• Dr Nicolas Postel-Vinay : Comment amener ses patients HTA vers une observance pérenne

Nicolas Postel-Vinay

Discipline : Cardiologie

Date : 10/01/2024


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Nombre d’indicateurs peuvent informer le médecin sur le degré d’observance de son patient, considère le Dr Nicolas Postel-Vinay, médecin à l’hôpital Georges-Pompidou (Paris). Les nouvelles recommandations flèchent ainsi la prise du traitement à heure fixe ou la réduction du nombre de prises journalières, grâce notamment aux bithérapies et trithérapies.

 

TLM : Les problèmes d’observance ont-ils entraîné une modification des recommandations dans la prise en charge de l’hypertension artérielle ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : On estime qu’environ la moitié des patients souffrant d’hypertension artérielle ne prennent pas correctement leur traitement.

Ce manque d’observance est préoccupant, car il est une des raisons du contrôle insuffisant des patients. Parmi les réponses à ce manque, il est notamment désormais recommandé aux patients de pratiquer régulièrement des campagnes d’automesures de la pression artérielle. Il est également recommandé de diminuer le nombre de prises de médicaments par jour avec le recours aux traitements combinés, à savoir deux molécules anti-hypertensives dans un seul comprimé. Mais le défi reste pour le médecin, de parvenir à identifier les patients non-observants.

 

TLM : Comment identifier les malades qui ne prennent pas leur traitement correctement ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : Certains patients, même s’ils bénéficient d’une bithérapie anti-hypertenseurs, gardent une pression artérielle élevée. Il faut alors envisager une trithérapie et un bilan pour comprendre la cause de cette résistance au traitement. Or des études ont montré que, dans la moitié des cas, ces patients sous trithérapie ne prenaient pas correctement leurs médicaments. Il faut donc toujours vérifier avec le patient s’il prend bien son traitement. Les médecins disposent de méthodes indirectes pour évaluer l’observance. Ainsi ils doivent interroger le patient à propos d’une éventuelle plainte sur les effets secondaires du traitement, sur l’heure de prise des médicaments, sur l’endroit où ils les rangent. Si le patient signale une kyrielle d’effets dits non spécifiques, s’il est évasif sur l’heure des médicaments, s’il ne sait pas où il les range, on peut douter de la bonne observance. De façon plus fine on peut faire appel au questionnaire MORISKY, qui évalue l’observance de manière indirecte en huit questions. Les patients traités peuvent se plaindre d’effets secondaires spécifiques de certains antihypertenseurs : gonflement des chevilles, toux sèche, bradycardie, asthme ou encore hypokaliémie. Ce sont des signes indirects de bonne observance. Par ailleurs, si la tension ne baisse pas alors que l’on a ajouté un nouveau médicament, ce n’est pas habituel. Cela doit conduire à interroger le patient plus précisément sur le respect de l’ordonnance.

 

TLM : Quelles sont les autres méthodes pour évaluer l’observance ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : De manière générale, les patients affirment à leur médecin qu’ils prennent « bien » leur traitement correctement. Pourtant les essais réalisés avec des piluliers électroniques révèlent que dans bien des cas les oublis sont fréquents, voire les prises anarchiques, et contrairement aux affirmations des patients, nombre d’entre eux ne prenaient pas leurs médicaments régulièrement. Il existe dans le commerce des piluliers connectés qui ne rencontrent guère de succès commercial et dont on peut se demander s’il est vraiment éthique de surveiller ainsi les patients à distance…

 

TLM : Finalement, les médecins disposent de tous les moyens pour voir si un patient ne prend pas son traitement contre l’hypertension ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : Ce n’est pas aussi simple. Dans le cadre d’un essai clinique chez des candidats à la dénervation rénale, qui est une nouvelle technique innovante et coûteuse, des dosages de médicaments dans les urines ont été effectués avant l’intervention. Ces dosages ont révélé que la moitié de ces patients ne prenaient pas correctement leurs médicaments. Personne n’avait anticipé de tels résultats car on pensait que les sujets acceptant une technique invasive et d’être suivis de très près prenaient scrupuleusement leurs traitements. Cette découverte doit nous faire envisager de réaliser un dosage urinaire systématique lorsque les patients sont sous trithérapie avec une tension artérielle non équilibrée, avant d’envisager un bilan complet ou un traitement plus invasif. C’est ce que nous faisons désormais en routine dans notre unité d’hypertension artérielle, mais très peu d’équipes ont accès à ces dosages.

 

TLM : Concrètement, quelles sont les recommandations pour améliorer l’observance ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : D’abord, il faut recommander aux patients de prendre le traitement à heure fixe, par exemple le matin, au réveil. Ensuite, comme plus le nombre de comprimés augmente, plus le risque de non-respect du traitement croît, il est important de réduire le nombre de prises journalières. Ces dernières années, se sont développées des bithérapies et des trithérapies combinées (deux ou trois médicaments anti-hypertenseurs dans le même comprimé). Mais, contrairement aux bithérapies dans un seul comprimé, les trithérapies combinées ne sont pas remboursées par l’Assurance maladie, ce que regrette la Société française d’hypertension artérielle. Même chez un nouveau patient dont l’hypertension vient d’être découverte, il est possible de prescrire d’emblée une bithérapie dans un seul comprimé.

 

TLM : Quel est le rôle de l’automesure pour inciter les patients à respecter l’ordonnance ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : L’automesure a un effet pédagogique démontré pour améliorer l’observance. Le patient, avec ses automesures, peut constater que s’il prend bien son traitement, la tension artérielle baisse. Cela a un effet vertueux.

Lorsque l’on modifie l’ordonnance d’un patient, on lui demande de faire une série d’automesures un mois plus tard. En fonction des patients, ces campagnes d’automesures peuvent être recommandées tous les six mois, tous les trois mois ou tous les mois. Les toutes dernières recommandations de la Société européenne d’hypertension artérielle indiquent que les applications numériques peuvent conforter l’éducation des patients, c’est par exemple le cas de la solution Hy-Result* qui vient d’être approuvée par la Société française d’HTA.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

* Lire à ce sujet l’étude consacrée à l’appli-web Hy-Result publiée en page 25.

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