• Dr MERGUI : Les règles d’un dépistage précoce des lésions du col de l’utérus

Jean-Luc MERGUI

Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme

Date : 11/07/2022


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La persistance d’une infection à papillomavirus au niveau du col utérin peut provoquer des lésions cellulaires, susceptibles d’évoluer en cancer invasif.

Le Dr Jean-Luc Mergui, gynécologue et ex-président de la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale (SFCPCV), préconise un dépistage précoce des patientes à risque.

 

TLM : Quel est le protocole actuel de dépistage des lésions précancéreuses du col de l’utérus ?

Dr Jean-Luc Mergui : Les recommandations diffèrent selon l’âge de la patiente.

Le dépistage consiste à rechercher soit directement des altérations cellulaires, soit leur cause, la présence de papillomavirus humain (HPV) à haut risque cancérogène. Pour les patientes entre 25 et 30 ans, il est recommandé de pratiquer directement un frottis traditionnel cytologique, sans test HPV préalable. La raison est simple : dans cette tranche d’âge, près d’une femme sur trois est porteuse du virus. Rechercher des HPV n’a pas de sens car ils sont trop fréquents et leur clairance chez les jeunes femmes est très forte. L’organisme les élimine naturellement dans la très grande majorité des cas. On recherche donc directement la présence d’altérations cellulaires, par un premier frottis cytologique à l’âge de 25 ans, puis un an plus tard à 26 ans, puis trois ans plus tard à 29 ans. En cas d’anomalie, la patiente est redirigée vers une colposcopie. A partir de 30 ans, les recommandations changent car la prévalence des HPV chute. On recherche donc en première intention leur présence, via un test HPV réalisé sur des cellules prélevées au niveau du col. Cela permet de faire un tri, car, si le test est négatif, la patiente ne présente pas de risque de développer des lésions précancéreuses. Ce test est alors reconduit tous les cinq ans, jusqu’à l’âge de 65 ans. Au-delà, sans infection détectée, on estime qu’il n’y a plus de risque. En revanche, si le test HPV est positif, un examen cytologique est systématiquement pratiqué. Le but est d’observer la morphologie des cellules du col utérin. Lorsque le test cytologique est anormal, il faut réaliser une colposcopie pour analyser plus précisément les lésions. Si le test HPV est positif mais le test cytologique normal, un nouveau dépistage au bout d’un an permet de vérifier si l’infection à papillomavirus persiste. Dans ce cas, on réalisera aussi une colposcopie. A l’heure actuelle, le dépistage préventif est le seul moyen de mettre à jour des lésions précancéreuses du col de l’utérus car elles sont asymptomatiques.

 

TLM : Comment se déroule l’examen colposcopique ?

Dr Jean-Luc Mergui : Durant la colposcopie, des réactifs sont appliqués sur le col de l’utérus, de manière à visualiser avec précision les lésions cellulaires. Le col est observé au microscope et des biopsies sont réalisées sur les zones où des anomalies ont été révélées. S’ensuit une analyse histologique pour déterminer les caractéristiques de ces lésions. Elles sont classées selon leur dangerosité : d’une part les lésions dites mineures, de bas grade ou CIN1, et d’autre part les lésions dites majeures, de haut grade ou CIN2/CIN3. Les lésions sont considérées comme mineures quand elles touchent moins d’un tiers de l’épaisseur de la muqueuse utérine. L’examen colposcopique doit être réalisé par un spécialiste. Afin d’aider les patients et les médecins à trouver des colposcopistes compétents, une « charte de qualité en colposcopie » a été mise en place par plusieurs sociétés savantes. Trois critères sont obligatoires pour pouvoir y adhérer : avoir suivi une formation initiale validante, entretenir ses connaissances en suivant chaque année une formation médicale continue, réaliser au minimum 50 examens par an. (NDLR La liste géolocalisée des colposcopistes adhérant à cette charte est consultable à l’adresse suivante : www.societe-colposcopie.com/grand-public/trouver-un-colposcopiste#liste).

 

TLM : Quel est le traitement envisagé en fonction du type de lésion ?

Dr Jean-Luc Mergui : Pour les lésions de bas grade, il n’est pas obligatoire de traiter. Elles évoluent très rarement vers des lésions de haut grade et régressent même spontanément le plus souvent, jusque dans 80 % des cas. Une surveillance annuelle par examen colposcopique suffit, jusqu’à leur disparition. Il peut arriver que la patiente préfère que les lésions soient traitées pour éviter ce suivi.

On peut alors proposer une ablation au laser lorsqu’elles persistent pendant plus de deux ou trois ans. Dans le cas de lésions de haut grade, une ablation par conisation à l’anse diathermique s’impose. Elle peut être réalisée sous anesthésie locale et consiste à retirer l’ensemble de la muqueuse touchée.

Non traitées, ces lésions peuvent évoluer vers un cancer invasif dans environ un tiers des cas.

 

TLM : Quel est le suivi nécessaire pour les patientes ayant présenté des lésions précancéreuses du col de l’utérus ?

Dr Jean-Luc Mergui : Dans un premier temps, il faut vérifier qu’il n’y a plus d’infection à HPV. A partir de là, dans les cas de lésions de bas grade disparues spontanément, les patientes sont contrôlées une fois tous les cinq ans par un test HPV, comme le protocole initial de dépistage. Les patientes traitées pour des lésions de haut grade doivent, elles, être testées tous les trois ans et ce jusqu’à la fin de leur vie. Il n’y a cette fois pas de limite d’âge car un risque de récidive persiste après conisation (entre 7 et 10 %).

 

TLM : Existe-t-il des mesures préventives pour limiter l’impact des infections à HPV et l’apparition de lésions précancéreuses ?

Dr Jean-Luc Mergui : La seule mesure prophylaxique dont l’efficacité est reconnue est la vaccination des filles et des garçons entre 11 et 14 ans, avec deux doses de vaccin contre les HPV. Un rattrapage est possible entre 14 et 19 ans, avec cette fois trois doses. Dans les pays ayant une bonne couverture vaccinale, au-delà de 75%, une baisse significative du taux de circulation du virus a été observée. En France, la couverture vaccinale est seulement de l’ordre de 25 %, c’est trop peu pour observer un effet sur la prévalence des infections à HPV et donc des lésions précancéreuses du col de l’utérus. C’est encore débattu mais il est également possible de proposer la vaccination aux femmes ayant été traitées pour des lésions de haut grade. La vaccination après une conisation semble diminuer de 50 % le risque de récidive. Une autre mesure préventive est l’arrêt du tabac, car on sait qu’il favorise la persistance des HPV au niveau de la muqueuse du col et donc l’apparition de lésions potentiellement évolutives.

Propos recueillis

par Violaine Badie

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