• Dr POSTEL-VINAY : HTA : Antécédents ischémiques et choix des traitements

Nicolas POSTEL-VINAY

Discipline : Cardiologie

Date : 11/07/2022


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Après un infarctus du myocarde, certains antihypertenseurs doivent être privilégiés, explique le Dr Nicolas Postel-Vinay, médecin au sein de l’unité d’Hypertension artérielle à l’hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP).

 

TLM : Un infarctus du myocarde a-t-il une incidence sur la prise en charge de l’hypertension artérielle ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : Sur le niveau de pression artérielle à atteindre sous traitement, non. À la différence des recommandations concernant la prise en charge de l’hypertension artérielle chez les patients diabétiques ou en insuffisance rénale, celles relatives aux patients hypertendus présentant des antécédents de maladies ischémiques restent les mêmes. À savoir, atteindre un seuil tensionnel de 135/85 mmHg en moyenne en automesure sur 3 à 7 jours, en veillant à ne pas descendre en-dessous de 115/75 mmHg (120/80 mmHg en mesure au cabinet médical). Le fait de présenter des antécédents de maladie ischémique va, en revanche, avoir un impact sur le choix des antihypertenseurs et conduire le médecin à privilégier les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou les sartans, et redonner une place particulière aux bétabloquants : habituellement en quatrième ligne des traitements contre l’hypertension artérielle après les diurétiques, les inhibiteurs calciques et les IEC ou sartans, ils remontent en première ou deuxième position chez les patients qui ont été victimes d’un infarctus du myocarde. Ils présentent l’intérêt de réduire la fréquence cardiaque, la pression artérielle et la contractilité, diminuant ainsi la charge de travail cardiaque et le besoin en oxygène. Les prescripteurs doivent néanmoins prendre garde à leurs effets indésirables, en particulier au risque de bradycardie potentiellement majoré en cas de prescription conjointe d’un inhibiteur calcique bradycardisant comme le veramapil.

 

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TLM : Quelles sont les autres spécificités de la prise en charge de ces patients ?

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Dr Nicolas Postel-Vinay : Le fait d’avoir été victime d’un infarctus du myocarde sous-entend l’existence de facteurs de risque qui ne sont pas uniquement tensionnels : tabagisme, sédentarité, consommation excessive d’alcool et surcharge pondérale. Ces facteurs de risque représentent autant de points de vigilance dans la prise en charge de ces patients. Le rôle du médecin généraliste consiste donc à traiter ces derniers pour abaisser leur pression artérielle et la maintenir dans les zones tensionnelles, mais aussi à lutter contre leurs autres facteurs de risque cardiovasculaire. Le contrôle des dyslipidémies fait également partie intégrante de la prise en charge de ces patients, avec pour objectif un taux de LDL-cholestérol inférieur à 2,6 nmol/L ou à 1,8 nmol/L en cas de contrôle strict ; ce contrôle inclut quasi systématiquement la prescription de statines en cas d’antécédents d’infarctus du myocarde. La recherche d’un diabète associé, fréquent, ne doit pas être oublié ; en effet, la moitié des patients diabétiques décèdent non pas de leur diabète mais d’une maladie cardiovasculaire. Les personnes diabétiques doivent donc faire l’objet d’une attention particulière. En général, on préconise un contrôle annuel de la glycémie, du taux d’hémoglobine glyquée (qui doit rester inférieur à 7%), et des taux de lipides.

 

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TLM : Concrètement, comment doit se dérouler une consultation médicale ?

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Dr Nicolas Postel-Vinay : La surveillance des patients hypertendus avec antécédents d’infarctus du myocarde repose avant tout sur la mesure de leur pression artérielle et sur la réalisation régulière d’un électrocardiogramme. C’est un examen relativement simple dont le médecin traitant ne doit pas faire l’économie. Il doit également mener un interrogatoire poussé à la recherche de symptômes annonciateurs de récidives d’accident ischémique : le patient a-t-il des palpitations ? Présente-t-il un essoufflement à l’effort ou sans effort ? Souffre-t-il de douleurs à la poitrine ?... Un contrôle tensionnel par automesure à l’aide d’un brassard huméral est préconisé tous les trois mois environ ; chez les personnes très âgées et/ou en perte d’autonomie, le recours à un aidant peut s’avérer nécessaire. Enfin, il est de bonne pratique d’éduquer les patients à la reconnaissance des signes d’alerte de récidive cardiovasculaire (douleurs aux membres, asthénie inexpliquée...), et d’accident vasculaire cérébral (troubles de la parole, paralysie faciale...). Plus ils acquièrent ce type de compétences et plus ils deviennent autonomes, plus ils sont capables de participer à leur prise en charge, notamment à l’égard des facteurs de risque qui relèvent de leur hygiène de vie.

 

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TLM : Les antihypertenseurs sont-ils efficaces et bien tolérés par ces patients avec antécédents d’infarctus du myocarde ?

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Dr Nicolas Postel-Vinay : Oui, ils donnent d’excellents résultats et ont peu d’effets secondaires. Les cas d’hypertension artérielle résistante sont plutôt observés chez les patients souffrant également d’insuffisance rénale. C’est pourquoi le suivi de ces derniers inclut un contrôle biologique annuel de la kaliémie, de la natrémie pour les patients sous diurétiques, et du taux sanguin de créatinine.

Bien sûr, une bonne observance au traitement doit être vérifiée.

 

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TLM : La pratique d’une activité physique, notamment pour lutter contre la sédentarité et la surcharge pondérale, est-elle indiquée malgré les antécédents cardiaques de ces patients ?

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Dr Nicolas Postel-Vinay : Oui, et plutôt deux fois qu’une ! Marche rapide, vélo, natation doivent faire partie de leur traitement. De très nombreux patients craignent de reprendre ou de débuter une activité physique après un infarctus du myocarde, de peur que cela ne déclenche une récidive : il est important de lutter contre cette idée reçue et d’expliquer qu’une fois l’épisode aigu passé, la prévention du risque de récidive passe notamment par la pratique quotidienne d’une activité physique. Même si c’est chronophage, il est essentiel que les médecins généralistes prennent le temps de déconstruire ces fausses croyances. Ils peuvent également les orienter vers des consultations dédiées à la lutte contre la sédentarité qui comprennent des séances d’activité physique adaptée (APA).

Propos recueillis

par Amélie Pelletier

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