• Dr PA Becherel : Biothérapies et prise en charge du psoriasis en plaques modéré à sévère

Pierre-André Becherel

Discipline : Dermatologie

Date : 10/01/2024


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Les thérapies ciblées ont révolutionné la prise en charge du psoriasis et considérablement amélioré les résultats : plus de 90 % des patients bénéficient d’une quasi-disparition des lésions et une amélioration substantielle pour tous les malades traités, constate le Dr Pierre-André Becherel, chef du service de Dermatologie de l’hôpital privé d’Antony.

 

TLM : Quels sont les signes du psoriasis en plaques modéré à sévère ?

Dr Pierre-André Becherel : Le psoriasis est une maladie dermatologique fréquente, qui concerne environ 2 % de la population française avec des formes de gravité variable. Elle débute le plus souvent entre 20 et 30 ans, chez des adultes jeunes. Mais il existe également des formes pédiatriques et des formes tardives. Cette maladie se caractérise par des lésions cutanées, avec des plaques érythémateuses, inflammatoires et des desquamations. De manière générale, le psoriasis n’est pas prurigineux. Il peut toucher n’importe quelle partie du corps.

Cette maladie est associée, dans 20 % des cas, à une atteinte articulaire. La gravité du psoriasis est évaluée par des recommandations officielles européennes et mondiales sur la base de scores cliniques précis, en particulier le score PASI (Psoriasis Area Severity Index). Ce score s’étage de 0 à 72 et prend en compte notamment la surface cutanée concernée par le psoriasis, l’intensité de l’érythème et l’importance des desquamations. Il est basé sur des critères uniquement cliniques. Le psoriasis est dit modéré à sévère quand ce score est supérieur à 10. Ces formes modérées à sévères concernent 25 % des patients souffrant de psoriasis.

 

TLM : Certaines localisations du psoriasis soulèvent-elles plus de problèmes que d’autres ?

Dr Pierre-André Becherel : C’est le cas. Les atteintes du cuir chevelu, par exemple, sont extrêmement gênantes. La desquamation de la peau induit des pellicules très abondantes. Par ailleurs, cette atteinte est très prurigineuse et invalidante. L’atteinte génitale est également très dérangeante, douloureuse, stigmatisante, perturbant la vie intime. Enfin, le psoriasis au niveau du cuir chevelu, du pli fessier ou encore des ongles est associé à un risque trois fois plus important de rhumatisme psoriasique.

 

TLM : Les causes du psoriasis sont-elles identifiées ?

Dr Pierre-André Becherel : Il s’agit d’une maladie dite auto-inflammatoire, mais sans gène identifié. Il y aurait 5 % de formes familiales. Le diagnostic est facile à poser.

Aucun examen complémentaire n’est nécessaire. C’est une maladie chronique, évoluant par poussées, avec des périodes de rémission. Ces poussées sont d’ailleurs rythmées par des événements stressants.

 

TLM : Comment prendre en charge les formes modérées à sévères de psoriasis ?

Dr Pierre-André Becherel : Le traitement des formes bénignes repose sur des corticoïdes par voie topique. La prise en charge des formes modérées à sévères nécessite, elle, des traitements systémiques encadrés par des autorisations de mise sur le marché et des données réglementaires. Ce traitement systémique repose obligatoirement, pour la prescription initiale, sur le méthotrexate ou la ciclosporine. Ces traitements de première ligne sont prescrits d’abord pendant trois mois. Le méthotrexate est prescrit le plus souvent par voie orale, une fois par semaine, à la dose de 15 à 20 milligrammes par jour, parfois par voie sous-cutanée, en auto-injection. La ciclosporine est moins utilisée, du fait de ses effets secondaires. Au bout de trois mois de l’un ou l’autre de ces traitements, l’effet clinique est évalué. Ces traitements sont efficaces et suffisants pour 50 % des patients souffrant de formes modérées à sévères. Un autre médicament est d’ailleurs disponible, l’apremilast, en cas d’échec du méthotrexate et de la ciclosporine. Mais son efficacité est très modérée. Pour l’autre moitié des patients en échec thérapeutique avec l’une ou l’autre de ces molécules, il est alors possible de prescrire une biothérapie.

 

TLM : Comment prescrit-on ces biothérapies ?

Dr Pierre-André Becherel : Ces biothérapies reposent sur des anticorps monoclonaux dirigés contre des cytokines inflammatoires impliquées dans le psoriasis. Ainsi, les anti-TNF alpha, les anti-interleukines 17 et les anti-interleukines 23 sont les trois familles de biothérapies indiquées dans le psoriasis modéré à sévère, selon les recommandations officielles. Toutes ces molécules sont mises sur le même plan par ces recommandations. Il n’existe pas de hiérarchisation à respecter dans leur prescription. Le dermatologue peut prescrire la biothérapie de son choix, selon son expérience et ses préférences. Les anti-interleukines semblent cependant un peu plus efficaces.

Mais si l’on veut rester au plan des recommandations, les biothérapies sont considérées comme toutes équivalentes. Le traitement par biothérapie se pratique par injection sous-cutanée, par le biais d’auto-injections le plus souvent. Le rythme des injections varie d’une fois tous les quinze jours à une fois tous les trois mois, selon la biothérapie utilisée. Par ailleurs, il faut savoir que les anti-interleukines ont aussi une indication dans le rhumatisme psoriasique. C’est donc le traitement de choix pour les patients souffrant à la fois d’un psoriasis cutané et articulaire.

 

TLM : Quels sont les résultats obtenus avec ces thérapies ciblées contre les formes modérées à sévères de psoriasis ?

Dr Pierre-André Becherel : Ces médicaments ont révolutionné la prise en charge du psoriasis. Ils ont considérablement amélioré les résultats. Avec les biothérapies, plus de 90 % des patients bénéficient d’une quasi-disparition des lésions.

L’amélioration est substantielle pour tous les malades traités et l’échec est exceptionnel. La qualité de vie des patients ainsi traités est transformée.

Par ailleurs, ces biothérapies sont très bien tolérées, avec très peu d’effets secondaires. Il n’est pas nécessaire de faire de bilan biologique régulier lors du suivi des patients recevant une biothérapie. La tolérance est globalement très bonne, bien meilleure qu’avec les traitements par voie orale, méthotrexate ou ciclosporine.

 

TLM : Peut-on arrêter les biothérapies quand le patient ne présente plus de symptômes ?

Dr Pierre-André Becherel : Aujourd’hui, la cure initiale de traitement dure au moins deux ans. On est parfois tenté, quand tout va bien, d’espacer les doses, voire d’arrêter la biothérapie. Le patient peut alors rester un an en rémission après l’arrêt, par exemple. Mais les poussées reviennent à un moment ou à un autre. Et il faut reprendre la biothérapie qui reste très efficace, même après une période d’arrêt.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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