• Dr Marie Lachâtre : Un nouveau vaccin contre le zona bientôt en France

Marie Lachâtre

Discipline : Infectiologie

Date : 10/01/2024


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Les recommandations de la Haute Autorité de santé concernant un vaccin recombinant inerte contre le zona, indiqué chez les personnes immunodéficientes, sont très attendues par les patients et la communauté médicale, rapporte le Dr Marie Lachâtre, médecin infectiologue, spécialiste en Médecine interne à l’hôpital Cochin (Paris).

 

TLM : Passé 40 ans, un tiers des adultes vont développer un zona au cours de leur vie, c’est considérable !

Dr Marie Lachâtre : Le zona est en effet une maladie relativement fréquente. Après 40 ans, plus de 99 % des gens vivant dans les pays développés ont une sérologie positive au virus du zona ; on estime qu’un tiers d’entre eux vont développer la maladie. En 2020, d’après le réseau Sentinelles, près de 243 000 cas ont été vus en consultation par les médecins généralistes, ce qui situe l’incidence annuelle du zona en France entre 3,7 et 4,6 nouveaux cas/1 000 habitants. Mais on sait qu’elle augmente avec le temps et avec l’âge, notamment après 50 ans. Pour preuve, elle se situe entre 5,23 et 10,9/1 000 personnes-année dans le monde à cet âge-là, puis va crescendo pour atteindre 8 cas/1 000 chez les personnes de 70 à 79 ans et un peu moins de 10 cas/1 000 chez les 80 ans et plus.

Les femmes sont davantage touchées que les hommes (58 % vs 42 % des cas), mais on ignore pourquoi.

 

TLM : Comment se manifeste le zona ?

Dr Marie Lachâtre : Il débute par une phase prodromique qui se caractérise par l’apparition de symptômes aspécifiques tels une fatigue, une myalgie, des céphalées. Quelques jours plus tard (entre un et cinq jours), survient la phase aiguë caractérisée, chez les personnes immunocompétentes, par une éruption vésiculaire unilatérale et monométamérique sur fonds érythémateux. Cette éruption cutanée s’accompagne d’une douleur aiguë très invalidante de type brûlure. Cette phase dure entre deux et quatre semaines. Dans 5 à 30 % des cas, le zona évolue vers une phase chronique caractérisée par la persistance de séquelles — notamment de névralgies post-zostériennes, de loin les plus fréquentes — mais aussi par le développement de complications potentiellement graves comme des complications organiques (atteintes pulmonaires, hépatiques, méningoencéphalite...), un accident vasculaire cérébral, une perte auditive ou encore une paralysie faciale.

Les personnes immunodéprimées présentent des formes moins typiques : généralement plus sévère et plus prolongée, la maladie provoque chez ces patients des lésions plus nombreuses, plus larges et plus diffuses, pouvant toucher plusieurs métamères. Elle les expose par ailleurs à un plus grand risque de séquelles, de complications et de récidives.

 

TLM : Quelles sont les personnes immunodéprimées le plus à risque ?

Dr Marie Lachâtre : L’incidence annuelle du zona se situe entre 9 et 92 cas/1 000 personnes chez les personnes immunodéficientes. C’est 3 à 30 fois plus élevé que chez les personnes immunocompétentes ! L’incidence n’est toutefois pas la même selon l’origine de l’immunodéficience, suggérant un risque plus marqué chez les individus ayant subi une greffe de moelle osseuse, puis chez les transplantés d’organe solide, les personnes souffrant d’hémopathie, celles atteintes d’une tumeur solide et enfin chez les malades infectés par le VIH. Mais les patients souffrant de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), les asthmatiques, les personnes souffrant de BPCO ou encore les diabétiques sont aussi plus à risque. A partir du moment où le système immunitaire d’une personne est déficient, cette dernière doit se montrer particulièrement attentive aux prodromes de l’infection afin d’être traitée rapidement.

 

TLM : Comment pose-t-on le diagnostic d’un zona ?

Dr Marie Lachâtre : Essentiellement à partir de l’examen clinique du patient. Aucun prélèvement n’est nécessaire sauf en cas de doute. Le diagnostic du zona ne requiert donc pas de consultation chez un spécialiste, le médecin généraliste a les compétences nécessaires pour s’en charger. Cependant, il est conseillé de s’enquérir de l’avis d’un spécialiste pour déterminer la stratégie thérapeutique chez un patient immunodéprimé.

 

TLM : Justement, en quoi consiste le traitement ?

Dr Marie Lachâtre : Il n’existe actuellement aucun traitement capable de guérir un zona. Mais divers traitements peuvent aider à raccourcir son cours, et surtout à réduire le risque de séquelles post-zostériennes et de complications — à condition qu’ils soient pris précocement, aux premiers stades de la maladie. Ces traitements comprennent un antiviral, des analgésiques de paliers 1 à 3, et des traitements topiques à base de lidocaïne. Si les douleurs sont trop fortes ou ne cèdent pas aux antalgiques classiques, certains antiépileptiques et certains antidépresseurs indiqués dans le traitement des douleurs neuropathiques doivent être envisagés.

 

TLM : Et pour les douleurs post-zostériennes ?

Dr Marie Lachâtre : Les douleurs post-zostériennes peuvent durer plusieurs mois, voire plusieurs années, après la disparition des cloques. Ces douleurs sont très invalidantes pour les patients qui en souffrent, et ont un impact considérable sur leur qualité de vie, tant personnelle que professionnelle ou sociale. Leur prise en charge doit être confiée aux spécialistes qui exercent dans les centres antidouleur afin qu’ils réévaluent leur traitement au début de la prise en charge puis les accompagne vers le sevrage.

 

TLM : Un nouveau vaccin devrait arriver sur le marché prochainement. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Dr Marie Lachâtre : Le seul vaccin remboursé en France est un vaccin vivant atténué, réservé, par conséquent, aux personnes immunocompétentes. Peu efficace, il est en outre limité aux 65-74 ans. La Haute Autorité de santé devrait bientôt émettre des recommandations concernant un nouveau vaccin avec un spectre beaucoup plus large. Déjà distribué dans d’autres pays d’Europe, ce vaccin recombinant inerte est indiqué dès 50 ans, chez les personnes immunodéprimées mais aussi chez celles souffrant de maladies chroniques, pour prévenir la réactivation du VZV, les névralgies post-zostériennes et les récidives. Ses données en vie réelle montrent une efficacité de 70 à 90 % chez les personnes fragiles et une bonne tolérance. Il est déjà commercialisé en France mais non pris en charge par l’Assurance maladie pour le moment.

 

TLM : La vaccination des enfants contre la varicelle pourrait-elle prévenir la réactivation du VZV ?

Dr Marie Lachâtre : Il semble que oui. La question de sa généralisation mérite donc d’être posée, c’est du moins un souhait des pédiatres.

Propos recueillis

par Charlotte Montaret

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