• Dr Marie-Aliette Dommergues : Diagnostic, prévention infections invasives à méningocoques

Marie-Aliette Dommergues

Discipline : Pédiatrie

Date : 13/10/2022


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Rares mais potentiellement graves, les infections invasives à méningocoques sont à repérer au plus tôt car elles peuvent évoluer en maladies sévères et engendrer des séquelles lourdes.

 

Le Dr Marie-Aliette Dommergues, pédiatre au Centre hospitalier de Versailles, revient sur les différentes formes de ces infections, le diagnostic et les vaccins existants.

 

TLM : Les infections invasives à méningocoques sont-elles encore fréquentes ?

Dr Marie-Aliette Dommergues : Il y a chaque année en France environ 500 à 600 cas d’infections invasives à méningocoques. Ces infections sont rares, mais graves. A la suite des confinements et des mesures barrières mises en place lors de la pandémie de Covid, le nombre de cas a fortement diminué. Mais l’incidence a augmenté à nouveau dès l’automne 2021. Cette maladie connaît trois pics d’incidence en fonction de l’âge. Le premier, le plus important, concerne les enfants de zéro à quatre ans, en particulier les moins de un an. Le deuxième pic survient chez les jeunes entre 15 et 25 ans et le troisième chez les personnes âgées de plus de 65 ans.

 

TLM : Quels sont les sérogroupes de méningocoques le plus souvent retrouvés dans ces infections invasives ?

Dr Marie-Aliette Dommergues : Six sérogroupes de méningocoques peuvent être en cause dans ces infections invasives chez l’homme. Le sérogroupe majoritaire est le B, il est retrouvé dans 80 % des cas d’infections invasives du nourrisson, dans 60 % des cas chez les 15-24 ans. En population générale, tous âges confondus, le sérogroupe B est aussi le plus fréquent, suivi du W, du Y et du sérogroupe C. Pendant longtemps, le sérogroupe B a été très largement majoritaire. Actuellement, une augmentation des sérogroupes W et Y est observée, associée à un effondrement des méningocoques du groupe C, du fait de la vaccination obligatoire. Le W est en augmentation dans toutes les tranches d’âges.

 

TLM : Quels symptômes doivent alerter ?

Dr Marie-Aliette Dommergues : Les infections invasives à méningocoques peuvent avoir différentes expressions cliniques. Dans 70% des cas, il s’agit d’une méningite classique.

Dans 30% des cas, le tableau clinique est celui d’une méningococcémie, avec choc septique, mais sans signes méningés. L’infection se traduit dans 25% des cas par un purpura fulminans —petites taches rouges apparaissant n’importe où sur le corps, ne s’effaçant pas à la pression, d’extension rapidement progressive—, associé à des signes de sepsis. Le purpura fulminans est une urgence absolue. Le médecin, sitôt le diagnostic suspecté, doit pratiquer immédiatement une injection de rocéphine en intramusculaire, avant d’appeler le SAMU pour envoyer l’enfant à l’hôpital.

Les premiers signes d’une infection invasive à méningocoques sont aspécifiques, avec un tableau pseudo-grippal, fièvre, mal à la gorge. Une étude a montré que 30% des enfants ayant eu une telle infection avaient consulté un médecin dans les trois jours précédant le diagnostic sans être envoyés à l’hôpital à ce moment-là. Les symptômes deviennent plus spécifiques dans les 6 à 18 heures après les premiers signes. Chez l’enfant de plus de deux ans, les symptômes évocateurs d’une méningite se traduisent par des maux de tête, des nausées, des vomissements, une photophobie, une nuque raide… Chez le nourrisson, hypotonie, irritabilité, somnolence, apathie, vomissements et bien sûr fontanelle bombante doivent alerter. La méningococcémie sans atteinte méningée se traduit par des troubles hémodynamiques en contexte fébrile : teint pâle, extrémités froides, tachycardie… Chez l’enfant fébrile, des douleurs des membres inférieurs ainsi qu’une anxiété importante doivent alerter et faire évoquer ce diagnostic. Chez l’adolescent, des douleurs des membres inférieurs, associées à l’apparition d’angoisse, d’anxiété doivent faire rechercher une infection invasive à méningocoques.

 

TLM : Quel est le risque de complications liées à ces infections invasives ?

Dr Marie-Aliette Dommergues : Ce sont des maladies graves. Une étude de l’Assurance maladie portant sur 3 500 cas d’infections invasives à méningocoques a montré que le taux de mortalité était de 12,9%. Ce taux est variable selon le sérogroupe. Pour les infections liées au sérogroupe W, la mortalité est de 25 %, en particulier du fait de formes atypiques abdominales chez l’adolescent, associées à un retard au diagnostic. Par ailleurs, 25 % des patients qui survivent présentent des séquelles de gravité variable. Il peut s’agir d’amputations au niveau des membres consécutives à des nécroses, de séquelles neurologiques (surdité, par exemple), de séquelles motrices, cognitives comme des troubles de l’apprentissage.

 

TLM : Quels sont les vaccins disponibles contre le méningocoque ?

Dr Marie-Aliette Dommergues : Le premier vaccin contre le méningocoque a été mis au point contre le sérogroupe C. Il s’agit d’un vaccin polysaccharidique conjugué. Il est immunogène pour le nourrisson. Il a été recommandé en 2010 pour tous les nourrissons, avec une première injection à 12 mois et un rattrapage jusqu’à 24 ans, pour ceux qui ne l’ont pas eu dans l’enfance.

Depuis 2018, ce vaccin est obligatoire, avec désormais une première injection à cinq mois, suivie d’un rappel à 12 mois. Pour ce qui est du vaccin contre le méningocoque B, produit à partir de quatre protéines de membrane de la bactérie, il est désormais recommandé et remboursé, mais ne rentre pas dans la catégorie des vaccins obligatoires. La primovaccination en deux doses se fait à trois et cinq mois et le rappel à douze mois.

 

TLM : Et quels vaccins contre les autres sérogroupes ?

Dr Marie-Aliette Dommergues : Il existe maintenant des vaccins polysaccharidiques conjugués qui protègent contre les sérogroupes A, C, W, Y. Ces vaccins sont actuellement recommandés en France pour les populations à risque d’infections invasives à méningocoques, en particulier pour les sujets présentant certains déficits immunitaires, une asplénie ou une hyposplénie (comme les drépanocytaires)… Les populations cibles doivent recevoir ce vaccin tous les cinq ans.

Mais, pour l’instant, il n’est pas recommandé en population générale, contrairement à d’autres pays où il est proposé depuis plusieurs années aux 12-16 ans, pour protéger l’adolescent mais aussi les autres tranches d’âges.

En vaccinant les adolescents, et donc en réduisant le portage de ces méningocoques, les infections diminuent dans toutes les tranches d’âge. En France, la commission technique des vaccinations devrait prochainement réévaluer la place de ce vaccin, notamment chez l’adolescent.

 

TLM : Comment ces vaccins sont-ils tolérés ?

Dr Marie-Aliette Dommergues : De manière générale, il n’y a pas de problème de tolérance. Celui contre le méningo B est assez réactogène, avec une fièvre fréquente les deux jours suivant l’injection. Il est donc proposé de délivrer une première dose de paracétamol adaptée au poids de l’enfant en même temps que le vaccin, puis une seconde dose six heures plus tard et enfin une troisième dose 12 heures plus tard.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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