• Dr Launois-Rollinat : Comprendre et traiter l’insomnie chronique de la cinquantaine

Sandrine Launois-Rollinat

Discipline : Neurologie

Date : 23/10/2023


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Plus fréquente chez la femme, cette pathologie au fort retentissement pendant la journée, provoque fatigue, irritabilité, mauvaise humeur, troubles de la mémoire, de la concentration, de l’attention…

Selon le Dr Sandrine Launois-Rollinat, pneumologue et spécialiste des Troubles du sommeil (Neuilly-sur-Seine), la prise en charge de l’insomnie chronique de la cinquantaine commence par la restauration d’une hygiène du sommeil, que viendront compléter des techniques cognitivocomportementales (TCC).

 

TLM : L’insomnie chronique est-elle plus fréquente à la cinquantaine ?

Dr Sandrine Launois-Rollinat : Effectivement, l’insomnie chronique est assez fréquente autour de 50 ans, plus souvent d’ailleurs chez la femme que chez l’homme. A cet âge-là, pour les femmes, c’est la péri-ménopause ou la ménopause, avec souvent des bouffées de chaleur, parfois des troubles dépressifs, ou encore une prise de poids qui favorisent l’apnée du sommeil. Et puis c’est une période de la vie difficile, car il faut souvent s’occuper des parents qui vieillissent, pas forcément en bonne santé, les enfants quittent la maison…

 

TLM : Comment définit-on l’insomnie chronique ?

Dr Sandrine Launois-Rollinat : L’insomnie c’est une plainte portant sur le sommeil, caractérisée par des problèmes d’endormissement, ou des réveils nocturnes multiples et des difficultés pour se rendormir, ou des réveils trop précoces ou encore avec un sommeil globalement de mauvaise qualité.

Pour parler d’insomnie il faut qu’il y ait aussi une préoccupation excessive autour du sommeil, avec un retentissement de cette insomnie dans la journée : fatigue, irritabilité, mauvaise humeur, troubles de la mémoire, de la concentration, de l’attention. Pour qu’une insomnie soit qualifiée de chronique, ces troubles doivent évoluer depuis plus de trois mois. En général, quand les patients viennent nous voir, ils ont souvent ces difficultés depuis plusieurs années. Ils viennent généralement consulter en raison d’un fort retentissement de leur insomnie dans la journée.

 

TLM : Existe-t-il des pathologies sous-jacentes à l’insomnie chronique ?

Dr Sandrine Launois-Rollinat : Face à un patient insomniaque chronique, il faut bien sûr rechercher une dépression, un trouble anxieux généralisé ou un terrain anxieux. Il faut également penser à un syndrome d’apnée du sommeil ou à un syndrome des jambes sans repos. Et, selon le contexte, on peut être amené à envisager une hyperthyroïdie ou des troubles du sommeil en lien avec des douleurs chroniques… L’insomnie chronique peut être favorisée par une pathologie organique. Elle peut ensuite évoluer pour son propre compte, même si cette pathologie a été guérie.

 

TLM : Faut-il faire pratiquer des examens complémentaires ?

Dr Sandrine Launois-Rollinat : On commence par procéder à un bon interrogatoire du patient, qui ouvrira des pistes d’orientation diagnostique. Il faut évaluer le temps passé devant les écrans, la quantité de café consommée chaque jour, la pratique du sport, rechercher des troubles dépressifs ou anxieux… Une polysomnographie est indiquée si certains indices évoquent l’apnée du sommeil : ronflements nocturnes, pauses respiratoires, surpoids, insomnie du milieu de nuit, somnolence dans la journée… De manière générale, il n’y a pas lieu de pratiquer un bilan biologique, sauf dans certaines situations particulières. En revanche, nous demandons à chaque patient de tenir un agenda précis de son sommeil où il note, chaque jour, ses heures de sommeil, le temps passé devant un écran, la consommation de caféine, les horaires de pratique du sport. La prise en charge dépend de ce contexte, mais aussi de la motivation du patient.

 

TLM : Quelle prise en charge mettre en œuvre contre l’insomnie chronique après la cinquantaine ?

Dr Sandrine Launois-Rollinat : Il faut commencer par aider le patient à comprendre ce qui ne va pas dans son hygiène de sommeil et lui expliquer comment corriger les erreurs : éliminer les écrans le soir, limiter la consommation de caféine, surtout l’après-midi, pratiquer du sport le matin, avec si possible une exposition à la lumière du jour. Il faut aussi corriger le nombre d’heures passées au lit hors sommeil. Les personnes insomniaques peuvent avoir tendance à rester trop longtemps au lit, sans dormir.

 

TLM : Et les somnifères, faut-il en prescrire ?

Dr Sandrine Launois-Rollinat : Les patients en prennent souvent depuis longtemps, sans que cela soit efficace. Il est le plus souvent nécessaire de sevrer les patients en benzodiazépines, s’ils en prennent. Ces médicaments sont inefficaces après quelques mois d’utilisation et entraînent des effets indésirables importants : troubles de la mémoire, de l’attention, vertiges, voire chutes, en particulier chez les personnes âgées… Cela dit, il n’y a pas de dogme rigide sur le sujet. Pendant quelques jours, il est possible d’en prescrire pour un patient en grande souffrance par manque de sommeil.

 

TLM : A quel moment prescrire de la mélatonine ?

Dr Sandrine Launois-Rollinat : La mélatonine dans la gestion des troubles du sommeil peut avoir deux indications. Il est possible d’en prescrire pour essayer de resynchroniser le rythme du sommeil d’un patient qui se couche trop tard, se lève trop tard ou, à l’inverse, d’un autre qui s’endort trop tôt et se réveille trop tôt. La mélatonine, associée à l’exposition à la lumière le matin et aux modifications de comportement, permet de recaler les troubles chronobiologiques du sommeil. A plus fortes doses, la mélatonine a un effet hypnotique. Ce médicament peut être efficace pour un certain nombre de personnes souffrant d’insomnie. L’intérêt de la mélatonine c’est qu’il s’agit d’un médicament qui n’entraîne que peu d’effets indésirables, pas de complications, ni accoutumance.

 

TLM : Quand proposer des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) ?

Dr Sandrine Launois-Rollinat : Pour les personnes motivées, les TCC sont le traitement par excellence de l’insomnie chronique. Elles doivent être proposées en première intention. Ces TCC ont été validées par des essais cliniques. Ces thérapies cognitivo-comportementales doivent être dispensées par des personnes formées, psychothérapeutes ou médecins. Elles se pratiquent individuellement ou en groupe, en présentiel ou en téléconsultation. Entre trois et six séances sont nécessaires pour traiter l’insomnie chronique, mais tout dépend des personnes. Le principe est d’apprendre au patient à modifier son comportement pour retrouver un sommeil de qualité. Il existe aussi des thérapies plus brèves par hypnothérapie, qui peuvent améliorer la qualité du sommeil ou encore des séances de sophrologie. Pour toutes ces thérapies non médicamenteuses, il est nécessaire de faire appel à des professionnels dûment formés et qualifiés.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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