• Dr HOCQUEMILLER : Savoir diagnostiquer les lésions précancéreuses du col de l’utérus

Raphaël HOCQUEMILLER

Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme

Date : 10/10/2021


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Transitoire dans 90% des cas, l’infection à papillomavirus peut, dans certains cas, persister et provoquer des lésions précancéreuses du col de l’utérus, voire de cancer en l’absence de dépistage. Entretien avec le Dr Raphaël Hocquemiller, colposcopiste à l’Institut Alfred Fournier, à Paris.

 

TLM : Quelles sont les dernières recommandations pour le dépistage des lésions du col de l’utérus ?

Dr Raphaël Hocquemiller : L’infection à papillomavirus est la maladie sexuellement transmissible la plus fréquente. Près de 80% des femmes (et des hommes) seront concernées au cours de leur vie. Dans 90% des cas, l’infection est transitoire et l’organisme élimine spontanément le virus. Dans 10% des cas, le papillomavirus persiste plus longtemps. Il peut alors dans certains cas être responsable de lésions précancéreuses du col de l’utérus ou même de cancer en l’absence de dépistage et de traitement.

Les dernières recommandations de la Haute Autorité de santé en 2019 ont adapté le dépistage des lésions du col de l’utérus à l’âge. Le dépistage commence à 25 ans par une première cytologie, suivie d’une seconde un an plus tard et d’une troisième trois ans après. Si tout est normal, à partir de 30 ans, puis tous les cinq ans, le dépistage est basé non plus sur l’analyse des cellules mais sur la recherche de papillomavirus à haut risque (HPV-HR) au niveau du col de l’utérus. A 65 ans, en l’absence d’antécédent particulier, ce dépistage n’est plus nécessaire et peut s’arrêter. Cette stratégie tient compte du fait que l’infection par papillomavirus est fréquente avant 30 ans, mais n’a pas forcément de signification pathologique. La majorité des femmes porteuses du virus avant 30 ans vont l’éliminer spontanément. Après l’âge de 30 ans, le test de dépistage de l’HPV a une sensibilité supérieure à l’analyse cellulaire pour identifier les lésions précancéreuses.

 

TLM : Comment s’effectue le prélèvement pour ce dépistage désormais ?

Dr Raphaël Hocquemiller : Il s’agit d’un prélèvement effectué par le biais d’une cyto-brosse au niveau de l’endocol et de l’exocol. Ce prélèvement est conservé dans un milieu liquide spécifique qui permet à la fois la recherche de l’HPV-HR et aussi l’analyse cytologique. En cas de test HPV positif, il sera possible de pratiquer directement l’analyse cellulaire sans avoir à reconvoquer la patiente. Le recours au co-testing, c’est-à-dire à la cytologie systématique associée au test HPV n’est pas recommandé en dépistage primaire. Son intérêt scientifique n’a pas été prouvé.

 

TLM : Quelle est la conduite à tenir en cas de découverte d’un test HPV positif ?

Dr Raphaël Hocquemiller : A partir de 30 ans, la découverte d’un papillomavirus est un marqueur de lésions potentielles du col. Si le test HPV est positif, à savoir si la patiente est infectée par un papillomavirus, l’examen cytologique est indispensable. Si cet examen met en évidence des anomalies cellulaires, une colposcopie doit être pratiquée. En l’absence d’anomalies cytologiques, un nouveau prélèvement un an plus tard permettra de savoir si la patiente a éliminé le virus ou s’il persiste, auquel cas une colposcopie sera aussi alors nécessaire. Au total 95% des femmes finiront par éliminer spontanément le virus. Mais 5% environ développeront des lésions de bas grade ou de haut grade.

 

TLM : Comment caractérise-t-on les lésions dites de bas grade et celles de haut grade ?

Dr Raphaël Hocquemiller : Schématiquement, les lésions cellulaires dites de bas grade sont superficielles : elles affectent moins d’un tiers de l’épaisseur de la muqueuse du col de l’utérus. Et ces lésions régressent spontanément dans plus de 80% des cas. Les lésions de haut grade touchent plus d’un tiers de l’épaisseur de la muqueuse. Elles régressent moins souvent et nécessitent un traitement plus agressif.

 

TLM : Quelle est la conduite à tenir face à de telles lésions ?

Dr Raphaël Hocquemiller : Il n’est pas toujours nécessaire de les traiter. Pour les lésions de bas grade (CIN1), plusieurs options existent selon les situations. Il est recommandé de continuer la surveillance pendant au moins deux ans. Si elles persistent sans évoluer vers des lésions de haut grade, l’attitude à adopter est soit de continuer la surveillance, soit de détruire ces lésions, par laser le plus souvent, parfois par cryothérapie ou encore de faire une exérèse à l’anse diathermique. Contrairement à l’exérèse, les traitements par laser ou cryothérapie qui détruisent les lésions sont réalisés sans anesthésie. Mais ils ne permettent pas un examen anatomopathologique ultérieur puis que les lésions sont détruites. Les lésions de haut grade (CIN2 et CIN3) sont, sauf cas particuliers, traitées. Elles doivent faire l’objet d’un traitement approprié par exérèse chirurgicale, sous contrôle colposcopique. L’objectif est d’enlever toute la lésion, tout en préservant au maximum le col de l’utérus, en particulier chez les femmes jeunes, en âge d’avoir des enfants, pour réduire le risque de complications obstétricales. Il s’agit en général d’effectuer une conisation. Réalisée sous anesthésie locale ou générale, cette opération chirurgicale consiste à découper en forme de cône la partie du col de l’utérus atteinte et de la retirer. En fonction de la technique utilisée (conisation à l’anse diathermique, au laser, au bistouri froid), la partie du col retirée est plus ou moins importante. Quelle que soit l’importance de la lésion, une surveillance est indispensable après le traitement.

 

TLM : Quelle surveillance faut-il mettre en place après la prise en charge thérapeutique ?

Dr Raphaël Hocquemiller : Qu’il s’agisse de lésions de bas ou de haut grade, un nouveau test HPV doit être effectué six mois après le traitement. Si le résultat du test redevient négatif, la surveillance reprend son cours normal avec une recherche de papillomavirus à nouveau tous les trois ans pour les lésions de haut grade, voire cinq ans pour celles de bas grade. La vaccination contre le papillomavirus permet-elle d’éliminer les lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus ? u C’est un vaccin efficace, mais en France, seulement 30% des jeunes filles sont vaccinées. Cette vaccination est également recommandée depuis peu pour les garçons de 11 à 14 ans. Pour parvenir à une immunité collective, il faudrait que 75% de la population soit vaccinée. On en est loin. La couverture vaccinale est aujourd’hui nettement insuffisante en France.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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