Utile à plusieurs niveaux, cofacteur de l’insuline impliqué dans le métabolisme de l’insuline et dans la régulation de la glycémie, le chrome améliore l’intolérance au glucose, réduisant de facto le risque de diabète. Or des enquêtes pointent un déficit des apports (entre 50 et 70 mcg conseillés par jour) dans la population française. Les éclaircissements du Dr JeanMichel Lecerf, endocrinologue et nutritionniste à l’Institut Pasteur de Lille.

TLM : Quels sont les différents effets du chrome dans l’organisme ?

Dr Jean-Michel Lecerf : Le chrome est un oligoélément présent dans l’organisme et apporté en très petites quantités par l’alimentation. Il fait partie des oligoéléments utiles à plusieurs niveaux, mais il s’agit en particulier d’un cofacteur de l’insuline impliqué dans le métabolisme de l’insuline et dans la régulation de la glycémie. Ces données ont été établies par des études en biochimie et par des expérimentations animales. Il jouerait également un rôle dans le métabolisme des acides nucléiques, dans l’expression des gènes, et notamment dans le système de régulation des gènes.

TLM : Existe-t-il des symptômes en cas de carence en chrome ?

Dr Jean-Michel Lecerf : La carence en chrome serait associée à une altération de la tolérance au glucose, qui se traduit par une élévation de la glycémie. Cette carence pourrait conduire à un pré-diabète. Si le déficit en chrome n’a pas été clairement identifié comme un facteur causal de diabète, il est probable qu’il puisse contribuer à un pré-diabète. En tout cas, le chrome fait partie des facteurs nutritionnels qui pourraient être impliqués dans la survenue d’une intolérance au glucose. Les études sont insuffisantes pour permettre de définir les populations à risque de carence en chrome. En revanche, des enquêtes ont montré que dans la population française, les apports en chrome sont en moyenne insuffisants. Ils seraient plutôt de l’ordre de 30 à 50 microgrammes (mcg) par jour, en-dessous des apports conseillés lesquels se situent eux entre 50 et 70 mcg par jour.

Ainsi parler de carence, c’est un peu excessif. Il vaut mieux évoquer un déficit, c’est plus juste.

TLM : Comme prévenir aujourd’hui ce déficit d’apports en chrome dans la population française ?

Dr Jean-Michel Lecerf : Il est possible d’améliorer les apports en chrome par l’alimentation.

Une des principales sources de chrome alimentaire, ce sont les produits de la pêche, en particulier les fruits de mer, moules, huitres, crevettes. Ce sont les aliments les plus riches en chrome, mais rares sont les personnes qui en consomment très souvent. On en trouve également dans les oléagineux, noix, noix du Brésil. Il faut savoir que les noix du Brésil font partie des végétaux qui contiennent le plus de chrome, soit 100 mcg pour 100 grammes. Les champignons, les choux, les brocolis, les tomates, les fruits et les légumes de manière générale, sont une bonne source de chrome, ainsi que les aliments à base de farine complète plutôt que raffinée. Le jaune d’œuf contient aussi du chrome. On peut citer encore les dattes, grande source de chrome, mais à consommer avec modération, car très riches en sucre. En revanche, la viande, le riz, l’huile, le sucre ne sont absolument pas des sources de chrome.

TLM : Quel est le profil des personnes qui pourraient être bénéficiaires d’une supplémentation en chrome ?

Dr Jean-Michel Lecerf : Il est probable que les effets du chrome sur le métabolisme dépendent du terrain de la personne à qui il est recommandé. Il est vraisemblablement utile pour le métabolisme du glucose, mais les preuves formelles restent encore à apporter. Pour autant, les études ne se sont pas toujours intéressées aux personnes qui auraient pu en être les principales bénéficiaires. Si on prescrit du chrome à des personnes non déficitaires en chrome ou qui ne présentent pas d’intolérance au glucose, les résultats des études seront probablement négatifs. On peut faire l’hypothèse que chez des personnes déficitaires, la supplémentation en chrome pourrait avoir un impact, en particulier pour celles intolérantes au glucose. Il est possible également qu’une supplémentation à un stade de pré-diabète puisse avoir un impact favorable. Mais, dans tous les cas, une telle supplémentation chez des patients présentant une intolérance au glucose doit s’accompagner de conseils d’hygiène de vie, en particulier de conseils alimentaires avec une diminution des apports en sucre, une augmentation de la consommation de fruits et légumes et également de recommandations sur la pratique d’exercices physiques réguliers. Il m’arrive de prescrire des compléments alimentaires à base de chrome dans de tels contextes. Le chrome n’est pas un oligoélément toxique, mais il peut le devenir au-delà de 1000 mcg par jour.

On recommande en général de ne pas dépasser 200 mcg par jour.

TLM : Le chrome a-t-il un impact sur le poids, et en particulier sur la perte de poids ?

Dr Jean-Michel Lecerf : Dans la mesure où le chrome est impliqué dans le métabolisme glucidique, lui-même impliqué dans la prise et la perte de poids, on peut imaginer qu’il existe un impact du chrome sur le poids. En réalité, je n’ai pas vu d’études permettant d’affirmer un tel effet du chrome. Mais, le chrome, en améliorant l’intolérance au glucose, en réduisant le risque de diabète, chez les personnes carencées pourrait avoir un effet indirect sur le poids. Mais, attention, cela n’a jamais été démontré.

TLM : Existe-t-il des interactions à connaître entre le chrome et certains médicaments ?

Dr Jean-Michel Lecerf : Oui. Il a été montré que l’absorption du chrome est altérée par les médicaments antiacides. La consommation de sucre réduit également la biodisponibilité du chrome, tout comme les phytates contenues dans les céréales. En revanche, la vitamine C aurait un effet positif. Elle aurait un effet synergique avec le chrome en améliorant son absorption.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig ■

Photo Sam Bellet