Dr PLANCHARD : Cancer du poumon à petites cellules : la révolution immunothérapie
Discipline : Oncologie, Dépistage
Date : 10/10/2021
L’immunothérapie constitue une révolution dans le traitement des cancers localement avancés, non opérables et sans métastases du cancer du poumon du fumeur. Etat des lieux avec le Dr David Planchard, oncologue thoracique et chef du comité de Pathologie thoracique à Gustave-Roussy (Villejuif).
TLM : Quelle est la prévalence du cancer du poumon ?
Dr David Planchard : Les tumeurs thoraciques sont, au plan mondial, les cancers dont la mortalité est la plus élevée. En France, 33 000 décès sont dénombrés par an, ce qui représente l’équivalent d’un crash d’Airbus A380 chaque semaine. Chez l’homme, le cancer du poumon reste la première cause de mortalité, même si depuis deux à trois décennies, sa prévalence recule de façon drastique. Chez la femme, le nombre de cancers du poumon a connu une progression exponentielle au cours des 30 dernières années. Le nombre de décès annuel chez les femmes, à la suite d’un cancer du poumon, est plus élevé que le nombre de décès par cancer du sein, et ce aussi bien en France qu’en Europe. Quels que soient les stades d’avancement de la maladie, moins de 20 % des patients seulement vont passer la barre des cinq ans de survie. Des progrès doivent être encore réalisés pour le dépistage précoce de la maladie même si les avancées avec les thérapies ciblées et l’immunothérapie conduisent à un bénéfice majeur concernant une survie prolongée des patients.
TLM : Quelles sont les causes de ce cancer ?
Dr David Planchard : Le facteur de risque principal reste le tabagisme : 80 % des patients sont des fumeurs ou anciens tabagiques. Le tabagisme est notamment responsable de plus de 95 % des cancers du poumon à petites cellules (l’histologie la plus agressive des cancers du poumon). La lutte contre le tabagisme est donc une priorité absolue et l’aide au sevrage joue un rôle capital pour diminuer le risque de cancer du poumon. Les autres causes sont la pollution atmosphérique et domestique, les causes professionnelles comme l’irradiation accidentelle et, enfin, l’irradiation naturelle (comme le radon).
TLM : Quels sont les différents stades du cancer du poumon ?
Dr David Planchard : On distingue trois grandes catégories. Quand les patients sont à un stade I et II (stades précoces), ils peuvent être éligibles à la chirurgie, avec une probabilité élevée de pouvoir guérir : environ 60 % des patients sont guéris à cinq ans après la chirurgie. La chirurgie reste donc la pierre angulaire pour traiter ces cancers du poumon localisés, d’où l’intérêt du dépistage précoce. Ces patients sont ensuite souvent traités par une chimiothérapie de consolidation et bientôt ils le seront par immunothérapie.
Au stade IV (métastatique), très peu de patients — 5 à 10 % — ont une survie à cinq ans. La prise en charge fait appel à des traitements systémiques, comme la chimiothérapie mais aussi les thérapies ciblées et l’immunothérapie qui, tous deux, ont permis une progression importante de la survie globale. L’immunothérapie a changé la prise en charge des cancers du poumon non à petites cellules mais aussi à petites cellules. Elle est utilisée seule ou en association avec la chimiothérapie. S’agissant des stades III (localement avancés), le traitement standard est la chimiothérapie couplée à une radiothérapie concomitante, auxquelles s’ajoute aujourd’hui une immunothérapie avec le durvalumab en consolidation pendant un an. Cette immunothérapie a montré un bénéfice majeur sur la survie sans récidive et la survie globale. L’immunothérapie a permis de faire un bond en avant important pour nous permettre de diminuer le risque de récidive tumorale et guérir plus de patients.
TLM : Quelles sont les avancées dans le traitement ces dernières années ?
Dr David Planchard : Dans les années 2000, sont arrivées l’analyse des anomalies génétiques sur la tumeur et les thérapies ciblées. Le deuxième rebond a été possible grâce à l’apport de l’immunothérapie à un stade métastatique et à un stade localement avancé, après radio-chimiothérapie. La radiothérapie peut permettre d’augmenter la réponse immunitaire anti-tumorale à l’immunothérapie. Quand les patients reçoivent ainsi une immunothérapie post-radiothérapie, cela peut créer un environnement dans lequel le système immunitaire (au niveau tumoral et pério-tumoral) aura été potentiellement stimulé, ce qui permettra ensuite de mieux contrôler la maladie et de diminuer le risque de récidive tumorale à l’arrêt de la chimiothérapie et de la radiothérapie.
Propos recueillis
par Marie Beaurenaud ■
Pour une meilleure information des patients sur l’immunothérapie
Le rythme rapide des développements dans le domaine de l’oncologie, notamment en immunothérapie du cancer, entraîne une certaine difficulté pour le patient et le médecin traitant à suivre l’évolution du pronostic, des médicaments disponibles et de leurs effets secondaires potentiels, comme le révèlent les résultats de deux études présentées au Congrès ESMO 2021.
L’immunothérapie est mal comprise par les patients. Pour évaluer les connaissances des patients sur l’immunothérapie, CareAcross, une plateforme multilingue offrant une éducation personnalisée aux patients atteints de cancer, a mené une enquête auprès de 5 589 de ses membres, principalement au Royaume-Uni, en France, en Italie, en Espagne et en Allemagne, concernant le mécanisme d’action, l’efficacité, les effets secondaires et le coût du traitement. « L’immunothérapie est devenue une approche thérapeutique clé administrée chaque jour à des milliers de patients à travers l’Europe », a déclaré l’auteur de l’étude, le Dr Paris Kosmidis, cofondateur et directeur médical de CareAcross. Et d’ajouter : « L’information des patients est cruciale car il s’agit d’un traitement complexe, trop souvent confondu avec un remède miracle. »
Pour le Dr Cyril Bonin, médecin généraliste à Usson-du-Poitou, « le rôle du médecin traitant dans le parcours d’un patient atteint de cancer consistera à reformuler les informations qui lui ont été données par son oncologue pour lui apporter une meilleure compréhension de sa situation. Une communication plus cohérente avec l’équipe d’oncologie sur les avantages attendus d’une thérapie, les effets secondaires possibles et l’impact sur le pronostic pourraient nous aider à guider les patients et à leur fournir le soutien psychologique dont ils ont besoin. »