• Dr Hugues Piloquet: L’intérêt des folates dans les laits infantiles de nouvelle génération

Hugues Piloquet

Discipline : Pédiatrie

Date : 17/01/2023


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« La supplémentation en acide folique des laits infantiles protège les nouveau-nés de carences. Dans les consultations en nutrition infantile, nous voyons d’ailleurs rarement des enfants carencés en folates », explique le Dr Hugues Piloquet, chef de service Maladies chroniques de l’enfant au CHU de Nantes.

 

TLM : Le lait maternel reste-t-il la référence absolue par nature ?

Dr Hugues Piloquet : Oui, il est parfaitement adapté aux nourrissons. La recherche scientifique ne cesse de découvrir de nouveaux composants riches et complexes jouant un rôle essentiel. Environ 65 % des mamans allaitent en sortie de clinique ou de maternités. Cependant, en France, ce taux chute de moitié après un mois d’allaitement, ce qui est très court. De nombreux bébés se retrouvent alors sous formule infantile.

 

TLM : Face à cette situation, comment ont évolué les laits infantiles ?

Dr Hugues Piloquet : Il existe plus de 300 références de laits infantiles dont la composition de leurs formules sont régulièrement améliorées pour se rapprocher au plus près du lait maternel. Elles sont issues de protéines de lait de vache, pour la plupart, mais aussi de protéines de lait de chèvre, du soja (toutefois très peu utilisées en France) ou du riz.

 

TLM : Certains laits contiennent-ils du fer, des acides gras essentiels, de la vitamine D et même de l'acide folique ?

Dr Hugues Piloquet : La composition du lait de vache comportant des différences avec le lait maternel, ces ingrédients sont effectivement dosés puis ajoutés aux laits infantiles. Nous sommes également obligés de diminuer les apports protéiques du lait de vache qui sont de 35 g/L comparés à 10 g/L dans un lait maternel.

 

TLM : L’acide folique, ou vitamine B9, et les folates sont-ils similaires ?

Dr Hugues Piloquet : Ces substances sont similaires mais leurs structures chimiques et leur origine (synthétique pour l’AF ou naturelle pour les folates) diffèrent.

 

TLM : Existe-il des études concernant les folates ?

Dr Hugues Piloquet : En général, ces études sont réalisées sur des modèles animaux puis transposées à l’homme. Très peu d’études portent sur le nourrisson car les prélèvements sanguins ne sont pas aisés à réaliser qu’il s’agisse de doser les réserves en folates ou en fer.

 

TLM : Les folates constituent-ils un composant essentiel du lait maternel et des formules infantiles ?

Dr Hugues Piloquet : Oui, ils font partie des vitamines qui doivent être apportées par l’alimentation. Par exemple, les nouveau-nés prématurés sont très souvent supplémentés en AF avec un traitement (spécialfoldine) afin de compléter l’apport en folates des formules. La supplémentation en acide folique des laits infantiles protège les nouveau-nés à terme de carences. Dans les consultations en nutrition infantile, nous voyons d’ailleurs rarement des enfants carencés en folates. La carence nutritionnelle en fer est la plus fréquente chez les moins de deux ans. Elle s’exprime d'abord par un effondrement du taux de ferritine sérique puis une diminution de l'hémoglobine avec des bébés carencés en fer. Par exemple, l’allaitement exclusif maternel est conseillé pendant un maximum de six mois. Au-delà, il ne permet plus d'assurer la croissance de l’enfant et provoque une carence en fer. Il es alors recommandé de passer à une alimentation mixte pendant 24 mois.

 

TLM : Quel est le mécanisme d’action des folates dans l’organisme ? Quel est le rôle du 5-MTHF ?

Dr Hugues Piloquet : Le 5-MTHF (5-méthyltétrahydrofolate) est la forme de folate métaboliquement active. Il joue un rôle important. Il existe deux types d'anémie chez le nourrisson. L’anémie microcytaire caractérisée par des globules rouges très petits dont la cause est une carence en fer. L'anémie normocytaire, assez fréquente, due à une carence en folates.

 

TLM : Les effets bénéfiques des folates sontils reconnus par l’Agence européenne des médicaments (EMA) ? Qu’en est-il de leur tolérance ?

Dr Hugues Piloquet : Oui, cette carence étant assez courante, il est recommandé de l’éviter par des aliments enrichis en acide folique. Il n’existe pas de problème de tolérance lié aux folates. Nous le constatons d’ailleurs chez les nouveau-nés prématurés mis sous spécialfoldine, qui n’ont aucun trouble.

 

TLM : L’EMA recommande une supplémentation en AF chez toutes les femmes dès lors qu'elles expriment un désir de grossesse. Quelles en sont les raisons ?

Dr Hugues Piloquet : Lors du développement embryonnaire, le processus de fermeture du tube neural est acide folique dépendant. Le spina bifida correspond au tube neural de l’enfant qui ne s'est pas fermé pendant la vie embryonnaire. Cette malformation survient bien plus souvent chez une femme carencée en folates. Ainsi, la politique de prévention chez la femme enceinte recommande un apport en AF afin d’éviter le spina bifida chez l’enfant.

 

TLM : Les folates sont-ils nécessaires au développement normal du système nerveux d'un fœtus avant même la naissance ?

Dr Hugues Piloquet : J’en suis persuadé. Une carence en folates durant la grossesse chez la mère peut avoir des conséquences graves sur le développement du cerveau et du tube neural chez l’embryon.

 

TLM : Les laits infantiles sont de plus en plus riches et de plus en plus complets. Représentent-ils une alternative sûre et efficace aujourd’hui ?

Dr Hugues Piloquet : Avec l’avancée des connaissances, les laits infantiles deviennent de plus en plus proches du lait maternel. Nous avons l’exemple récent des HMO (Human Milk Oligosaccharides) qui sont des sucres complexes du lait maternel. Ils commencent à être ajoutés dans les laits infantiles. Ces molécules peuvent transporter certains constituants. Outre l’acide folique, il existe l’acide sialique que le bébé reçoit par les sucres du lait maternel.

Ces acides sont utilisés dans le système membranaire et enzymatique.

 

TLM : Les vitamines B jouent-elles un rôle dans la synthèse de l'ADN, dans la division cellulaire et dans la synthèse protéique ?

Dr Hugues Piloquet : Les formules infantiles sont supplémentées en vitamines du groupe B.

La carence en vitamine B12 est un autre modèle de carence préjudiciable à la formation embryonnaire notamment au niveau du cerveau. Nous rencontrons des situations de carence en vitamine B12 en modèle fœtal.

J'ai soigné plusieurs bébés, nés de mamans carencées, qui ont connu des troubles importants lors de leur formation pendant la phase embryonnaire. Ces enfants peuvent avoir des problèmes d'apprentissage, des retards de développement, des troubles neurosensoriels. Ces vitamines interviennent dans tous les processus cellulaires, dont les globules rouges.

 

TLM : Le lait infantile est-il indiqué jusqu'à trois ans et pas au-delà ?

Dr Hugues Piloquet : Il convient de différencier les formules pour les enfants de moins d'un an qui ont une législation propre. Ensuite, le lait de croissance est un produit spécifique destinés aux enfants de un à trois ans. Cependant, nos enquêtes montrent qu’environ 40 % des bébés de plus d’un an boivent du lait, de type entier, du commerce.

Propos recueillis

par Alexandra Cudsi

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