

TLM : En quoi consiste le traitement chirurgical ?

Dr Richard Mallet : La gêne à l’écoulement de l’urine est liée à une obstruction de l’urètre par la partie centrale de la prostate, il s’agit donc de désobstruer. Par le passé on disposait de deux options principales. On pratiquait, par voie endoscopique via les voies naturelles, une résection de l’adénome pour désobstruer. Et si la prostate dépassait un certain volume, 85 g, on pratiquait par voie haute une adénomectomie, deuxième option. Depuis, on a développé des techniques au laser qui permettent de limiter le recours à la chirurgie ouverte, voire de s’en passer totalement.

 

TLM : Quelles sont les suites opératoires ?

Dr Richard Mallet : Il existe au départ une phase irritative car l’urine s’écoule à travers la zone opératoire. Le patient n’a donc de réel bénéfice de l’intervention qu’après un à trois mois, le temps qu’il cicatrise. Plus de 70% des patients opérés présentent aussi, en fonction de l’intervention, une éjaculation rétrograde vers la vessie. C’est pour l’éviter qu’on développe aujourd’hui ces techniques alternatives mini-invasives qui ont pour objectif de préserver cette éjaculation.

 

TLM : Quand le médecin généraliste doit-il adresser à l’urologue ?

Dr Richard Mallet : Lorsque les troubles mictionnels sont peu importants, nul besoin d’avoir recours à l’urologue. Mais quand le traitement médical de première intention échoue, il faut adresser au spécialiste. Je souligne ici que les troubles mictionnels ne sont pas tous liés à un adénome prostatique.

Des troubles mictionnels irritatifs —pollakiuries, urgences mictionnelles, nycturies, etc.— peuvent être dus à des tumeurs vésicales. En d’autres termes, si les troubles irritatifs sont prédominants, il faut adresser à l’urologue d’emblée. Si en revanche, le trouble obstructif —faible jet, difficulté à vider la vessie— prédomine on commence par le traitement médical et on n’aura recours à l’urologue qu’en seconde intention.

Propos recueillis

par Daniel Paré

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