• Dr Khadijatou Ly-Sall : La place des dispositifs connectés dans le suivi du diabète

Khadijatou Ly-Sall

Discipline : Cardiologie

Date : 18/04/2023


Le traitement par insuline exige beaucoup de rigueur de la part du patient diabétique. Le développement de dispositifs connectés de plus en plus efficaces allège la prise en charge et facilite le dialogue entre patients et soignants. Les explications du Dr Khadijatou Ly-Sall, endocrinologue dans le service du Pr Alfred Penfornis au Centre hospitalier Sud Francilien.

 

TLM : La diabétologie est un des premiers secteurs à avoir développé des solutions de télémédecine. Comment l’expliquer ?

Dr Khadijatou Ly-Sall : C’est la conjonction d’un double phénomène.

D’une part, l’engagement de passionnés comme le Dr Guillaume Charpentier. A la tête du CERIDT (Centre d’études et de recherches pour l’intensification du traitement du diabète), il a initié le programme Diabeo, qui a ensuite servi de base au projet Diabeloop composé d’un appareil de mesure en continu du glucose (Dexcom), relié par Bluetooth à un smartphone dont l’algorithme analyse les différentes données (glycémie, activité physique, repas…) et commande une pompe à insuline. L’autre raison de cet essor de la télémédecine en diabétologie, c’est la spécificité du diabète : il faut un temps d’adaptation pour trouver le bon traitement, et toute une éducation thérapeutique pour que le patient apprenne à gérer sa maladie. De ce point de vue les objets connectés sont d’une aide appréciable pour simplifier le suivi.

 

TLM : La télésurveillance fait-elle désormais partie de votre pratique ?

Dr Khadijatou My-Sall : Quand un patient passe sous insulinothérapie, c’est souvent compliqué pour lui. Il doit apprendre à faire ses glycémies, s’injecter de l’insuline. Le programme ETAPES a été mis en place par l’Assurance maladie pour déterminer si la télémédecine permettait d’alléger la charge mentale du patient et d’améliorer le contrôle de sa maladie. Depuis 2018 de nombreux articles ont été publiés concluant à un effet bénéfique certain. C’est pourquoi, en 2023, le télésuivi du diabète va rentrer dans le droit commun, c’est-à-dire qu’il fera partie du « parcours de soin ». Les décrets sont parus le 31 décembre.

 

TLM : Et du côté des pompes connectées ?

Dr Khadijatou My-Sall : Le grand progrès c’est la boucle fermée que l’on peut assimiler à un pancréas artificiel : un capteur intelligent mesure la glycémie en continu, un algorithme détermine les besoins en insuline et une pompe connectée injecte la dose d’insuline au moment où celle-ci est nécessaire. Le premier (Diabeloop) est remboursé depuis septembre 2021. Il existe aussi le Smartguard® (Medtronic avec la pompe 780 G) et le Control IQ® (avec la Pompe T-Slim).

 

TLM : Au milieu de tous ces dispositifs connectés, comment déterminer la place du soignant ?

Dr Khadijatou My-Sall : Elle est essentielle car ces dispositifs envoient l’information aux équipes médicales qui sont alertées en cas de soucis. Elles peuvent alors reprendre contact avec le patient, et le cas échéant modifier sa prise en charge. Cette possibilité d’agir rapidement en cas de mauvais contrôle du diabète réduit le risque d’hospitalisation. Et, surtout, le télésuivi permet aux patients d’avoir toujours un interlocuteur, en général une IPA ou une infirmière en délégation de tâche. Nous disposons de messageries via lesquelles nous pouvons échanger directement avec les patients. C’est un peu comme WhatsApp mais sous forme sécurisée.

 

TLM : Et le médecin traitant ?

Dr Khadijatou My-Sall : Il faudra qu’il soit dans la boucle tout comme les spécialistes libéraux. Pour les diabètes compliqués, le suivi hospitalier s’impose mais pour les patients qui n’ont qu’une ou deux injections par jour, le médecin traitant devra être formé à l’utilisation de ces dispositifs et savoir en interpréter les résultats. Pour des situations plus complexes comme la mise sous pancréas artificiel, ce sera initié par l’hôpital, mais au bout d’un an le suivi se poursuivra en ville. Dans notre service, nous travaillons avec la plateforme Inzeecare qui permet de faire le lien avec le médecin et l’infirmière de ville. Grâce à cette plateforme le médecin traitant peut demander un avis de téléexpertise. Aujourd’hui, et nous le déplorons, une majorité des patients que nous suivons au Centre hospitalier Sud Francilien en diabétologie n’ont pas de médecin traitant et c’est un vrai problème.

Propos recueillis

par Cendrine Barruyer-Latimier

Capteurs et stylos connectés

Des capteurs ont été développés qui permettent de mesurer en continu la glycémie (MCG). De la taille d’une pièce de deux euros, placé sur le bras ou sur le ventre, le capteur mesure toutes les 10 secondes le glucose présent dans le liquide interstitiel, tire la moyenne des différentes mesures et au bout de cinq minutes calcule le taux de glucose. Plusieurs dispositifs de MCG existent, le FreeStyle libre® (Abbott), le DEXCOM G6 Platinium® (Dexcom), ou le Guardian Connect® (Medtronic). Le premier transfère l’information par un simple « scan » réalisé par le patient à l’aide de son téléphone portable.

Les deux autres transmettent en continu leurs données, ce qui leur permet notamment de pouvoir être connectés à des pompes à insuline. L’évolution de cette glycémie détermine les quantités d’insuline à injecter et la fréquence des injections. L’injection peut se faire à l’aide d’un stylo ou, pour les diabètes plus complexes à équilibrer, à l’aide d’une pompe. Un des grands progrès a été le développement du stylo connecté qui mémorise toutes les informations (date et heure, quantité injectée…) et les transmet sur des plateformes de télémédecine via des applis partenaires (Glooko, Mydiabby Healthcare, Diabnext ou Libreview). Le patient n’a donc plus besoin de noter manuellement toutes ces données. C’est plus simple et le risque d’erreur est évité. Divers dispositifs sont disponibles : ainsi la société française Biocorp a mis au point Mallya®, capable de transformer un stylo à insuline jetable… en un stylo intelligent et connecté ! Le lancement de SoloSmart® (stylo Sanofi doté de la technologie Biocorp — photo ci-contre)* est prévu au printemps.

* SoloSmart® est un dispositif électronique de collecte et de transfert sans fil des données des doses administrées par un stylo injecteur à destination de tous les patients insulinodépendants utilisant un traitement par stylos à insuline jetables compatibles Solostar® et Doublestar® de Sanofi, âgés de 14 à 80 ans. Solosmart® est un dispositif médical de classe I. Lire attentivement la notice. Dispositif médical non remboursé par la Sécurité sociale. Fabricant : Biocorp Production - 453 541 054 RCS - ZI de Lavaur, La Béchade, 63500 Issoire, France. 08/2022.

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