• Dr Postel-Vinay : Promouvoir la culture de l’automesure tensionnelle auprès des patients

Nicolas Postel-Vinay

Discipline : Cardiologie

Date : 06/07/2023


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Recommandée dès 2000 par les guidelines, l’automesure tensionnelle tarde à entrer massivement au domicile des patients hypertendus. En cause, le manque de temps des médecins pour expliquer ses principes.

Ses avantages ne sont pourtant plus à démontrer, plaide le Dr Nicolas Postel-Vinay, médecin à l’hôpital Européen GeorgesPompidou (Paris).

 

TLM : L’automesure de la pression artérielle chez les patients hypertendus est recommandée depuis 2000. Pour quelle raison ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : Cette recommandation repose sur deux propriétés importantes : l’automesure tensionnelle au domicile est capable de détecter les situations d’effet « blouse blanche » et d’hypertension artérielle masquée. Ceci est aussi vrai pour la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) sur 24 heures. Rappelons que l’effet « blouse blanche » (qui survient dans 30 à 40% des cas) correspond à une réaction d’alerte face au médecin, tandis que l’hypertension masquée correspond, à l’inverse, à une pression sanguine mesurée comme normale au cabinet médical alors que le patient est hypertendu lorsqu’il réalise ses mesures en ambulatoire (situation notée dans 5 à 10%, des cas, voir plus). Parmi les explications de ce second phénomène citons le cas des patients allant chez leur médecin après pensé à prendre leur traitement ce jourlà et se rendant à la consultation pendant le maximum du pic d’effet du médicament. Les pensant bien contrôlés, le médecin n’adapte pas le traitement.

Autre avantage de l’automesure tensionnelle, la reproductibilité plus grande des résultats. Des études ont également montré que la pratique de l’automesure avec éducation du patient permet une meilleure observance thérapeutique. Avec l’automesure on constate une proportion supérieure de patients atteignant les objectifs tensionnels car non seulement les malades constatent eux même les effets de leur traitement (retro-information) mais aussi les médecins, en récupérant des résultats fiables et précis, ajustent plus facilement les traitements (soit en augmentant le nombre de classes posologiques soit en augmentant les doses au sein de chaque classe). En plus d’améliorer le comportement des patients, l’automesure permet de lutter contre l’inertie thérapeutique.

 

TLM : Cette recommandation de la HAS est-elle bien suivie ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : Globalement pas assez. En médecine générale, la proportion de patients hypertendus traités qui pratiquent l’automesure avoisinent les 50% ; c’est mieux qu’avant, mais ça ne progresse pas assez vite si on considère le verre à moitié vide. La recommandation d’automesure se heurte à divers obstacles. Le premier, comme souvent, c’est le décalage entre l’édiction d’une recommandation et sa mise en pratique. Le second tient au fait que l’automesure nécessite des explications détaillées de la part des médecins sur ses modalités pratiques or la surcharge de travail des médecins raccourci trop la durée des consultations. Et que dire des 750 000 Français n’ont pas accès à un médecin traitant alors que nombre de généralistes va encore baisser dans les quatre ans à venir ? L’automesure tensionnelle requiert une participation active des patients, qui doivent suivre les recommandations de leur médecin et restituer correctement leurs mesures à chaque consultation, or tous ne sont pas forcément prêts ou capables de le faire. Au total, à peine un quart des patients le font correctement comme vient de le montrer une enquête de Santé Publique France.

 

TLM : Qu’en est-il de la MAPA ? Est-elle amenée à disparaître ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : Non, d’autant qu’il s’agit de la méthode de référence. Mais il est logique de la réserver aux situations particulières, soit quand les patients ne sont pas capables de pratiquer l’automesure, soit parce qu’ils sont trop anxieux avec l’automesure (ce qui est peu fréquent, au maximum 5% des cas), soit parce que d’autres affections comme des maladies neurodégénératives nécessitent aussi des mesures nocturnes. Les contraintes d’équipement et d’organisation inhérent à la MAPA font que la méthode est majoritairement mis en œuvre par un cardiologue. Si on veut promouvoir l’autonomie des patients hypertendus, mieux vaut promouvoir l’automesure au long cours.

 

TLM : Quelles sont les modalités du protocole d’automesure ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : Le patient doit réaliser trois mesures consécutives à une minute d’intervalle le matin et le soir, après ses repas mais avant la prise de ses médicaments. Il doit utiliser un tensiomètre à brassard huméral (avec un modèle large en cas de circonférence de bras supérieure à 42 cm), s’asseoir au calme, le bras posé sur une table, et ne pas parler. Il doit renouveler l’opération trois jours de suite —idéalement cinq à sept jours si possible. Ensuite, l’interprétation du résultat demande de calculer la moyenne de l’ensemble des chiffres mesurés pour obtenir une valeur qui sera jugée en fonction des seuils et des cibles recommandés.

 

TLM : Vous évoquiez la pénurie de praticiens ; la e-santé peut-elle favoriser le développement de l’automesure tensionnelle ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : Les méta-analyses montrent que sans accompagnement médical, les applis de e-santé n’améliorent pas à elles seules le contrôle tensionnel. En revanche, associée à des rappels par un infirmier, ou par télétransmission des résultats elles contribuent à améliorer le contrôle tensionnel. Mais la télémédecine ne fait pas encore partie de la pratique courante. En France, seuls certains centres hospitaliers la proposent. Cela étant, avec 17 millions de Français hypertendus toute leur vie durant, une télésurveillance de l’ensemble des patients serait irréaliste et irréalisable. Dans notre centre d’hypertension à l’Hôpital Européen Georges-Pompidou (AP-HP), nous orientons systématiquement tous les patients sur le site automesure.com et, pour la restitution des résultats, sur l’application web Hy-Result (voir Guide page 11). Ça simplifie considérablement la vie des patients, qui y trouvent à la fois des informations et des conseils, ce qui leur permet de préparer leur prochaine consultation et de mieux accepter un éventuel changement de traitement.

 

TLM : L’autotitration, qui correspond à l’adaptation posologique d’un traitement antihypertenseur par le patient lui-même, a-t-elle vocation à être proposée à tous les patients hypertendus ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : Non, absolument pas. Elle est réservée aux patients qui sont capables de comprendre leurs ordonnances sans se tromper entre les principes actifs en cas de traitement combiné, de connaître les génériques, etc. et bien sur qui le souhaitent. Cette démarche, dont les études montre l’intérêt, réclame du temps d’éducation par le médecin ou les infirmiers ; la formation d’infirmiers en pratique avancée (IPA) va très certainement favoriser son développement. En tout cas, c’est une évolution souhaitable qui est désormais citée par certaines recommandations.

Propos recueillis

par Charlotte Montaret

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