• Dr MEAUME : Traiter l’ulcère de jambe en médecine de ville

Sylvie MEAUME

Discipline : Dermatologie

Date : 11/07/2022


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Le traitement de l’ulcère de jambe ne nécessite pas systématiquement de prélèvement bactérien ni d’antibiothérapie, rappelle le Dr Sylvie Meaume, vice-présidente de la Société française et francophone des plaies et cicatrisations (SFFPC) et chef du service de Gériatrie plaies et cicatrisations à l’hôpital Rothschild (AP-HP).

 

TLM : Parmi les plaies les plus fréquentes, l’ulcère de jambe arrive en bonne position...

Dr Sylvie Meaume : C’est un type de plaie effectivement fréquemment rencontré par les soignants. Sa prévalence est inférieure à 1 % dans la population générale, mais elle atteint entre 2 et 4 % de la population âgée de plus de 65 ans.

On distingue trois types d’ulcère de jambe : l’ulcère d’origine artérielle (plus fréquent chez les hommes de plus de 50 ans, fumeurs, présentant plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire comme l’hypertension artérielle, le diabète, l’hypercholestérolémie ou l’obésité) ; l’ulcère d’origine veineuse (plutôt rencontré chez les femmes de plus de 50 ans, avec des antécédents de phlébite et un terrain d’insuffisance veineuse), et l’ulcère mixte. Les ulcères veineux sont les plus fréquents. Ce sont des plaies souvent difficiles à cicatriser et qui présentent un risque de récidive important.

 

TLM : Le traitement de cette plaie relève-t-il de la médecine générale ?

Dr Sylvie Meaume : Oui mais, dans les faits, la moitié des plaies aux jambes sont prises en charge hors du système de santé. En effet, beaucoup de patients se contentent de demander conseil à leur pharmacien ; ils ne vont consulter leur médecin que lorsqu’ils développent des complications, au bout de quatre à six semaines en moyenne.

 

TLM : Quels sont les éléments clés de l’examen médical ?

Dr Sylvie Meaume : L’objectif est de déterminer précisément l’étiologie de l’ulcère de jambe afin de proposer un traitement adapté. L’examen médical consiste donc à rechercher des comorbidités et des facteurs de risque (insuffisance veineuse, artériopathie oblitérante des membres inférieurs, tabagisme, diabète...) pour orienter le diagnostic, puis à évaluer la plaie avec précision (nombre, taille et siège des lésions). Le médecin généraliste doit ensuite rédiger une ordonnance à l’intention des infirmiers, indiquant précisément les soins nécessaires qui seront prodigués à domicile ou en cabinet. Il est également conseillé de rédiger une prescription à l’intention du médecin vasculaire, le plus à même de réaliser un examen précis pour déterminer l’origine de l’ulcère — cette prescription n’est malheureusement pas suffisamment effectuée.

 

TLM : En quoi consiste le traitement ?

Dr Sylvie Meaume : Il combine des soins locaux et le traitement étiologique de l’ulcère de jambe. Les soins débutent par un nettoyage minutieux de la plaie, à l’eau et au savon ou au sérum physiologique — pas d’antiseptique car cela risque de provoquer un déséquilibre du microbiote cutané et un ralentissement de la cicatrisation. Ils se poursuivent par l’application d’un pansement pour traiter localement la plaie. Dans le cas des ulcères veineux ou à prédominance veineuse, le traitement étiologique vise à corriger la pathologie veineuse sous-jacente. La Haute Autorité de santé recommande une compression à haut niveau de pression soit à l’aide de bandes peu élastiques à allongement court, appliquées 24 heures sur 24, soit compression multitype de première intention (kit). La compression n’est, en revanche, pas indiquée dans le traitement des ulcères artériels. La prescription des soins infirmiers doit être rédigée de manière détaillée afin que chaque acte soit rémunéré à l’infirmier : soins d’hygiène, détersion, changement de pansement en fonction de la phase d’évolution de la plaie (le choix du type de pansement peut être laissé à l’infirmier), adaptation de la compression (qui ne peut qu’être initiée par le médecin)... Le poids du patient doit également être indiqué car la prise en charge d’une personne obèse devrait être valorisée.

 

TLM : Le rôle de l’infirmier ne se limite cependant pas aux soins...

Dr Sylvie Meaume : En effet, les infirmiers ne se contentent pas d’appliquer les soins, ils prennent le temps de les expliquer et de rassurer leurs patients. Ce faisant, ils participent à l’éducation thérapeutique pour laquelle les médecins n’ont généralement pas suffisamment de temps à consacrer. Les médecins ne doivent donc pas négliger leur prescription médicale à l’intention des infirmiers s’ils veulent que ces derniers continuent à bien prendre soins de leurs patients.

 

TLM : Le suintement d’un ulcère témoigne-t-il d’une infection ?

Dr Sylvie Meaume : Oui, mais pas seulement. Le suintement d’un ulcère de jambe peut être dû à une compression non prescrite, non portée ou non adaptée chez un patient souffrant d’une maladie veineuse et lymphatique, ou résulter du traitement d’un œdème d’origine cardiaque ou rénale.

C’est au médecin généraliste ou vasculaire de rechercher et de trouver la cause pour proposer un traitement étiologique. Les pansements secondaires à utiliser doivent être absorbants mais ne pas assécher la plaie : il faut d’abord utiliser des compresses, puis, si cela ne suffit pas, des pansements américains, voire des pansements super-absorbants (hydrocellulaires), mais ces derniers seront appliqués directement sur la plaie et ne doivent pas être posés sur d’autres pansements techniques.

 

TLM : Le prélèvement bactériologique est-il toujours nécessaire ?

Dr Sylvie Meaume : Non, pas plus que la prescription d’un antibiotique en l’absence de signes locaux ou généraux d’infection. En revanche, toute modification de l’ulcère malgré un traitement bien mené doit conduire à rechercher une infection. Cela suppose une évaluation clinique de la plaie et du patient dans son ensemble, via la prescription d’une prise de sang (NFS, CRP) et d’un prélèvement bactériologique. Pour être fiable, celui-ci devra être réalisé après un nettoyage et, éventuellement, une détersion de la plaie de façon à s’assurer que l’on prélève bien le germe à l’origine de la plaie.

Propos recueillis

par Mathilde Raphaël

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