• Dr Olivier Guillaud : Le test qui évalue la sévérité de l’atteinte du foie

Olivier Guillaud

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 17/01/2023


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Il est très important d’évaluer le degré de fibrose sous-jacente dans les maladies hépatiques pour connaître la sévérité de l’atteinte du foie, définir un pronostic et évaluer le risque de complications —cirrhose ou cancer du foie—, justifie le Dr Olivier Guillaud, hépato-gastroentérologue à la Clinique de la Sauvegarde (Lyon). Autant d’informations délivrées par le test Fibroscan.

 

TLM : Quelles sont les indications du Fibroscan ?

Dr Olivier Guillaud : Le Fibroscan est un examen simple à réaliser qui permet d’évaluer l’élasticité hépatique et le degré de fibrose. Cet examen peut être réalisé quelle que soit la cause de l’atteinte hépatique. Les maladies hépatiques les plus fréquentes sont secondaires, soit à une consommation excessive d’alcool ou à une stéatose hépatique liée à une surcharge pondérale ou encore aux hépatites virales B et C. Il est très important d’évaluer le degré de fibrose sous-jacente dans ces maladies, pour connaître la sévérité de l’atteinte du foie. La fibrose hépatique est le critère le plus important pour définir un pronostic et en particulier évaluer le risque de complications —cirrhose ou cancer du foie. Toutes les maladies chroniques du foie ont un potentiel d’évolution vers une atteinte fibreuse sévère, avec des conséquences potentiellement graves si un diagnostic et une prise en charge adaptée ne sont pas mis en œuvre. Il y a quelques années encore, pour évaluer cette fibrose, une biopsie hépatique était nécessaire.

Aujourd’hui, le recours aux biopsies a nettement diminué, notamment grâce au développement des tests non invasifs, dont le Fibroscan. Pour tous les patients vus à ma consultation d’hépatologie, je prescris un bilan sanguin, une échographie du foie et un Fibroscan, ce qui permet dans un grand nombre de cas d’identifier ou d’éliminer une maladie fibrosante sévère sans recourir à une biopsie hépatique.

 

TLM : Comment s’intègre le Fibroscan dans le parcours de soins en médecine libérale ?

Dr Olivier Guillaud : Certains médecins de ville ont bien intégré l’intérêt de cet outil et nous adressent des patients avec une maladie chronique du foie pour un Fibroscan. D’autres praticiens nous envoient des patients avec un bilan hépatique perturbé, sans demander spécifiquement un Fibroscan. Les médecins de ville peuvent d’ailleurs s’aider d’un autre test, appelé le FIB-4, pour sélectionner les patients nécessitant un Fibroscan. Le FIB-4 peut être calculé en ligne à partir de critères simples : l’âge du patient, le taux de plaquettes et les transaminases (ASAT et ALAT). Lorsque le FIB-4 est inférieur à 1,3, le risque de fibrose sévère est très faible et le plus souvent il n’y a pas besoin d’autres explorations. Lorsqu’il est supérieur à 1,3, des évaluations complémentaires et un avis spécialisé sont nécessaires. Les médecins doivent de manière générale, pour leurs patients, rechercher les facteurs de risque de fibrose hépatique, syndrome métabolique, surpoids (en particulier obésité androïde avec un tour de taille supérieur à 100 centimètres), diabète de type 2, consommation d’alcool excessive (dépassant 10 unités par semaine), hépatites virales.

 

TLM : Ce sont donc les médecins de ville qui adressent leurs patients au service d’Hépatologie pour pratiquer un Fibroscan ?

Dr Olivier Guillaud : Nous travaillons avec une filière de médecins généralistes qui nous adressent leurs patients à risque. Nous avons également mis en place un circuit avec des spécialistes en endocrinologie, en charge du diabète et de l’obésité, car leurs patients sont très souvent atteints de stéatose hépatique.

 

TLM : Concrètement comment se déroule un Fibroscan ?

Dr Olivier Guillaud : L’examen très simple, indolore, dure entre 5 et 10 minutes. Le patient doit être à jeun depuis trois heures au minimum. Il est allongé sur le dos et l’appareil lui délivre une dizaine de percussions hépatiques qui créent à chaque fois une onde dont la vitesse de propagation dans le foie est mesurée. Plus le foie est fibreux, plus il est dur, plus l’onde se propage rapidement. L’élasticité hépatique s’exprime en kiloPascal (kPa). La valeur normale de l’élasticité hépatique est comprise entre 3 et 5 kPa.

Une valeur inférieure à 8 kPa permet le plus souvent d’éliminer une fibrose hépatique sévère ; une valeur supérieure à 12 kPa est associée à une fibrose sévère et une valeur supérieure à 15 kPa est en faveur d’une cirrhose. Pour la zone « grise », avec une élasticité entre 8 et 12 kPa qui ne permet pas de trancher, d’autres examens peuvent être effectués.

Quand on interprète le résultat du Fibroscan, il est important de vérifier l’absence de paramètres qui peuvent le faire varier indépendamment du degré de fibrose, comme une forte inflammation du foie ou une congestion vasculaire liée à une insuffisance cardiaque.

 

TLM : Quels sont les patients que vous voyez le plus souvent pour un Fibroscan ?

Dr Olivier Guillaud : Aujourd’hui, le plus gros contingent de nos patients présentent une stéatose hépatique d’origine métabolique ou alcoolique. Nous voyons également des patients porteurs d’une hépatite B, venant le plus souvent de pays à forte endémie virale (Afrique ou Asie). Grâce aux progrès des derniers traitements antiviraux, le nombre de patients porteurs d’une hépatite C a été réduit de manière drastique ces dernières années.

 

TLM : Qui peut prescrire un Fibroscan actuellement ?

Dr Olivier Guillaud : Tout praticien peut prescrire un Fibroscan, mais l’absence de remboursement de cet examen par l’Assurance maladie pour la majorité des patients qui pourraient en bénéficier est actuellement un problème. Aujourd’hui il n’est pris en charge que chez les patients souffrant d’hépatite C non traitée et sans comorbidité, en cas de co-infection VIH et hépatite C non traitée et en cas d’hépatite B. Un certain nombre d’acteurs de santé demandent à ce que cet examen soit remboursé dans la stéatose métabolique. Le non remboursement est un frein à la prescription. A mon avis, la mesure de l’élasticité hépatique devrait être remboursé dans toutes les maladies hépatiques les plus fréquentes, mais aussi dans les plus rares telles que les hépatopathies auto-immunes ou génétiques. L’évaluation de la fibrose hépatique est un élément pronostic important pour évaluer la gravité de la maladie. L’objectif est d’engager ensuite les patients dans une modification de leur comportement, perte de poids et activité physique en cas de fibrose consécutive à une obésité ou sevrage alcoolique si elle est d’origine alcoolique. Il est désormais possible pour les patients atteints de stéatose métabolique avec fibrose sévère de recevoir des médicaments dans le cadre des nombreux essais thérapeutiques en cours. La fibrose hépatique même sévère est parfois réversible si la maladie initiale est traitée.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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