• Dr Laure Martinat : Quelle immunité par l’alimentation et les compléments alimentaires ?

Laure Martinat

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 13/10/2022


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La supplémentation a un rôle à jouer dans certaines situations de carence avérée, le temps d’opérer la correction alimentaire, ou ponctuellement —infection, grippe, Covid.

Le Dr Laure Martinat, anesthésisteréanimateur, naturopathe et phyto-aromathérapeute, explique ce que l’on peut en attendre.

 

TLM : En quoi l’alimentation influe-telle sur le système immunitaire ?

Dr Laure Martinat : Le bon fonctionnement du système immunitaire, sa capacité à défendre l’organisme contre les infections sont effectivement liés aux apports nutritionnels, à la fois quantitatifs et qualitatifs. Le système immunitaire est composé notamment de cellules, de tissus et de protéines qui dépendent directement et indirectement de notre alimentation. Comme le montre bien la littérature scientifique, la dénutrition tout comme l’excès alimentaire ont un impact sur le fonctionnement du système immunitaire.

 

TLM : Comment la dénutrition peut-elle affecter le système immunitaire ?

Dr Laure Martinat : La dénutrition globale est caractérisée par une diminution d’apport en macronutriments — protéines, glucides, lipides— et en micronutriments —vitamines, oligoéléments, minéraux. Ces situations de déficit sont fréquentes chez les personnes âgées, celles souffrant d’anorexie, ou encore celles atteintes de maladies chroniques, de cancers, ou de malabsorption intestinale. La dénutrition entraîne une altération de la phagocytose et de la cytotoxicité des globules blancs ; le fonctionnement du système du complément (qui permet l’élimination de certaines cellules anormales, de certains agents pathogènes et qui a un rôle immunomodulateur) est aussi perturbé, ainsi que la production de certaines cytokines. La dénutrition entraîne également une hausse de la synthèse du cortisol qui lui-même induit un effet dépresseur sur le système immunitaire. En cas de dénutrition, il faut d’abord essayer d’améliorer les apports alimentaires et prescrire des compléments nutritionnels oraux hyper-protéinés et hypercaloriques. Il est nécessaire de prescrire aussi des complexes contenant des multivitamines, des minéraux et des oligoéléments.

 

TLM : Quelles sont les conséquences de la pléthore sur le système immunitaire ?

Dr Laure Martinat : La pléthore, qui se manifeste par un surpoids ou une obésité, est, contrairement aux apparences, très souvent un état de malnutrition par excès avec des carences spécifiques. Il en résulte alors, de la même manière, une baisse des défenses immunitaires. L’obésité est aussi associée à une inflammation chronique de bas grade avec une stimulation à bas bruit du système immunitaire qui n’est alors plus tout à fait capable de nous défendre contre les agressions. La prise en charge repose sur une correction des apports alimentaires, quantitativement et qualitativement et sur une supplémentation en micronutriments en fonction des carences spécifiques.

 

TLM : Quelles sont les carences les plus fréquentes en micronutriments ?

Dr Laure Martinat : Les types de carences en micronutriments sont variables selon le contexte. Risque de carence multiple —fer et zinc en particulier— dans le vieillissement ; en fer chez les femmes jeunes ; en vitamine C chez les fumeurs ; en vitamine B12 chez les végétaliens, et là le risque est élevé.

Certaines pathologies comme les maladies inflammatoires chroniques intestinales et l’alcoolisme exposent aussi à des carences spécifiques et aux conséquences de ces dernières sur le système immunitaire.

 

TLM : Comment les micronutriments agissent-ils sur le système immunitaire ?

Dr Laure Martinat : Le zinc, par exemple, participe à la synthèse et à l’activation des lymphocytes T. Une carence en zinc, fréquente chez les personnes âgées, explique en partie leur sensibilité aux infections. Quant à la vitamine C, elle joue un rôle important contre les infections, en stimulant la prolifération et la maturation des lymphocytes et en augmentant la phagocytose. Il en va de même de la vitamine D, dont je souligne que la prévalence de sa carence est importante dans la population française !

 

TLM : Comment détecter un risque de déficit en micronutriments ?

Dr Laure Martinat : Il est facile de dépister des situations à risque par l’interrogatoire ou en fonction du contexte. Les dosages sanguins en vitamines ou oligoéléments ne se font pas en routine, sauf quelques exceptions : vitamine D, vitamine K, fer, magnésium, cuivre, notamment.

 

TLM : Quelle prise en charge pour ces carences ?

Dr Laure Martinat : L’axe fondamental préconise de rétablir une alimentation correcte et une hygiène de vie —avec en particulier arrêt du tabac et introduction d’une activité physique régulière. Il ne faut pas non plus négliger le bon équilibre du microbiote intestinal. La supplémentation a son rôle à jouer dans certaines situations de carence avérée, le temps d’opérer idéalement la correction alimentaire, si cela est possible. La supplémentation peut aussi intervenir ponctuellement en cas de besoin augmenté, comme lors d’une infection, grippe ou de Covid notamment.

 

TLM : Quand instaurer une supplémentation et selon quelles modalités ?

Dr Laure Martinat : Concernant la vitamine C, une supplémentation est recommandée en cas de situation à risque de carence : apports alimentaires insuffisants, tabagisme, âge avancé, sport intensif, ou en cas d’infections respiratoires, digestives ou urinaires et de convalescence. La dose est de 500 mg deux fois par jour, à 6 heures d’intervalle. Pour le zinc, une supplémentation est nécessaire chez la personne âgée en cas d’épisode infectieux ou quand l’immunité est fragilisée. Il faut privilégier idéalement des compléments de zinc sous forme de picolinate de zinc ou de bisglycinate de zinc qui sont les plus biodisponibles. La posologie est de 15 mg par jour à prendre plutôt à jeun afin d’en optimiser l’absorption digestive.

Concernant la vitamine D, idéalement, il faudrait pratiquer un dosage sanguin afin de proposer une supplémentation personnalisée. On parle souvent de carence en vitamine D pour des taux inférieurs à 20 ng/ml avec un taux idéal plutôt à 45-50 ng/ml. Les doses de charges intermittentes prises tous les trois mois ne permettent pas de maintenir un taux suffisant. Une supplémentation quotidienne est préférable : par exemple 1000 à 2 000 UI/ jour de vitamine D3 d’origine naturelle, à adapter en fonction du taux sanguin de départ.

 

TLM : Vous venez de publier un ouvrage* sur ces questions, et pourtant vous êtes anesthésiste-réanimateur !

Dr Laure Martinat : La médecine naturelle concerne tous les médecins ! A cet égard mon livre prend en compte autant l’approche allopathique que les approches complémentaires. Car toute prise en charge doit être globale et personnalisée.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

* « Immunité, maladies infectieuses et convalescence : renforcer sa santé naturellement », aux éditions Quintessence, 2022

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