• Dr Nicolas Girard : Bénéfices à long terme de l’immunothérapie dans le cancer du poumon

Nicolas Girard

Discipline : Oncologie, Dépistage

Date : 13/10/2022


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Le Dr Nicolas Girard, coordinateur de l’Institut du Thorax à Curie-Montsouris (Paris), professeur de Pneumologie à Paris-Saclay, revient sur les avancées dans la prise en charge du cancer du poumon, annoncées au congrès annuel 2022 de la Société européenne d’oncologie médicale (ESMO), qui s’est tenu à Paris en septembre.

 

TLM : Qu’apporte un traitement avec immunothérapie du cancer du poumon non à petites cellules métastatique, avec un suivi à cinq ans ?

Dr Nicolas Girard : 60 % des personnes avec un cancer du poumon non à petites cellules sont diagnostiqués au stade métastatique. L’association de l’immunothérapie et de la chimiothérapie, dans ces situations métastatiques, est devenue notre quotidien depuis plus de trois ans. C’est le traitement que reçoivent la plupart de nos patients même si 10 % d’entre eux ne sont pas éligibles à l’immunothérapie. C’était inespéré de voir nos patients vivants cinq ans après leur diagnostic du cancer du poumon. L’immunothérapie a un effet stimulant sur leur système immunitaire à long terme et les protège de la réémergence de la tumeur.

 

TLM : Quels sont les enseignements de cette étude Keynote-189 à cinq ans ?

Dr Nicolas Girard : Les résultats, dévoilés à l’ESMO, montrent que 19,4 % des patients traités par pembrolizumab + chimiothérapie survivent à cinq ans. Dans une population globale de cancer du poumon métastatique, de tels chiffres n’ont jamais été atteints. Ce qui me paraît le plus important c’est non seulement que ces patients sont vivants mais qu’ils s’approchent de la notion de guérison alors même qu’ils ont arrêté de prendre un traitement. En effet, ces données à cinq ans montrent qu’entre 30 et 50 % ne prennent plus d’anti-PD-L1 après deux ans, sans que leur tumeur n’évolue. Pourtant, au moment du diagnostic, ils étaient considérés a priori dans une situation incurable.

 

TLM : Ces résultats recèlent-ils une certaine hétérogénéité ?

Dr Nicolas Girard : Certes, le bénéfice de l’immunothérapie est observé chez tous les malades. Toutefois, son amplitude est d’autant plus importante que la cible de l’immunothérapie (anti-PD-L1) est présente dans la tumeur du patient. Le taux de survie globale atteindra 30 % pour ces patients à cinq ans mais, le cas échéant, elle redescendra autour de 10 %. En outre, les résultats de l’étude KEYNOTE-189 confirment que plus l’immunothérapie est donnée tard, moins la moyenne de survie globale de ces patients est élevée à long terme, comme le montrent les résultats du second bras de cette étude KEYNOTE-189, pour lequel pembrolizumab a été donné après une chimiothérapie et non pas de façon concomitante. Et, s’agissant des tumeurs du poumon encore plus précoces qui sont opérables, de nombreux développement de molécules sont en cours pour augmenter le taux de guérison.

 

TLM : Combien de patients sont-ils éligibles à cette immunothérapie ?

Dr Nicolas Girard : Un traitement avec pembrolizumab s’adresse à des patients métastatiques, avec un cancer du poumon non à petites cellules. Leur tumeur ne présente pas d’anomalie et ne peut donc pas bénéficier d’une thérapie ciblant cette mutation. C’est la situation la plus fréquente, touchant entre 10 000 et 15 0000 patients en France chaque année. Ces personnes sont pour la plupart des fumeurs ou anciens fumeurs. Et, parmi elles, les porteurs du marqueur PD-L1 ont une probabilité plus élevée d’être en vie à cinq ans. Il n’en reste pas moins que le pronostic d’un cancer du poumon reste encore faible pour de nombreux patients pour lesquels l’immunothérapie ne suffit pas ou échoue et qui seront traités avec plusieurs lignes de traitements.

 

TLM : Quels sont les autres traitements dans le cancer du poumon ?

Dr Nicolas Girard : A l’ESMO, de nouveaux médicaments conjugués ont été présentés. Ces nouveaux conjugués anticorps-médicaments (ADC ou Antibody Drug Conjugate) ont la particularité de combiner la spécificité d’un anticorps à la puissance d’une chimiothérapie pour la libérer spécifiquement au sein de la tumeur, tout en limitant son impact sur les cellules saines.

Ces ADC sont donc mieux tolérés par les patients. Nous espérons que ces ADC qui ont fait leurs preuves dans le cancer du sein puissent changer la donne aussi dans celui du poumon.

 

TLM : Comment augmenter le taux de patients en survie globale à long terme ?

Dr Nicolas Girard : C’est tout l’enjeu des essais actuellement menés sur des combinaisons de traitements comme le pembrolizumab avec une deuxième immunothérapie, puis des réflexions sur la séquence des traitements en utilisant notamment des anticorps conjugués en deuxième ligne.

L’idée est d’être agressif au départ et, en cas de situation d’échec de la combinaison d’immunothérapie + chimiothérapie, recourir aux ADC, qui se positionnent aussi en deuxième intention en fonction des caractéristiques de la tumeur. A l’avenir, les traitements deviendront de plus en plus en personnalisés.

Propos recueillis

par Christine Colmont

Un taux de survie globale à cinq ans de 19,4%

L’ étude de phase III KEYNOTE-189 évalue le bénéfice d’une combinaison d’un anti-PD-L1, le pembrolizumab, au pemetrexed et une chimiothérapie à base de Pt chez 616 patients avec un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) non épidermoïde, localement avancé ou métastatique sans mutation EGFR ou ALK. Les patients devaient avoir un score ECOG-PS de 0 ou 1 et ne pas avoir de métastases cérébrales symptomatiques. Cette étude a été randomisée en deux bras, l’un recevant pembrolizumbab 200 mg + pemetrexed 500 mg/m² + carboplatine ou cisplatine, l’autre sans pembrolizumab mais placebo + pemetrexed 500 mg/m² + carboplatine ou cisplatine jusqu’à 35 cycles. Puis les deux bras ont reçu pembrolizumab 200 mg en monothérapie le premier pendant 17 cycles (un an), le second pendant 35 cycles (deux ans). Selon les données actualisées à cinq ans qui viennent d’être présentées à l’ESMO 2022, le taux de survie globale (OS) est de 19,4% avec l’anti DP1 pembrolizumab versus 11,3% pour le bras avec chimiothérapie seule. La combinaison pembrolizumab-pemetrexed-carboplatine ou cisplatine montre donc un taux de réduction de décès de 40% à cinq ans.

C.C.

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