• Dr Hervé Haas : Prévention des infections invasives à méningocoque

Hervé Haas

Discipline : Infectiologie

Date : 18/04/2023


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Considérées comme potentiellement très graves —avec un taux de mortalité de 10 à 15% ou des séquelles sérieuses—, ces infections peuvent être prévenues par un arsenal de vaccins qui ont fait la preuve leur efficacité. Revue de détail avec le Dr Hervé Haas, chef du service Pédiatrie du Centre hospitalier Princesse-Grâce-de-Monaco.

 

TLM : Quelle est la fréquence des infections invasives à méningocoque ?

Dr Hervé Haas : Les infections invasives à méningocoque frappent environ 500 personnes chaque année en France, avec des conséquences graves. Pendant les périodes du Covid, en 2020 et 2021, grâce aux masques, au gel hydro-alcoolique, au confinement, l’incidence a chuté, avant de remonter en 2022. Plusieurs sous-types de méningocoques peuvent être en cause dans ces infections. Le sous-type A n’est pas présent en Europe, mais surtout en Afrique. Le sous-type B est désormais dominant en France et représente 60% des infections, suivi du W et ensuite du Y. Pour ce qui est du sous-type C, le nombre de cas d’infection s’est effondré depuis 2018, date à laquelle la vaccination contre ce méningocoque a été rendue obligatoire en France.

 

TLM : Quelles sont les personnes les plus à risque d’infection à méningocoque ?

Dr Hervé Haas : Les deux groupes à risque sont les enfants de moins de quatre ans, en particulier les nourrissons et les enfants de moins d’un an, qui ont 17 fois plus de risque d’avoir une infection invasive, notamment au sous-type B, que les 15-24 ans, deuxième groupe à risque. Ces infections surviennent souvent dans un contexte d’infection virale, grippe, VRS, qui facilitent la pénétration et le développement du méningocoque dans les voies respiratoires. Les enfants sont à risque du fait de leur immaturité immunitaire. Les adolescents et les jeunes adultes eux vivent souvent dans une certaine promiscuité, ce qui facilite la circulation et la transmission de cette bactérie.

 

TLM : Quels sont les symptômes d’une infection invasive à méningocoque ?

Dr Hervé Haas : Les premiers symptômes sont peu spécifiques. Il s’agit au début d’un syndrome grippal, associé à de la fatigue pendant, en général, les premières 24 heures. Chez l’adolescent peuvent s’y associer des douleurs dans les jambes, fatigue, céphalées, somnolence. Le petit enfant, lui, peut être grognon, irritable, léthargique. Le seul signe spécifique, dans 25% des cas, c’est le purpura fulminans, des tâches rouges sur la peau, qui ne s’effacent pas à la pression et qui signent l’urgence absolue.

Les infections invasives à méningocoque se traduisent, après les symptômes initiaux, dans 70% des cas, par un syndrome méningé, photophobie, vomissements, maux de tête, raideur de la nuque, ou, dans 30% des cas, par un tableau de septicémie. Le méningocoque se multiplie très vite, produit une toxine à laquelle l’organisme répond par une production massive de cytokines qui déclenchent un véritable tsunami, avec une atteinte multi-organes, cœur, poumons, foie, reins, rate, pancréas, peau… et une défaillance multi-viscérale. Dans tous les cas, il s’agit d’une urgence absolue et il faut être capable de réagir très vite. La prise en charge fait appel à la perfusion immédiate d’antibiotiques, au remplissage vasculaire et à la réanimation.

 

TLM : Quelles sont les conséquences de ces infections ?

Dr Hervé Haas : Les infections invasives à méningocoque sont très graves, avec un taux de mortalité de 10 à 15%. Il y a également un risque de séquelles de l’ordre de 25%. Il peut s’agir d’épilepsie consécutive à l’atteinte bactérienne du cerveau ou de séquelles neurologiques liées à un accident vasculaire cérébral. Il peut y avoir également des séquelles orthopédiques : lors de l’infection, des nécroses tissulaires peuvent apparaître et nécessiter une amputation plus ou moins importante des extrémités.

 

TLM : Face à la gravité de ces infections, quelle prévention peut-on mettre en œuvre ?

Dr Hervé Haas : Il existe un vaccin contre le méningocoque C, obligatoire depuis 2018 chez les enfants de moins de deux ans, avec une dose à cinq mois et un rappel à 12 mois, et un rattrapage possible jusqu’à 24 ans. Il s’agit d’un vaccin polysaccaridique conjugué. L’efficacité est excellente chez les enfants. Aucun cas d’infection invasive à méningocoques n’a été observé chez les enfants correctement vaccinés. Ce vaccin permet d’obtenir une protection individuelle et collective, puisqu’il contribue aussi à réduire la circulation de la bactérie. Aujourd’hui, le nombre de cas d’infections invasives à méningocoques est très faible en France.

 

TLM : Et contre le méningocoque B, comment protéger les enfants ?

Dr Hervé Haas : Il existe aussi un vaccin contre le méningocoque B, Bexsero, produit à partir de quatre protéines de membrane différentes de la bactérie. En 2017, en Grande-Bretagne, ce vaccin a été proposé à tous les enfants de moins de deux ans, sous la pression de l’opinion publique. Très vite, les chercheurs britanniques ont montré que ce vaccin était très efficace, avec la disparition des cas d’infections invasives à méningocoque chez tous les enfants vaccinés, contrairement aux enfants dont les parents avaient refusé le vaccin. Le protocole vaccinal actuel pour le Bexsero est l’injection de deux doses à deux mois d’intervalles et un rappel un an plus tard. En France, ce vaccin est recommandé et remboursé depuis 2022 pour les enfants de moins de deux ans, avec une première dose à trois mois, une deuxième à cinq mois et un rappel à 12 mois. Le vaccin est remboursé à condition que la première dose ait été faite avant deux ans.

Ce vaccin est efficace, bien toléré. Il est cependant assez réactogène, avec parfois une poussée de fièvre dans les heures suivant l’injection. C’est pourquoi, il est systématiquement associé à une dose de paracétamol adaptée au poids de l’enfant en même temps que le vaccin, à renouveler six heures plus tard si nécessaire. La durée de la protection obtenue avec ce vaccin dure vraisemblablement plusieurs années, même si elle n’est pas connue avec précision, faute d’un recul suffisant.

 

TLM : Ce vaccin est-il aussi proposé à l’adolescent et à l’adulte jeune ?

Dr Hervé Haas : Ce vaccin n’est pas recommandé systématiquement aux adolescents et adultes jeunes. En revanche, lorsqu’il y a une épidémie d’infections à méningocoques B chez des jeunes adultes notamment, comme c’est le cas depuis quelques mois dans certaines communes de la région RhôneAlpes, on peut être alors amené à vacciner toute une population, selon des critères géographiques, pour prévenir la diffusion des méningocoques.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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