• Dr Marc Bellaïche : A chaque profil de bébé «régurgiteur» sa prise en charge adaptée

Marc Bellaïche

Discipline : Pédiatrie

Date : 06/07/2023


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Il existe quatre profils de bébés qui régurgitent, soit autant d’approches thérapeutiques différentes qu’il convient de proposer à bon escient, explique le Dr Marc Bellaïche, gastro-pédiatre à l’hôpital universitaire Robert-Debré à Paris.

 

TLM : Comment distingue-t-on la simple régurgitation du reflux gastroœsophagien ?

Dr Marc Bellaïche : Les régurgitations, RGO simple ou RGO physiologique, désignent les rejets d’un surplus de lait qui déborde de l’estomac du bébé ; on parle de reflux gastro-œsophagien (RGO) compliqué dès lors que l’enfant souffre de symptômes associés (douleurs, malaises, troubles respiratoires), qu’il pleure beaucoup et/ou qu’il refuse de s’alimenter. Les premiers sont un phénomène mécanique involontaire, le second un trouble fonctionnel intestinal.

 

TLM : Comment rassurer les parents ?

Dr Marc Bellaïche : Avant tout en veillant à employer le bon terme. Des études ont en effet montré qu’en parlant de RGO pour désigner de simples rejets, un médecin induit systématiquement une notion de pathologie ; les parents, inquiets, vont être plus enclins à réclamer des examens et des prescriptions pourtant inutiles. Parler de régurgitations est beaucoup plus rassurant. Par ailleurs, il faut prendre le temps d’expliquer l’aspect mécanique qui sous-tend ce phénomène, qui se comprend aisément. Pendant plusieurs semaines, il existe en effet une importante distorsion entre la capacité de contenance et de distension de l’estomac du bébé et les quantités de lait nécessaires à sa croissance. Au premier jour de vie, son estomac a la taille d’une cerise et peut contenir 5 ml ; on lui propose un biberon de 20 ml ! Au septième jour, sa capacité gastrique est celle d’un abricot, soit 50 ml, et il doit boire un biberon de 90 ml. Les choses ne s’arrangent toujours pas à un mois, âge auquel il doit ingurgiter 150 ml alors que son estomac, qui a la taille d’un œuf, ne peut contenir que 80 ml. Inévitablement, une partie du lait se heurte au trop-plein de l’estomac. Et le problème est aggravé lorsque le délai entre deux biberons est trop court ou quand les rations dépassent les quantités recommandées. Ces notions ne sont pas forcément connues des parents et méritent d’être explicitées.

 

TLM : Certains bébés semblent toutefois gênés par ces régurgitations quand d’autres n’en ont cure. Existe-t-il différents profils de bébés qui régurgitent ?

Dr Marc Bellaïche : En effet, tous les bébés « régurgiteurs » ne présentent pas le même profil ; nous en avons identifié quatre :

• Le plus fréquent, c’est celui que les Anglais appellent le « happy spitter » ou « régurgiteur heureux ». C’est un bébé qui mange bien, qui régurgite le trop-plein mais qui n’en ressent aucune gêne, et dont la croissance staturo-pondérale est très satisfaisante.

• Le deuxième profil, c’est le « régurgiteur inconfortable ou grincheux ». À l’inverse du précédent, il est énervé par ses régurgitations : c’est un bébé qui chouine, qui se cambre pendant le biberon, qui mange lentement ou par à-coups, ou qui détourne la tête lorsqu’on lui présente le biberon ou le sein. En fait, il s’autorégule. Le problème, c’est que ce type de régurgitation est trop souvent étiqueté, à tort, comme une pathologie (notamment une œsophagite ou une allergie au lait de vache) et traité comme telle. Il faut donc très vite soulager cet inconfort pour éviter d’entamer un cercle vicieux.

• Le troisième profil, c’est le bébé qui présente des régurgitations auquelles sont associés un ou plusieurs troubles fonctionnels intestinaux. Il suffit généralement de traiter ce ou ces troubles pour diminuer les régurgitations.

L’exemple le plus fréquent est celui du bébé constipé qui régurgite : la prise en charge de sa constipation atténue considérablement son reflux.

• Enfin, le dernier profil correspond au bébé souffrant d’un reflux gastroœsophagien compliqué ou RGO-maladie. Ce bébé présente d’autres symptômes caractéristiques : il tousse, signe d’irritations laryngées liées aux remontées gastriques, il s’arrête systématiquement de manger au milieu du biberon, il grossit mal...

 

TLM : Sur quoi repose la prise en charge des bébés qui ont de simples régurgitations ?

Dr Marc Bellaïche : Essentiellement sur des mesures d’ordre hygiéno-diététique. La première des mesures à prendre est de faire boire son bébé lentement, en marquant trois pauses comme pour découper son repas en trois temps : entrée, plat, dessert ! Le faire éructer à chaque pause permet aussi de le soulager et de créer de la place pour la suite du biberon. Pour les bébés nourris au biberon, la Société française de pédiatrie recommande les formules de lait infantile épaissies à la farine de caroube, d’amidon de maïs ou de riz…, selon la tolérance de l’enfant. Ces produits réduisent considérablement la fréquence des régurgitations, et ce quel que soit le phénotype de bébé régurgiteur. Pour les bébés nourris au sein, seule la réassurance maternelle est de rigueur, les mamans sont donc invitées à poursuivre l’allaitement maternel. Pour les régurgiteurs grincheux qui ne sont pas soulagés par ces mesures, une prescription de pansements gastriques antiacides peut être envisagée.

Si l’application de ces mesures ne suffit pas, il peut être utile de rechercher une allergie aux protéines du lait de vache. il suffira de donner à boire des hydrolysats de lait poussé à base de lait de vache ou de lait de riz. Quand les régurgitations sont dues au phénomène allergique, cela suffit à les faire cesser. Si elles persistent, les pédiatres recommandent, là encore, d’épaissir le lait hydrolysé.

Propos recueillis

par Mathilde Raphaël

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