• Dr KOCHERT : « Aujourd’hui, le calendrier vaccinal est très complet »

Fabienne KOCHERT

Discipline : Infectiologie

Date : 11/04/2022


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La loi du 30 décembre 2017 de financement de la Sécurité sociale a considérablement enrichi le calendrier vaccinal. Elle a également permis de le clarifier. Pour le Dr Fabienne Kochert, pédiatre libérale à Orléans et présidente de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA), cette clarification facilite le dialogue avec les parents.

 

TLM : La pandémie avait entraîné en 2020 des retards de vaccination. Qu’en est-il en 2021-22 ?

Dr Fabienne Kochert : L’an dernier le groupement Epi-phare avait alerté sur la diminution des ventes de certains vaccins (HPV, ROR...). Pour les nourrissons, en revanche, les données étaient moins affectées car, même si les centres de PMI avaient fermé au début du premier confinement, les pédiatres libéraux avaient maintenu des créneaux de vaccination. En 2022, nous manquons encore de données concernant le rattrapage vaccinal des adolescents contre HPV.

 

TLM : Depuis quatre ans, par la loi du 30 décembre 2017, huit vaccins supplémentaires sont obligatoires, en plus du DT-Polio. Quel bilan en tirez-vous ?

Dr Fabienne Kochert : Sur le terrain, le calendrier vaccinal obligatoire est très bien perçu sauf par une infime proportion de la population franchement opposée à la vaccination. Au moment où la loi est parue, un certain nombre de parents ont eu des inquiétudes. Mais, très rapidement, les craintes se sont apaisées.

Dans la foulée de cette loi, certains vaccins recommandés mais non inclus dans le calendrier obligatoire sont beaucoup plus facilement acceptés par les familles.

Ainsi, de plus en plus de parents sont motivés à faire vacciner leurs enfants contre le méningocoque B alors que ce vaccin n’est recommandé que depuis le 22 juin 2021 et qu’il n’est pas encore remboursé.

 

TLM : En 2016, une étude de la SFMG indiquait que pour 2 médecins sur 3, le temps passé à convaincre leurs patients du bénéfice de la vaccination était un « frein » pour leur pratique. Ce temps est-il révolu ?

Dr Fabienne Kochert : Sans aucun doute. Dès 2018, nous avons observé que nous avions beaucoup moins besoin de « négocier » avec les parents pour qu’ils fassent vacciner leur nourrisson. Plus les choses sont claires, plus la population adhère.

Ainsi, il y avait naguère une forte résistance à la vaccination HPV, qui était liée principalement au fait que seules les filles étaient concernées. Depuis que le vaccin HPV est recommandé pour tous, l’adhésion des familles et des jeunes est meilleure pour les deux sexes. Un autre point d’achoppement était lié à l’âge auquel on proposait de vacciner (14 ans). Certains parents voyaient la vaccination HPV comme une sorte d’incitation à débuter sa vie sexuelle.

Aujourd’hui la vaccination est préconisée dès 11 ans et pour tous. Elle est ainsi intégrée dans le calendrier vaccinal et se fait au moment du rappel DTP.

 

TLM : Quels changements souhaiteriez-vous dans le calendrier vaccinal ?

Dr Fabienne Kochert : Le calendrier vaccinal est très complet, riche, cohérent, et finalement assez simple à appliquer. Néanmoins les nouveau-nés les plus fragiles, notamment les prématurés, doivent recevoir trois injections de vaccin hexavalent en primo vaccination (à 2, 3 et 4 mois) pour être bien protégés notamment contre haemophilus influenza B. Le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique rapporte en effet une augmentation récente des méningites à hiB, sans doute en lien avec la simplification du calendrier vaccinal. On aimerait par ailleurs que le vaccin contre les gastro-entérites à rotavirus soit à nouveau recommandé pour les nourrissons. Il l’était jusqu’en 2014, mais suite à une alerte du centre de pharmacovigilance de Tours, la recommandation a été suspendue. Désormais, toutes les données, notamment celles issues des pays qui vaccinent contre le rotavirus, sont extrêmement rassurantes. Nous serions également assez demandeurs d’une recommandation pour la vaccination contre la varicelle. En effet, non seulement la varicelle n’est pas toujours bénigne chez l’enfant mais elle peut être sévère chez l’adulte et source de complications chez la femme enceinte et son bébé. Nous serions par ailleurs favorables à la vaccination de la femme enceinte contre la coqueluche à partir du deuxième trimestre de grossesse, comme cela se fait dans des pays comme les USA, la Grande-Bretagne, l’Australie, la Belgique. En effet la coqueluche reste mortelle pendant les 6 premiers mois de vie, la protection conférée par les vaccins réalisés à 2 et 4 mois est trop tardive. La vaccination pendant la grossesse protège les bébés pendant les 6 premiers mois de vie grâce au transfert transplacentaire d’anti-corps vaccinaux.

 

TLM : Quelles sont les contre-indications à la vaccination ?

Dr Fabienne Kochert : Les seules contre-indications, très rares, sont celles indiquées par le Vidal, comme certains déficits immunitaires. La loi de décembre 2017 est très claire sur les contre-indications mais également sur les sanctions infligées aux médecins qui établiraient de faux certificats. Par ailleurs, les certificats ne peuvent pas être génériques et contre-indiquer « tous les vaccins » mais seulement ceux pour lesquels il existe un risque.

 

TLM : L’activation progressive de l’Espace numérique de santé (ENS) va-t-elle changer la donne ?

Dr Fabienne Kochert : Très probablement. En attendant, je continue de conseiller à tous mes patients et à leur famille de créer leur propre historique sur www.mesvaccins.net. Quant à l’ENS, il sera très utile pour les rappels de vaccination notamment chez les adultes qui consultent moins souvent leur médecin que les plus jeunes.

 

TLM : Qu’en est-il de la vaccination COVID pour les enfants ?

Dr Fabienne Kochert : Les sociétés savantes de pédiatrie ont publié une prise de position commune sur le sujet. Eu égard à l’efficacité et la sécurité du vaccin pédiatrique contre le Covid-19, nous recommandons qu’il soit offert aux enfants de 5 à 11 ans, en privilégiant les enfants ayant des comorbidités, les catégories à risque telles que les définit la HAS et enfin ceux vivant au domicile de personnes fragiles. Avec Omicron tout le monde ou presque a été en contact avec le virus. La durée de l’immunité acquise suite à l’infection restant incertaine, nous continuons à encourager la vaccination pour les enfants à risque, à distance de l’épisode infectieux. Nous recommandons également la vaccination des collégiens et des enfants qui vont entrer au collège.

Propos recueillis

par Cendrine Barruyer

* Tous les 10 ans ; ** Tous les ans

DTP X X X X X X X X*

Coqueluche X X X X X X

Haemophilus B X X X

Hépatite B X X X

Pneumocoque X X X

Méningocoque C X X

ROR X X

HPV X X

Grippe X**

Zona X

L e s c h é ma vac c i n al

Age approprié 2 4 5 11 12 16/18 6 11/13 14 25 45 65+

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