• Dr Pierre Bakhache : Les bonnes raisons pour vacciner contre le HPV

Pierre Bakhache

Discipline : Infectiologie

Date : 18/04/2023


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Les papillomavirus humains (HPV) sont responsables de huit localisations de cancers et de verrues ano-génitales difficiles à traiter.

La vaccination est efficace mais insuffisante en France. Le point avec le Dr Pierre Bakhache*, pédiatre, expert national INFOVAC, membre de l’AFPA (Association française de pédiatrie ambulatoire) et du GPIP (Groupement pathologies infectieuses pédiatriques).

 

TLM : Combien de personnes sontelles concernées par l’infection à papillomavirus en France ?

Dr Pierre Bakhache : 80 à 90% des Français sont exposés, au moins une fois dans leur vie, au HPV. Le corps parvient souvent à l’éliminer, et les femmes mieux que les hommes lesquels ont une moins bonne immunité au niveau des muqueuses. L’infection à HPV est une IST mais pas dansle sens où l’on entend habituellement : ces virus se transmettent au niveau des parties génitales lors de rapports sexuels. Mais pas seulement ! La transmission peutse faire avec ou sans pénétration et, sachant que ce virus est manuporté, il peut y avoir une transmission virale par simple contact cutané. En Afrique on observe même des lésions HPV sur le visage s’il y a des zones lésées comme des égratignures. Le préservatif, qui protège contre de nombreuses IST, ne protège que partiellement contre les HPV, car le virus peut se retrouver dans des zones non protégées par le préservatif.

 

TLM : Quels sont les risques de ces virus ?

Dr Pierre Bakhache : Ce sont d’abord, pour les deux sexes, les verrues génitales : les crêtes de coq ou les condylomes acuminés. Deslésions génitales ou périanales qui touchent 100 000 personnes (50 000 dans chaque sexe) chaque année en France et qui ont impact psychologique fort. Ces verrues sont inesthétiques, mal placées et il faut les brûler au laser. Il arrive qu’on en ait beaucoup car elles se multiplient dansla peau. Cela représente aussi un coût trèsimportant pour la Sécurité sociale. Soulignons que la vaccination HPV est efficace sur deux souches particulières, les 6 et 11, pouvant être responsables de ces verrues.

 

TLM : D’autres pathologies peuvent être induites par les HPV, par exemple des cancers…

Dr Pierre Bakhache : Chaque année, en France, 6 400 nouveaux cas de cancers sont liés aux HPV, dont un tiers chezles hommes. Avec huit localisations : le col de l’utérus (44% des cas), l’anus (24%), l’oropharynx (22%), la vulve, le vagin, la cavité orale, le larynx et le pénis. Si l’on retire les 44% des cancers du col, il reste 56 % de cancers qui concernent davantage les hommes que les femmes. A noter que les infections à HPV sont responsables de 100% des cas de cancers du col de l’utérus.

 

TLM : Ces cancers bénéficient-ils d’un programme de dépistage ?

Dr Pierre Bakhache : Seul le cancer du col de l’utérus bénéficie d’un programme de dépistage. La recherche du virus est réalisée par une PCR (amplification des antigènes viraux). En France, le frottis est recommandé à intervalles réguliers pour les femmes de 25 à 65 ans. Il permet de dépister les lésions précancéreuses et les cancers du col à un stade précoce. Mais les autres cancers ne bénéficient pas d’un programme de dépistage. Ils sont donc susceptibles d’être diagnostiqués tardivement.

 

TLM : Quelles sont les recommandations pour la vaccination contre les HPV ?

Dr Pierre Bakhache : La vaccination prévient jusqu’à 90 % des infections HPV à l’origine des cancers. Elle est recommandée pour toutes les filles et tous les garçons âgés de 11 à 19 ans révolus, donc 20 ans moins un jour. C’est dans cette tranche d’âge que l’on doit se faire vacciner pour être remboursé par la Sécurité sociale. Seuls les HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) peuvent être vaccinés jusqu’à 26 ans en étant remboursés, ce qui peut être considéré comme injuste.

Est-il encore possible de se faire vacciner après les premiers rapports sexuels ? u Certainement. Dès lors qu’il y a déjà des rapports sexuels, il est possible d’avoir rencontré un HPV. Certes ! mais sans avoir pour autant été exposé à toutes les souches, et le vaccin peut prévenir les autres. Des études ont même montré que des femmes ayant déjà eu des lésions précancéreuses traitées ont intérêt à bénéficier du vaccin car il préviendrait 70% des récidives. Mais personne —y compris les médecins— ne propose la vaccination après 19 ans car elle n’est pas remboursée. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas utile.

 

TLM : Quelles sont les modalités pratiques de cette vaccination ?

Dr Pierre Bakhache : Pour les 11-13 ans c’est deux doses, pour les 15-19 ans trois doses. On peut profiter du rendez-vous vaccinal pour le rappel dTcaP (diphtérie-tétanos-coqueluche-poliomyélite) prévu entre 11 et 13 ans, pour initier le schéma en deux doses. On peut vacciner en même temps contre le dTcaP et les HPV. Il est aussi important de faire le point sur les vaccins, dont celui contre le HPV, lors des examens pris en charge à 100% par l’Assurance maladie, entre 11-13 et 15-16 ans.

 

TLM : Avons-nous suffisamment de recul sur la vaccination HPV, notamment sur ses effets indésirables ?

Dr Pierre Bakhache : Les effets indésirables les plus fréquemment observés sont des réactions locales au point d’injection, parfois de la fièvre, rarement des malaises vagaux dus à l’injection mais pas au vaccin lui-même. Les dernières études, avec un recul important, ne signalent pas d’effets secondaires majeurs. En France, les jeunes filles sont vaccinées depuis plus de dix ans. Plus de 6 millions de doses ont été prescrites. Et plus de 300 millions dans le monde. Si une maladie liée à cette vaccination devait ressortir, on s’en serait aperçu…

 

TLM : Que pensez-vous de la décision, annoncée par le président de la République, de vacciner dans les collèges en classe de 5e ?

Dr Pierre Bakhache : En France la couverture vaccinale contre le HPV est insuffisante mais elle augmente légèrement. Néanmoins on reste en dessous des 40% de filles vaccinées, on atteint péniblement les 10% chez les garçons. Proposer cette vaccination en classe de 5e est une très bonne initiative. Reste à savoir comment cette décision sera concrètement appliquée. Il faut rattraper le retard.

En Australie et au Canada, la couverture vaccinale se situe au-dessus de 90%. Dans ces pays, les verrues génitales ont disparu dans la population vaccinée et on dénombre beaucoup moins de cancers dus au HPV.

 

TLM : Comment mieux faire ? Quel est le rôle du médecin généraliste ?

Dr Pierre Bakhache : Il faudrait autoriser les pharmaciens, les infirmières et les sagesfemmes à vacciner contre les HPV**. Comme il n’y a pas assez de campagnes d’information, il faut sensibiliser et motiver les médecins généralistes pour qu’ils proposent cette vaccination. Les parents leur font confiance. Donc ils doivent prendre le temps d’informer, de démonter les fake-news sur les vaccins et de rassurer.

Propos recueillis

par Brigitte Fanny Cohen

* Liens d’intérêt à retrouver sur www. transparence.gouv.fr

** Les pharmaciens sont aujourd’hui autorisés à prescrire le vaccin au titre de l’article 33 de la LFSS :www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046791754 qui modifie article Article L5125-1-1 A du CSP à alinéa 9.

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