• Dr. LECORNET-SOKOL : Hypothyroïdie : la prééminence du dosage de la TSH

Emmanuelle LECORNET-SOKOL

Discipline : Endocrinologie

Date : 01/02/2021


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L'hypothyroïdie est un dysfonctionnement thyroïdien extrêmement fréquent : il affecte 0,5 à 0,7 % des Français, 6 à 7 fois plus souvent les femmes que les hommes. Parmi les causes probables de cette inégalité en défaveur des femmes, un facteur clé dans la tolérance immunitaire, l’Auto-Immune REgulator (AIRE). Ce facteur s’exprime moins chez les femmes que les hommes. Or, il contrôle l’expression d’antigènes spécifiques de tissus au niveau du thymus, explique le Dr Emmanuelle Lecornet-Sokol. « Les estrogènes pourraient diminuer la tolérance immunitaire et induire une augmentation des maladies auto-immunes, parmi lesquelles la thyroïdite de Hashimoto. » On constate aussi des pics d’incidence qui correspondent aux périodes de la vie des femmes au cours desquelles elles connaissent un bouleversement hormonal : la grossesse, le post-partum, la ménopause. « De façon générale, plus on avance en âge, plus le risque d’hypothyroïdie augmente. »
Des symptômes très hétérogènes. «
L’hypothyroïdie est responsable de dérèglements physiologiques et psychologiques. Les principaux symptômes traduisent un ralentissement métabolique général. Ils sont multiples, peu marqués en début d’hypothyroïdie puis s’accentuant en cours d’évolution de la maladie », peut-on lire sur le site de l’Assurance maladie. Fatigue intense, difficultés de concentration, troubles de la mémoire, frilosité, constipation, prise de poids, perte d’appétit, assèchement de
la peau et des cheveux... La liste est longue ! «
Les signes cliniques sont très variés et surtout non spécifiques,
confirme le Dr Lecornet-Sokol.
Le tableau clinique des patients est souvent très hétérogène. » En présence de symptômes évocateurs d’hypothyroïdie, la Haute Autorité de santé recommande de prescrire un dosage de la TSH en première intention : cet examen est indispensable à l’établissement du diagnostic d’hypothyroïdie et à la mise en route d’un traitement. Lors du bilan médical, la suspicion d’une hypothyroïdie doit s’accompagner de la palpation du cou et des ganglions : la prescription d’une échographie thyroïdienne sera requise en cas de signes de compression cervicale (douleurs et difficultés à la déglutition), de palapation d’un ou plusieurs nodules et en présence d’un goitre.
Le taux de TSH, élément-clé de la décision thérapeutique. C’est le dosage de la TSH qui va déterminer la suite de la prise en charge :

u« Devant un taux de TSH normal, on pourra écarter une dysfonction de la thyroïde ; il existe néanmoins de très rares cas d’insuffisance thyréotrope liée à une maladie hypophysaire qu’il ne faut pas négliger : si le contexte laisse supposer un tel diagnostic, le taux de TSH doit être recontrôlé à distance et associé à un dosage de la T4l », indique le Dr Lecornet-Sokol ;

uUn taux de TSH supérieur à 10 mU/l confirme une hypothyroïdie avérée, un traitement doit alors être instauré ;
u« Lorsqu’il est compris entre 4 et 10 mU/l, il n’existe pas d’indication formelle de traiter, sauf en cas de signes cliniques. La HAS recommande de répéter les dosages de TSH et de T4l à distance. »

Si le taux de TSH est confirmé et que celui de T4l est bas, un traitement est instauré ;
Si le taux de TSH est confirmé et que celui de T4l est normal (on parle d’hypothyroïdie frustre), l’instauration d’un traitement doit être discutée avec le patient, en fonction de son ressenti.
uLa grossesse ou un projet de grossesse peuvent justifier la mise en route d’un traitement, estime l’endocrinologue. L’objectif de TSH est alors <2,5 ou 4mU/l, selon les équipes.

Un traitement essentiellement médicamenteux. Le traitement de l’hypothyroïdie consiste à compenser le déficit hormonal par un traitement médicamenteux substitutif à base de lévothyroxine. Dans certaines situations, l’hypothyroïdie peut être transitoire (thyroïdite du post-partum ou subaiguë, par exemple). Souvent, c’est un traitement à vie, dont les premiers effets apparaissent en général dans les trois premières semaines qui suivent sa mise en route. « L’introduction du traitement nécessite une surveillance clinique, avec une attention portée à la persistance ou à la réapparition de symptômes traduisant un déséquilibre thyroïdien, et une surveillance biologique, avec un dosage de la TSH 6 à 8 semaines après son instauration. » Jusqu’à peu limitée à une seule spécialité, la lévothyroxine existe aujourd’hui sous six marques différentes, ce qui constitue aux yeux du Dr Lecornet-Sokol « une avancée pour aider les patients à trouver un traitement qui leur convient ».

Assurer des apports suffisants en iode, zinc et sélénium. Dans la mesure où des carences en iode peuvent entraîner une hypothyroïdie, et même si « les études sur l’impact des mesures diététiques ne présentent pas un niveau de preuves suffisant », privilégier les aliments riches en iode (fruits de mer, crustacés, coquillages, algues), en sélénium (fruits de mer, jaune d’œuf, noix du Brésil), ou encore en zinc (huîtres, cacao en poudre, germes de blé) peut être intéressant, « à condition de respecter les doses conseillées »*, concède le Dr Lecornet-Sokol. Ces oligo-éléments peuvent également être fournis à l’organisme sous forme de compléments alimentaires. En revanche, « inutile de supprimer le chou de son alimentation ! assure la spécialiste. Si les crucifères participent à la réduction de la formation des hormonées thyroïdiennes, il faudrait en manger de grandes quantités quotidiennement pour observer un tel effet ! »

Amélie Pelletier

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