• Dr Jean-Marc Bohbot : Pour prévenir les dysbioses vaginales

Jean-Marc Bohbot

Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme

Date : 06/07/2023


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Pour prévenir les dysbioses vaginales, préconise le Dr Jean-Marc Bohbot, gynécologue à l’Institut Fournier (Paris), il faut corriger les facteurs de risque (arrêt du tabac, notamment), demander aussi de veiller à une hygiène intime optimale.

Et associer au traitement antibiotique des probiotiques qui contribuent à rééquilibrer le microbiote vaginal.

 

TLM : Comment définit-on une dysbiose vaginale ?

Dr Jean-Marc Bohbot : Le vagin abrite un microbiote dense, composé de bactéries, virus, levures… Toutes les femmes hébergent un tel microbiote qui, chez les femmes non ménopausées, contient notamment des lactobacilles produisant de l’acide lactique, ce qui contribue à maintenir un équilibre au sein de cette flore.

D’autres bactéries commensales non pathogènes s’y trouvent également et ne posent normalement aucun problème.

Mais en cas de déséquilibre de ce microbiote vaginal, qui peut être dû à diverses raisons, certains éléments de cette flore se multiplient, Gardnerella vaginalis, Candida albicans… La dysbiose survient quand il y a un déséquilibre microbien au sein du microbiote vaginal, provoquant alors une diminution des lactobacilles et favorisant l’émergence de certains éléments de cette flore.

 

TLM : Quels sont les symptômes d’une dysbiose vaginale ?

Dr Jean-Marc Bohbot : La dysbiose peut se manifester par différents troubles. Il peut s’agir d’un simple inconfort lors des rapports sexuels, d’une sécheresse vaginale, d’une irritation. Peuvent survenir aussi des infections, comme les mycoses vaginales dues au développement de Candida albicans, des vaginoses liées à des bactéries anaérobies ou d’autres bactéries dues à des bactéries aérobies. Les mycoses se manifestent chez les femmes par des pertes blanches, épaisses, associées à des démangeaisons. Les vaginoses bactériennes se traduisent par des pertes liquides et des mauvaises odeurs. Les vaginites aérobies génèrent également pertes liquides jaunes-verdâtres et démangeaisons. Ces infections ne sont pas transmises sexuellement, mais elles favorisent le développement des maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH. Elles favorisent également la progression des anomalies cellulaires liées au papillomavirus (HPV) au niveau du col de l’utérus, augmentant le risque de lésions de haut grade. Un microbiote bien équilibré contribue à la clearance des papillomavirus. Chez la femme enceinte, la dysbiose augmente aussi le risque d’accouchement prématuré et et d’infections néonatales.

 

TLM : Qu’est-ce qui contribue à altérer le microbiote ?

Dr Jean-Marc Bohbot : La flore vaginale évolue avec l’âge. Elle est hormonodépendante, fluctuant dans la vie en fonction de l’imprégnation œstrogénique. Le microbiote est donc différent chez la petite fille, la femme adulte ou la femme ménopausée. Dans l’enfance, cette flore est faite surtout de bactéries entériques et cutanées. A la puberté, elle se modifie progressivement. Le microbiote de la femme adulte contient alors des lactobacilles. Elle change à nouveau considérablement au moment de la ménopause. Tout ce qui contribue à diminuer le taux d’œstrogènes peut altérer le microbiote, en particulier à la ménopause, ou lors du post-partum, périodes à risque de dysbiose. De même, lorsque les pilules œstroprogestatives ne sont pas assez dosées en œstrogènes, le risque de dysbiose augmente.

 

TLM : Quels sont les autres facteurs qui perturbent le microbiote ?

Dr Jean-Marc Bohbot : L’ennemi numéro 1, c’est le tabac. La nicotine diminue le taux d’œstrogènes circulant et entraîne l’accumulation de substances toxiques, d’amines délétères, y compris au niveau vaginal, ce qui altère le microbiote.

Dès quatre cigarettes par jour, il existe un risque de dysbiose. Par ailleurs, tout ce qui agresse les lactobacilles est toxique. En particulier les antibiotiques déséquilibrent la flore vaginale, détruisant les bonnes bactéries, et favorisant le développement de Candida albicans.

D’ailleurs, en cas de prise d’antibiotiques en prévention des mycoses vaginales, il vaudrait mieux utiliser des probiotiques locaux que des antifongiques. Cependant des décisions européennes — difficiles à comprendre — ont estimé récemment que les probiotiques locaux étaient des organismes vivants et devaient être considérés comme des médicaments. Et à ce titre, selon cette décision, ils doivent bénéficier d’essais cliniques et d’une autorisation de mise sur le marché. C’est pourquoi on ne trouve plus, actuellement, de probiotiques par voie locale disponibles en pharmacie. En réalité, ces probiotiques par voie locale n’ont jamais posé le moindre problème.

 

TLM : Comment prescrire aujourd’hui alors ces probiotiques ?

Dr Jean-Marc Bohbot : Aujourd’hui, en prévention ou pour traiter une dysbiose, il est possible de prescrire des probiotiques par voie orale, également efficaces contre les dysbioses vaginales. Nous travaillons beaucoup sur les probiotiques par voie orale : une bonne partie d’entre eux administrés par voie orale parviennent dans le vagin et corrigent le déficit en lactobacilles. Pour traiter les dysbioses par voie locale, d’autres stratégies ont été développées. Ainsi des postbiotiques, c’est-à-dire des probiotiques inactivés ont été mis au point : il s’agit de bactéries modifiées, inactivées qui ne peuvent plus se multiplier, mais qui gardent leurs propriétés localement pour rééquilibrer la flore.

 

TLM : Sur quel argument porter le diagnostic de dysbiose ?

Dr Jean-Marc Bohbot : Le diagnostic d’une dysbiose peut être envisagé dans différentes situations, lorsque la patiente se plaint d’irritations, de pertes… L’examen clinique donne déjà un certain nombre d’informations. Il permet d’effectuer un prélèvement qui mesure le pH. Celui-ci est normalement compris entre 3,5 et 4,5. En cas de dysbiose, le pH est supérieur ou égal à 5. Il est possible aussi de faire pratiquer une analyse plus précise du prélèvement pour adapter le traitement. Par ailleurs, ces infections liées à une dysbiose ne sont certes pas sexuellement transmissibles, mais les rapports sexuels peuvent en augmenter les symptômes, avec notamment une augmentation des pertes malodorantes et des démangeaisons, du fait d’une réaction avec le sperme.

 

TLM : Comment prévenir les dysbioses vaginales ?

Dr Jean-Marc Bohbot : Il faut corriger les facteurs de risque, et en particulier recommander l’arrêt du tabac. Il faut respecter l’hygiène intime, ne pas utiliser des produits antiseptiques, mais uniquement ceux qui protègent le film hydrolipidique de la peau et qui n’altèrent pas le microbiote vulvovaginal. Par ailleurs, lors d’une prescription d’antibiotiques, le médecin peut y associer des probiotiques par voie orale, pendant la durée du traitement et une semaine encore après. Chez certaines patientes présentant des dysbioses à répétition, la mise en œuvre de protocoles de probiotiques par voie orale pendant plusieurs mois permet de rééquilibrer le microbiote vaginal.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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