• Dr Maxime Guenoun : Contrôler le LDL-cholestérol après un syndrome coronarien aigu

Maxime Guenoun

Discipline : Cardiologie

Date : 18/04/2023


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Des essais cliniques ont confirmé, outre la baisse importante du taux de LDL-cholestérol, une réduction franche du risque de récidive d’événements cardiovasculaires avec l’utilisation des anti-PCSK9.

Le Dr Maxime Guenoun, cardiologue à l’Hôpital Européen de Marseille, dit ce qu’il faut savoir sur ces anticorps monoclonaux qui ciblent la protéine PCSK9.

 

TLM : Quel niveau de LDL-cholestérol faut-il atteindre après un syndrome coronarien aigu ?

Dr Maxime Guenoun : En prévention secondaire, nous sommes très exigeants en termes d’objectif pour le taux de LDL-cholestérol. La règle est assez simple. Après un accident aigu coronarien, en prévention secondaire, le taux de LDL doit être inférieur ou égal à 0,55 et doit aussi être réduit de 50% par rapport au taux initial. Par exemple, si un patient présente un LDL à 0,9 au moment du syndrome coronarien aigu, il faudra viser un LDL inférieur ou égal à 0,45. Mais si le patient présente un LDL initial à 1,5, une baisse de 50% ne sera pas suffisante pour atteindre l’objectif de 0,55 qui doit être visé.

Voilà les recommandations les plus récentes de la Société française de cardiologie concernant le taux de LDL cholestérol en prévention secondaire.

 

TLM : Comment atteint-on ces objectifs ?

Dr Maxime Guenoun : Les médicaments de première ligne pour les atteindre sont les statines de haute intensité. Le traitement vise à prescrire ces statines jusqu’à la dose maximale tolérée. Les doses sont augmentées jusqu’à ce que l’objectif soit atteint et tant que le patient tolère le traitement. Si le patient se plaint de myalgies, il est possible de diminuer la posologie. Il est également possible d’associer aux statines, lorsqu’elles sont insuffisantes, l’ézétimibe, un médicament qui potentialise leur effet. Cela permet de réduire d’environ 10% en plus le LDL. Dans la majorité des cas, les objectifs peuvent être atteints avec ces médicaments. Quand un patient se plaint de myalgies avec les statines, je propose d’arrêter le traitement pendant trois semaines. Et dans un cas sur deux, le problème est résolu : le patient reconnaît que les statines ne sont pas la cause de ces douleurs musculaires et reprend le traitement. En cas d’intolérance persistante ou si les objectifs ne sont pas atteints, il est possible alors de passer aux anti-PCSK9, des médicaments redoutablement efficaces contre le LDL, basés sur un anticorps monoclonal, utilisés par voie injectable, une fois toutes les deux semaines ou une fois par mois.

 

TLM : A quelle diminution du LDL peut-on parvenir avec ces anti-PCSK9 ?

Dr Maxime Guenoun : En général, avec les statines et éventuellement l’ézétimibe, 80% des patients atteignent les objectifs. Il y a cependant 20% des patients qui, après un syndrome coronarien aigu, n’y parviennent pas. Pour ces patients, les anti-PCSK9 peuvent être prescrits dans le cadre de la prévention secondaire, après un syndrome coronarien aigu. Le fait d’ajouter ces anticorps réduit de manière spectaculaire le taux de LDL. Les anti-PCSK9 permettent d’obtenir une diminution du taux de LDL de 60%. Si nécessaire, ils peuvent être associés aux statines. Ces anti-PCSK9 sont bien tolérés et n’ont pas d’effets secondaires. Il y a eu beaucoup d’études concernant les risques à long terme des anti-PCSK9. Aucun essai n’a mis en évidence de risque accru, en particulier de cancer ou de troubles cognitifs.

 

TLM : Quels bénéfices cliniques peut-on attendre de ces médicaments ?

Dr Maxime Guenoun : Les essais cliniques ont confirmé, outre la baisse importante du taux de LDL avec ces médicaments, une amélioration du pronostic cardiovasculaire.

Un essai important avec les anti-PCSK9, l’étude ODYSSEY, dont les premiers résultats ont été publiés en novembre 2018 a démontré que les anti-PCSK9 diminuaient significativement le risque d’événements cardiovasculaires chez les patients après un syndrome coronarien aigu. Cette étude, portant sur plus de 24 000 patients, tous traités par statines et parfois également par ézétimibe, a mis en évidence une diminution des événements cardiovasculaires, accident vasculaire cérébral, infarctus mortel ou pas, de 15% dans le groupe recevant en plus les anti-PCSK9 par rapport au groupe ne bénéficiant pas de cet anticorps monoclonal, au cours d’un suivi d’un peu plus de deux ans.

Lors du congrès de la Société européenne de cardiologie en 2022, l'étude FOURIER à plus long terme a été présentée. Il s’agit d’une étude prospective sur 8 342 patients suivis jusqu’à 5 ans. Les anti-PCSK9 ont permis de réduire la mortalité totale, avec une diminution des événements cardiovasculaires majeurs, décès, infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral de 17 %, par rapport au placebo.

Dans cet essai, le médicament a été bien toléré, avec peu de différence entre le groupe traité et le groupe placebo en ce qui concerne les effets secondaires.

 

TLM : Quel est le mécanisme d’action de ces anti-PCSK9 ?

Dr Maxime Guenoun : Ces anticorps monoclonaux ciblent la PCSK9 —protéine convertie subtilisine/kesine de type 9. Cette protéine a un rôle très important dans la régulation des récepteurs au LDL présents à la surface des cellules hépatiques. Elle est responsable de la dégradation des récepteurs au LDL-cholestérol au niveau du foie, récepteurs qui contribuent à l’élimination du LDL. En inhibant la protéine PCSK9, ces anticorps monoclonaux induisent ainsi une augmentation des récepteurs au LDL-cholestérol à la surface des cellules du foie, et de ce fait entraînent une diminution du LDL circulant.

 

TLM : Quels patients peuvent bénéficier des anti-PCSK9 ?

Dr Maxime Guenoun : Ils sont prescrits en prévention primaire chez les patients souffrant d’une hypercholestérolémie familiale. En prévention secondaire, tous les patients pour qui les objectifs fixés pour le LDL-cholestérol ne sont pas atteints avec les statines sont éligibles à ces médicaments. La prescription est faite par le cardiologue. Celui-ci envoie une demande d’entente préalable sur le site de l’Assurance maladie et l’autorisation est immédiate.

 

TLM : Quelles sont les autres perspectives thérapeutiques pour lutter contre les hypercholestérolémies résistantes ?

Dr Maxime Guenoun : Il y a actuellement une recherche foisonnante pour mettre au point de nouveaux médicaments anti-cholestérol. Des essais sont en cours, avec des vaccins à ARN qui ciblent également la protéine PCSK9. Des travaux en génétique avec la technique CRISPR/Cas9 visent à corriger/réparer les gènes anormaux dans les formes d’hypercholestérolémie familiale. Une nouvelle molécule, l’acide bompédoïque, est également en cours d’essai clinique.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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