• Dr MEAUME : La télémédecine appliquée au traitement des plaies et cicatrisations

Sylvie MEAUME

Discipline : Dermatologie

Date : 11/04/2022


  • 220_photoParole_127PE_Meaume.jpg

Le congrès conjoint Journées Cicatrisation et EWMA (European Wound Management Association) aura lieu à Paris du 23 au 25 mai. Le Dr Sylvie Meaume, vice-présidente de la Société française et francophone des plaies et cicatrisations (SFFPC) et chef du service de Gériatrie - Plaies et Cicatrisations à l’Hôpital Rothschild (AP-HP), rappelle les bonnes pratiques de prise en charge et se félicite de l’introduction de la télémédecine dans le domaine des plaies.

 

Deux types de plaies. On distingue deux types de plaies, rappelle le Dr Sylvie Meaume : les plaies aiguës, d’origine traumatique et chirurgicale ; les plaies chroniques dont les trois principales sont les ulcères de jambe liés à une insuffisance veineuse ou artérielle, et les plaies du pied diabétique ; mais il peut aussi s’agir de plaies aiguës devenues chroniques, comme des brûlures ou des amputations. Mais, en pratique, certaines plaies aiguës sont considérées et traitées comme des plaies chroniques, souligne la spécialiste, précisant : « Bien que la définition d’une plaie chronique soit une plaie qui n’a pas cicatrisé au bout de quatre à six semaines, en pratique, chez une personne âgée, on n’attend pas ce délai pour traiter certaines plaies de jambes qui sont par exemple des récidives d’ulcères de jambe et notamment entreprendre une compression adaptée ».

Des progrès technologiques considérables dans les pansements. Rappelons que le traitement local des plaies chroniques passe par plusieurs phases : les phases de détersion, bourgeonnement et épidermisation. La phase de détersion vise à retirer la fibrine présente à la surface de l’ulcère, de façon mécanique (avec bistouri, curette, ciseaux...), sous anesthésie locale. Cette phase reste déterminante pour prévenir les complications infectieuses et le retard de cicatrisation. La détersion peut, si la plaie est sèche, être facilitée par l’application de pansements riches en eau (hydrogels) qui aident à la détersion mécanique. A l’inverse, si la plaie est humide, des pansements à base de fibres (pansements alginates ou à fibres à haut pouvoir absorbant) maintiennent l’humidité sur la plaie et complètent la détersion mécanique. Lors des phases de bourgeonnement et d’épidermisation, les pansements maintenant la plaie dans un milieu chaud et humide et permettant d’espacer les changements de pansements (pansements hydrocellulaires, interfaces) sont largement utilisés. « Les très nombreux pansements nécessaires aux professionnels de santé pour la prise en charge des plaies ont connu une évolution considérable durant ces trente dernières années, et la HAS (Haute Autorité de santé) a recommandé déjà depuis plus de 15 ans de recourir à des traitement séquentiels des plaies en fonction de la phase de cicatrisation et l’existence ou non de complications », salue le Dr Meaume. Plus récemment, des pansements techniques modernes imprégnés de substances actives peuvent être utilisés du début à la fin de la prise en charge (plaies du pied diabétique neuro-ischémique, ulcères de jambe veineux et mixtes). Ces pansements qui ont fait l’objet d’études cliniques sérieuses publiées dans les revues internationales à fort impact factor sont remboursés par la Sécurité sociale et permettent de faire des économies de santé en raccourcissant le délai de cicatrisation. Des progrès ont aussi été réalisés pour améliorer la qualité de vie des patients, poursuit l’experte : plus confortables grâce à leur forme et leur taille adaptées aux plaies, les nouveaux pansements sont aussi mieux tolérés par les patients. « Les plaies aiguës, note-t-elle, ont également bénéficié de matériels de suture qui ont considérablement évolué au cours des dernières années, tout comme ceux dédiés à la prise en charge des plaies chirurgicales traumatiques importantes avec la thérapie par pression négative (TPN). Autrefois réservée à l’hôpital et aux EHPAD, puis au domicile du patient dans le cadre d’une hospitalisation à domicile (HAD), la TPN tend à se démocratiser en ville pour les systèmes les plus simples. Le remplacement du pansement peut, désormais, être effectuée par les infirmiers de ville. »

L’essor de la télémédecine, effet collatéral positif de la Covid-19. Une autre avancée plus récente est sans doute à mettre au crédit de la pandémie de Covid-19 : la démocratisation de la télémédecine. Développée progressivement par des équipes innovantes dans le domaine de la prise en charge des plaies, elle se développe de façon importante un peu partout sur le territoire national. Cette approche est particulièrement intéressante dans les territoires souffrant de désertification médicale. Région pilote, l’Occitanie a créé en 2017 un réseau d’expertise et de coordination en plaies et cicatrisation. En septembre 2020, ce réseau, baptisé Cicat-Occitanie, a lancé Domoplaies, une expérimentation phare de la télémédecine régionale sous contrôle de l’ARS, du ministère des Solidarités et de la Santé et de la Caisse nationale de l’assurance maladie, qui implique tous les acteurs de la prise en charge de patients porteurs de plaies chroniques et/ou complexes, jusqu’à leur stabilisation ou cicatrisation.

« La téléconsultation est une nouvelle modalité de prise en charge qui permet aux équipes qui suivent des patients porteurs de plaies chroniques et/ou complexes, au domicile ou en EHPAD, d’obtenir un avis sans déplacer le patient, de permettre un suivi à domicile après une première évaluation en centre de cicatrisation ou de permettre une sortie précoce d’hospitalisation lorsque celle-ci ne concerne pas la plaie », peut-on lire sur le site du réseau Cicat-Occitanie. En pratique, le médecin traitant peut contacter la plateforme pour demander un accompagnement dans la prise en charge d’un patient.

Des infirmières déléguées pour renforcer les équipes spécialisées debordées de demandes. « En parallèle la demande de délégation de compétences à certaines IDE titulaires d’un diplôme universitaire en Plaies et cicatrisation, travaillant dans des unités ou consultation prenant en charge des patients porteurs de plaies complexes depuis plusieurs années sous couvert d’une formation distancielle complémentaire et sous le responsabilité d’un médecin délégant, se voient autoriser à prescrire des bilans, certains médicaments pour le traitement des plaies et permettent ainsi d’augmenter l’offre de soins spécialisées dans ce domaine », explique Sylvie Meaume. « Avec à peine deux à trois heures au cours des sept années de formation, il est vrai que les médecins généralistes sont insuffisamment formés à la prise en charge des plaies chroniques et/ou complexes durant leurs études ; la plupart sont compétents pour le diagnostic mais pas toujours pour le traitement, qu’ils délèguent volontiers aux IDE, mais ces dernières ne peuvent pas prescrire la compression ou le matériel pour le traitement de la décharge du pied diabétique ou pour les escarres », regrette le Dr Meaume. Les médecins généralistes peuvent cependant accéder à des FMC leur permettant d’améliorer leurs connaissances dans ce domaine : « Il existe par exemple un diplôme universitaire de FMC à la Sorbonne (Paris), dont l’un des 20 thèmes porte sur les plaies et cicatrisation », confirme la spécialiste. Enfin, si appétence, ils peuvent toujours parfaire leurs connaissances en se rendant aux Journées Cicatrisation qui ont lieu chaque année à Paris sous l’égide de la SFFPC (Société française et francophone des plaies et cicatrisation)...

Mathilde Raphaël

  • Scoop.it