• Dr JAMIN : La pilule reste le contraceptif de première intention

Christian JAMIN

Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme

Date : 09/07/2020


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LA CONTRACEPTION HORMONALE ORALE, MALGRÉ UNE DÉFIANCE INFONDÉE DES PLUS JEUNES, DEMEURE LA MÉTHODE CONTRACEPTIVE DE CHOIX. LE DR CHRISTIAN JAMIN, GYNÉCOLOGUE À PARIS, RAPPELLE ICI LES RECOMMANDATIONS EN MATIÈRE DE PRESCRIPTION DE LA PILULE

 

TLM : Quelle est aujourd’hui la contraception de première intention?


Dr Christian Jamin : La contraception hormonale orale chez les femmes jusqu’à 35 ans. Et cela même si les plus jeunes s’en détournent : l’effet de l’affaire dite des pilules de 3e et 4e générations, qui a défrayé la chronique en 2012, reste encore palpable aujourd’hui ; à quoi s’ajoute une préférence pour les méthodes naturelles, dites « écolos ». Ainsi qu’un intérêt, même chez les nullipares, pour le DIU. Même s’il reste applicable, tout cela bouleverse le schéma classique des méthodes contraceptives selon l’âge, préservatif-pilule-DIU*.

 

TLM : Quelles sont les recommandations en matière de contraception orale aujourd’hui ?

Dr Christian Jamin : La consigne est de prescrire en première intention les contraceptions estroprogestatives (CEP) de 2e génération (contenant du lévonorgestrel), à la dose d’éthynil-estradiol la plus faible (20 μg), quitte à l’augmenter à 30 ou 35 μg en cas de saignements. Le choix de la pilule devra aussi être guidé par l’attente d’autres bénéfices concomitants, afin de favoriser la persistance et, in fine, l’efficacité de la contraception. On s’est en effet aperçu que les femmes suivent mieux leur traitement contraceptif s’il procure des bénéfices non contraceptifs contre l’acné, l’endométriose, la dysménorrhée, les ménorragies, le syndrome prémenstruel, l’hyperséborrhée, la chute de cheveux...

 

TLM : Quelles précautions lors d’une première prescription ?


Dr Christian Jamin : Il faut rechercher, par un interrogatoire complet, les facteurs de risque de thrombose. On informera les utilisatrices du risque de thrombose et on les alertera quant aux signes cliniques évocateurs qui doivent les amener à consulter. Un bilan biologique n’est pas nécessaire, sauf chez les femmes à risques.

 

TLM : La pilule estroprogestative est-elle aussi risquée que le craignent certaines femmes ?

Dr Christian Jamin : Le seul risque auquel expose la contraception orale combinée est celui d’une thrombo-embolie veineuse (TEV), susceptible d’évoluer en phlébite ou en embolie pulmonaire. Mais ce risque est surtout majoré par le terrain propre à chaque femme : âge, antécédents personnels et familiaux, éventuel surpoids... L’affaire des pilules de 3e et 4e générations a montré que le risque de TEV conféré par ces CEP était compris entre 9 et 12 pour 10 000 femmes, contre 5 à 7 avec les pilules de 1re et 2e générations. Mais il faut savoir qu’il s’élève à 250/10 000 chez les femmes qui cumulent surpoids et antécédents familiaux de TEV...

 

TLM : Qu’en est-il du risque artériel ?

Dr Christian Jamin : Plus rare et potentiellement plus grave, le risque artériel est, à la différence du risque veineux, prévisible. Ce risque n’existe en effet que si la femme présente des facteurs de risque : tabagisme, âge (> 38 ans), hypertension artérielle, migraine avec aura... On peut donc le prévenir.

 

TLM: Pourquoi ne pas leur préférer les pilules sans estrogènes, dénuées de risque vasculaire ?


Dr Christian Jamin : Les pilules microprogestatives ont l’inconvénient d’être souvent mal supportées, en raison des saignements qu’elles occasionnent, ce qui conduit à un taux élevé d’abandon. Ce ne sont pas des pilules que l’on peut prescrire en première intention. Elles doivent être réservées aux femmes à risques.

 

TLM: Quel doit être le suivi des femmes sous pilule ?


Dr Christian Jamin : Un premier bilan doit être réalisé entre trois et six mois après le début de la prise, puis cinq ans après, si tout est normal. Il comprend le dosage de la glycémie et du LDL cholestérol (>1,9 g/l) ; les triglycérides, en revanche, ne sont plus considérés comme des facteurs de risque vasculaires. Une surveillance plus rapprochée est préconisée en cas d’anomalies légères ; si elles sont importantes, il est conseillé de changer pour une pilule microprogestative.

 

 TLM : Comment explique-t-on les grossesses sous pilule ?

Dr Christian Jamin : La pilule affiche une efficacité contraceptive théorique de 99,6 % ; la différence avec l’efficacité contraceptive réelle, qui explique les 6 % de grossesse chez les femmes sous pilule, repose sur les anomalies de la persistance. Il ne s’agit pas des oublis, mais des interruptions, plus ou moins longues, de prise de pilule. Or, contrairement à une idée reçue, l’effet contraceptif est totalement et immédiatement réversible à l’arrêt de la pilule ; c’est même dans les trois premiers mois qui suivent son interruption que la fertilité est maximale.

Propos recueillis par Amélie Pelletier n

* Tous âges confondus, 15,5 % choisissent le préservatif seul, 35,5 % la pilule (dont 3,3 % associée au préservatif), et 25,6 % le DIU. (Source : Rahib D, Le Guen M, Lydié N. Baromètre santé 2016. Contraception. Quatre ans après la crise de la pilule, les évolutions se poursuivent. Santé publique France, 2017).

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