• Dr KOWNATOR : Quand la statine ne suffit plus dans la prise en charge de la dyslipidémie

Serge KOWNATOR

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 20/01/2021


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TLM : Comment se caractérisent les dyslipidémies ?
Dr Serge Kownator :
Elles désignent une concentration trop élevée de lipides dans le sang. La dyslipidémie liée au cholestérol représente 60 à 70 % des cas de dyslipidémies. Une dyslipidémie se définit par une élévation du cholestérol plasmatique, des triglycérides (TG) ou par un taux de cholestérol HDL bas, anomalies contribuant à l’apparition de l’athérosclérose. Les causes sont primitives (génétiques) ou secondaires. Le diagnostic repose sur le dosage des taux plasmatiques de cholestérol total, de triglycérides et des différentes lipoprotéines.

Quelle prise en charge pour les dyslipidémies ?
u L’optimisation du niveau lipidique des patients conformément aux recommandations actuelles est préconisée, avec des seuils de LDL-cholestérol qui reposent sur des données validées. En l’absence de recommandations françaises validées, les seuils applicables aujourd’hui en France sont ceux de la Société européenne de cardiologie.

Et plus précisément, quelles sont ces recommandations européennes ?
uPour les patients à risque faible : le LDL-cholestérol doit être inférieur 115 mg par décilitre. Pour les sujets à risque modéré, on visera moins de 100 mg par décilitre, pour ceux à risque élevé moins de 70 mg par décilitre et, enfin, pour les personnes à risque très élevé moins de 55 mg par décilitre, avec en outre une réduction 50 % du taux initial. S’agissant de la catégorie supplémentaire, concernant les patients qui ont fait deux accidents cardiovasculaires en un an, la recommandation préconise un taux de moins de 40 mg par décilitre. En prévention secondaire, sont à très haut risque les patients qui ont fait un infarctus, un AVC, qui souffrent d’une maladie coronaire avérée, d’une artériopathie ou artérite des membres inférieurs. Pour eux, un LDL cholestérol inférieur à 55 mg par décilitre et une réduction 50 % du taux initial sont préconisés.

uLe premier traitement, universel, consiste à adopter des mesures hygiéno-diététiques adéquates (alimentation pauvre en graisse animale et activité physique). En fonction du niveau de LDL-cholestérol à l’état basal et du niveau de risque du patient, il faudra déterminer quelle est l’intensité de la réduction nécessaire et choisir ainsi la bonne statine en fonction des effets attendus. En sachant que les statines de forte intensité vont permettre d’atteindre une baisse de LDL-cholestérol d’environ 50 % en moyenne, celles de moyenne intensité vont induire une réduction du LDLcholestérol de l’ordre de 30 %, et celle de faible intensité d’environ 20 %. Cependant des données récentes montrent qu’il existe une appréhension à traiter fort en prévention secondaire, en recourant aux statines de forte intensité en France. On constate qu’environ 50 % des patients concernés prennent une statine d’intensité modérée alors que les recommandations prônent de leur prescrire une statine de forte intensité d’emblée.

En prévention primaire, il est, certes, logique de démarrer avec une statine modérée mais tout dépend du niveau de baisse à atteindre. Baisser le LDLcholestérol chez un patient dont le taux est de 190 mg/dL à moins de 115 mg/dL suppose une réduction d’environ 40 %. Dans ce cas de figure, il est donc possible de commencer par lui prescrire une statine d’intensité modérée, puis après six semaines, de changer le traitement si nécessaire. En revanche, après un infarctus, il est recommandé de commencer d’emblée avec une statine de forte intensité, et ce au moment de l’événement. Après un infarctus du myocarde, parmi les patients traités, 35 à 40 % ont atteint la cible requise en 2016, soit 70 mg par décilitre, et 15 à 20 % de patients seulement sont à l’objectif 2019 (55 mg par décilitre). La prise en charge n’est donc pas optimale, majorant le risque d’un nouvel infarctus du myocarde. Deux statines de forte intensité, sont disponibles en France : atorvastatine à doses de 40 mg ou 80 mg et la rosuvastatine à doses de 20 à 40 mg. Les statines, qui existent depuis 1994, constituent la classe médicamenteuse la plus étudiée. Il n’y a plus de doute sur leur efficacité.

uQuand la statine, utilisée à la dose maximale tolérée, ne suffit plus, l’ezitimibe doit être associée, la combinaison des deux laissant espérer une baisse du LDL-cholestérol jusqu’à 65 %. Le mode de fonctionnement des deux traitements

est complémentaire, les statines inhibant la synthèse tandis que l’ezetimibe limite l’absorption. L’ezetimibe rajoute environ 20 % à la dose maximum tolérée de la statine. D’ailleurs, certains patients sont fortement répondeurs à l’ezetimibe, avec des chutes importantes de LDL-cholestérol. Et si cela ne suffit pas, nous disposons désormais d’une arme plus puissante que sont les deux anticorps monoclonaux inhibiteurs de PCSK9, très efficaces pour abaisser les taux de LDL-cholestérol. Ces derniers sont administrés par voie injectable sous-cutanée, à raison d’une injection tous les 15 jours. Ces traitements sont rajoutés à l’association statine/ezetimibe quand celle-ci n’est pas assez contrôlée. Depuis l’été 2019, l’alirocumab a été validé pour les patients présentant un syndrome coronarien aigu dans l’année qui précède, et l’évolocumab pour ceux présentant un syndrome coronarien aigu (mais sans date précise) ou à très haut risque cardiovasculaire. Dans les deux cas de figure, ces deux anticorps sont indiqués en association avec la statine. En revanche, l’indication d’intolérance à la statine n’a pas été retenue.

Aujourd’hui, ces médicaments sont prescrits sur ordonnance d’exception. La primo-prescription est établie par le spécialiste, le renouvellement par le généraliste. Très bien tolérés, ces deux inhibiteurs de PCSK9 permettent d’obtenir une baisse d’au moins 70 % de LDL-cholestérol.

Et si ce traitement ne suffit plus ?

u La stratégie thérapeutique est identique. Au-delà de 2 g, les inhibiteurs de PCSK9 sont indiqués. Pour ces patients, il faut souvent recourir à des fortes doses de statine pour obtenir une baisse. L’association avec l’ezetimibe, décriée au début de son parcours, reste encore insuffisamment employée. Pourtant, une étude a montré que l’association apportait un bénéfice certain dans le traitement de la dyslipidémie familiale.

Propos recueillis par Marie Beaurenaud

 

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