Dr JAMIN : Causes et prévention des cystites post-coïtales chez la femme
Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme
Date : 11/07/2022
Les cystites après les rapports sexuels constituent, chez les femmes jeunes ou moins jeunes, une plainte fréquente, constate le Dr Christian Jamin, gynécologue à Paris. Si elles ne sont pas graves, ces infections, parfois douloureuses, altèrent la qualité de vie et perturbent la sexualité.
TLM : Les infections urinaires chez la femme après les rapports sexuels sont-elles vraiment fréquentes ?
Dr Christian Jamin : On dénombre chaque année en France 4 à 6 millions d’infections urinaires, dont une grande majorité au sein de la population féminine. Un tiers des femmes ont déjà eu une infection urinaire à 24 ans, et environ 10% souffrent de cystites à répétition. Chez l’homme l’infection urinaire est quasiment toujours liée à une pathologie organique, le plus souvent prostatique. Et il est vrai que les cystites après les rapports sexuels constituent, chez les femmes jeunes ou moins jeunes, une plainte fréquente. Je souligne à cet égard qu’il ne faut pas confondre ces cystites avec les infections urinaires de la femme âgée, liées à la sécheresse vaginale ou à des anomalies comme les prolapsus.
TLM : Par quels mécanismes les rapports sexuels favorisent-ils les cystites ?
Dr Christian Jamin : Ces mécanismes sont liés à la structure anatomique féminine. L’urètre féminin est court — moins de quatre centimètres — et il s’abouche directement à la partie haute du vagin. Lors des rapports sexuels, du fait de la lubrification vaginale, des liquides physiologiques circulent du vagin, via l’urètre, vers la vessie et peuvent l’infecter. Le périnée abrite en effet des germes d’origine anale qui passent dans le vagin et peuvent coloniser la vessie lors des rapports sexuels. Ce risque est d’autant plus important que les rapports sexuels sont fréquents, qu’il s’agisse de premiers rapports sexuels ou d’un nouveau partenaire. Chez les femmes plus âgées, le risque peut être lié à la fois aux rapports sexuels et à l’atrophie tissulaire. Ces infections après les rapports sexuels sont aussi favorisées par l’utilisation de lubrifiants et de spermicides. Ces cystites ne sont pas graves, mais elles altèrent la qualité de vie, peuvent être douloureuses et perturbent la sexualité, voire le couple, car la femme pourrait penser que son compagnon lui a transmis un germe. Il est donc important d’expliquer qu’il ne s’agit absolument pas d’une maladie sexuellement transmissible.
TLM : Pourquoi ces infections récidivent-elles chez un nombre non négligeable de femmes ?
Dr Christian Jamin : Chez les femmes souffrant de cystite, les Escherichia coli sont des germes quasiment toujours retrouvés à l’examen cytobactériologique des urines.
Tous les E. coli ne sont pas pathogènes mais ceux qui sont responsables de cystites le sont. Ces germes pathogènes sont dotés de pili avec des adhésines, qui leur permettent de se coller et d’adhérer à la paroi vésicale de manière durable. Cette particularité explique notamment pourquoi les infections urinaires récidivent souvent chez certaines femmes.
TLM : A quel moment faut-il parler d’infections urinaires récidivantes ?
Dr Christian Jamin : Qu’une cystite survienne une fois par an n’a aucun caractère de gravité.
Et la prise en charge passe par la prescription d’antibiotiques adaptés.
Mais il arrive que ces infections postcoïtales récidivent très souvent et, dans ce cas, certains médecins préconisent des traitements antibiotiques au long cours une fois par semaine ou après chaque rapport sexuel, ou selon d’autres schémas. Mais de telles stratégies risquent d’aggraver la résistance à ces antibiotiques et de les rendre inefficaces.
TLM : Que préconisez-vous ?
Dr Christian Jamin : Certains conseils simples permettent de réduire les récidives : boire beaucoup et aller régulièrement aux toilettes pour éviter la stagnation des urines dans la vessie. Il faut même recommander aux patientes d’uriner à heures fixes, par exemple toutes les trois heures, même si elles n’en ressentent pas l’envie. Très important aussi, elles doivent uriner systématiquement après les rapports sexuels.
Je suggère aussi aux femmes à risque de se doter de bandelettes urinaires permettant de dépister une infection. Je prescris aussi des compléments alimentaires efficaces en prévention pour réduire le risque, en particulier ceux qui associent plusieurs ingrédients, à prendre par voie orale, pour les femmes souffrant d’infections fréquentes après les rapports sexuels.
TLM : Quels sont les compléments alimentaires utiles contre les cystites ?
Dr Christian Jamin : Plusieurs études ont mis en évidence l’intérêt de la canneberge (cranberries) et du D-mannose pour prévenir les cystites. Ces deux produits ont la propriété d’empêcher les E. coli de se fixer aux parois vésicales. Et ont donc un effet « désinfectant ». Un de ces compléments contient à la fois du D-mannose, de la canneberge et de l’orthosiphon, un diurétique naturel qui augmente la diurèse et facilite l’élimination des bactéries. Les femmes à risque pourront utiliser ce complément de manière systématique. Il peut être pris avant les rapports sexuels, après, ou à la fois avant et après. Chez mes patientes souffrant d’infections urinaires post-coïtales, ces compléments permettent effectivement de réduire la fréquence des cystites. A titre préventif, pris régulièrement, les patientes ont moins d’infections urinaires, sont moins anxieuses avant les rapports sexuels et ont une consommation d’antibiotiques réduite. Ce complément est très bien toléré, sans effet secondaire et préserve du risque d’augmenter la résistance bactérienne, puisqu’il agit par le biais d’un effet mécanique en empêchant les E. coli d’adhérer aux parois vésicales. Et enfin il favorise la diurèse. D’autres compléments existent, mais ils ne sont pas destinés spécifiquement à la prise en charge des cystites post-coïtales.
TLM : A quel moment adresser la patiente à l’urologue ?
Dr Christian Jamin : Pour les patientes souffrant de cystites atypiques à répétition, en dehors de toute activité sexuelle, il peut être nécessaire de consulter un urologue.
Propos recueillis
par le Dr Clara Berguig ■