• Dr Priscilla Leon : Une cystite est toujours à prendre au sérieux…

Priscilla Leon

Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme

Date : 13/10/2022


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« Il nous arrive de détecter des cancers de la vessie chez des femmes victimes de cystites à répétition », confie le Dr Priscilla Leon, chirurgien urologue à la clinique Pasteur de Royan, membre du comité de Cancérologie de l’AFU (sous-comité de la Vessie).

Si les cystites* sont une maladie fréquente, il importe, ajoute-t-elle, de les prendre au sérieux pour traiter au mieux les patientes.

 

TLM : Les infections urinaires sont un symptôme extrêmement fréquent. Comment pose-t-on le diagnostic ?

Dr Priscilla Leon : Les cystites infectieuses ont souvent des signes très reconnaissables : sensation de lourdeurs dans le bas ventre, brûlures à la miction, pollakiurie… Le diagnostic peut toutefois être complété par des bandelettes urinaires ou un ECBU. La bandelette donne un résultat immédiat, mais sa fiabilité n’est pas de 100 %. L’ECBU permet un diagnostic plus précis, avec identification de la bactérie concernée (le plus souvent Escherichia coli) mais il faut attendre 48 heures pour obtenir le résultat de l’antibiogramme. En général, on privilégie l’ECBU, mais si la patiente consulte dans un cabinet de ville à une heure avancée, ou encore le week-end, on optera pour la bandelette. On va aussi rechercher des facteurs de risques de complications : anomalie de l’arbre urinaire, grossesse, sexe masculin, sujet âgé « fragile », insuffisance rénale, immunodépression…

 

TLM : Et si les examens reviennent négatifs ?

Dr Priscilla Leon : Certaines patientes présentent des symptômes qui ressemblent à la cystite, sans infection associée. Cela peut être dû à des troubles comme les hyperactivités vésicales, mycose génitale, urétrite, sécheresse cutanéo-muqueuse… Des investigations plus poussées permettront de poser le diagnostic. L’ECBU peut également revenir négatif s’il a été déposé trop tard, après que le traitement antibiotique a commencé. L’antibiothérapie aura « décapité » les germes. Il arrive également que les femmes se présentent en consultation persuadées d’avoir une infection urinaire, alors qu’en réalité il s’agit d’une irritation.

 

TLM : Quel traitement préconisez-vous ?

Dr Priscilla Leon : S’il s’agit d’une cystite simple, un traitement minute —prise unique d’un sachet de fosfomycine trométamol 3g — suffit le plus souvent. On peut également proposer des traitements antibiotiques courts sur cinq jours (pivmécillinam 400 mg, 2 par jour, nitrofurantoïne). Pouf les cystites simples on évite en général la fluoroquinolone, en raison des résistances que les bactéries ont développé face à cet antibiotique. Il faut aussi demander aux patientes de boire suffisamment. L’ingestion de deux à trois litres par jour est nécessaire pour diminuer la charge bactérienne à l’intérieur de la vessie. Si d’autres troubles sont associés (sécheresse vaginale, constipation), on les prendra en charge également. Je propose aussi d’autres petits moyens comme les traitements à base de cranberry en sachets, en granules ou —mieux encore— sous forme de boisson. Sur les cystites à risque de complications, si le traitement ne peut pas être différé on débute une antibiotéhrapie probabiliste (nitrofurantoïne ou fosfomycine trométamol). Sinon, on attendra le résultat de l’antibiogramme. Les antibiotiques prescrits sont en premier lieu l’amoxicilline, le pivmécillinam (2e choix), la nitrofurantoïne sur sept jours. Autre choix possible : fosfomycine trométamol 3 g J1, J3 et J5 ) et enfin le bactrim/cinq jours.

 

TLM : Et pour la femme enceinte ?

Dr Priscilla Leon : Nous sommes extrêmement prudents parce qu’on redoute que l’infection basse de la vessie remonte dans les reins et entraîne une pyélonéphrite.

S’il s’agit juste d’une colonisation urinaire gravidique (asymptomatique) le choix se porte sur l’amoxicilline, le pivmécillinam, ou la fosfomycine trométamol. Autres choix possibles le bactrim (à éviter au premier T de la grossesse), nitrofurantoïne, cotrimoxazole, Augmentin. Ces traitements sont prescrits sur sept jours sauf la fosfomycine trométamol (une dose). Si la cystite est symptomatique, fosfomycine trométamol ou pivmécillinam le temps d’avoir le résultat de l’ECBU puis antibiothérapie en fonction de l’antibiogramme (voir plus haut).

 

TLM : Qu’en est-il des cystites récidivantes ?

Dr Priscilla Leon : Chez les femmes qui souffrent de cystites consécutives aux rapports sexuels, nous commençons par prodiguer des conseils pratiques (éviter les spermicides, boire fréquemment, uriner après le coït). Si malgré tout les cystites persistent, on propose une couverture antibiotique. Les femmes ayant une vie sexuelle active se verront prescrire un sachet de fosfomycine/semaine pendant trois à six mois. Le plus souvent, à l’arrêt du traitement, les cystites ne reprennent pas. Pour les femmes ayant des rapports plus ponctuels, on utilise le bactrim (DELPRIM) deux heures avant ou deux heures après le rapport. Ce type de cystites n’est pas fréquent, il concerne surtout des femmes jeunes ou des femmes qui reprennent une vie amoureuse après une longue abstinence. Chez les patientes ayant plus d’un épisode mensuel sans lien avec les rapports sexuels, une antibioprophylaxie est également possible soit TMP 150 mg : 1 par jour, soit Monuril 3 g sur sept jours.

 

TLM : Comment traitez-vous si la femme s’est déjà automédiquée ?

Dr Priscilla Leon : C’est plus compliqué. Parfois, elles prennent le premier antibiotique trouvé dans leur armoire à pharmacie ! On peut tenter un ECBU pour identifier la bactérie, mais il risque d’être négatif ! On doit s’adapter et essayer de « couvrir » le plus large spectre en fonction de l’antibiotique que la femme a consommé.

 

TLM : Les résistances aux antibiotiques sont-elles inéluctables ?

Dr Priscilla Leon : Nous essayons de prescrire le meilleur antibiotique à la dose la plus juste. Dans certains cas, en buvant abondamment on peut éliminer le germe sans autre traitement. Sinon, pour ces cystites récidivantes, nous proposons des rotations d’antibiotiques. Un dernier message clef : chez ces femmes qui souffrent de cystites à répétition il est essentiel de réaliser des explorations complémentaires (échographie pour vérifier que la femme n’a pas de calcul, qu’elle vide complètement sa vessie pendant la miction…). Dans certains cas, une cystoscopie est indiquée. Il nous arrive de détecter des cancers de la vessie chez des femmes victimes de cystites à répétition. Si les cystites sont une maladie fréquente, il importe de les prendre au sérieux pour traiter au mieux les patientes.

Propos recueillis

par Cendrine Barruyer-Latimier

* Les cystites en chiffres

• Une femme sur deux fera une infection urinaire (cystite) au cours de sa vie.• Plus de 3 millions de cystites surviennent chaque année. • Deux pics de fréquence identifiés : au début de la vie sexuelle et à la ménopause. • Dans un cas sur dix les cystites sont récidivantes (plus de quatre épisodes par an).

Source : Comitéd’infectiologie de l’Association française d’urologie (CIAFU)

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