• Dr Habib Chabane : Prise en charge symptomatique des rhinites allergiques

Habib Chabane

Discipline : Allergologie

Date : 13/10/2022


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Corticoïde nasal seul ou associé à un antihistaminique local, voire antihistaminique oral dans les formes légères, immunothérapie allergénique dans les formes modérées à sévères, préconise le Dr Habib Chabane, allergologue à Paris.

En l’absence d’alternative, la prise en charge d’une rhinite allergique doit être associée, quand elle est applicable, à l’éviction de l’allergène en cause…

 

TLM : Quels sont les signes cliniques qui doivent évoquer une rhinite allergique ?

Dr Habib Chabane : La rhinite allergique se manifeste par quatre symptômes importants : les éternuements, le nez qui coule, le prurit nasal, l’obstruction nasale, parfois associés à des formes légères et passagères d’anosmie, sans perte durable de l’odorat.

L’association à une conjonctivite est fréquente. Les muqueuses nasales et oculaires sont en effet les plus exposées aux allergènes. Les muqueuses nasales et oculaires contiennent des mastocytes qui réagissent, chez les personnes sensibilisées, à la présence d’allergènes en déclenchant, entre autres, la libération d’histamine, responsable de l’apparition des symptômes. Dans 20 à 40 % des cas, la rhinite allergique est associée à de l’asthme. Cette allergie est facile à distinguer d’un rhume d’origine virale qui dure en général au maximum deux semaines, avec souvent de la fièvre, des courbatures… La rhinite allergique peut être saisonnière lorsqu’elle est due aux pollens ou perannuelle, s’il s’agit par exemple d’une allergie aux acariens.

 

TLM : Comment identifier la cause de la rhinite allergique ?

Dr Habib Chabane : L’interrogatoire est très important pour orienter vers l’étiologie de la rhinite. « Est-ce que vous éternuez, avec les yeux qui piquent ou qui pleurent dès qu’il y a un chat ? » Ce qui évoquerait une allergie aux phanères. « Est-ce que le rhume commence au moment où vous faites votre ménage et soulevez la poussière ? » C’est sans doute une allergie aux acariens. « Est-ce que pendant les promenades au parc, au printemps/été, vous éternuez ? » C’est évocateur d’une allergie aux pollens, ou d’une moisissure atmosphérique, Alternaria, répandue dans l’air l’été. L’interrogatoire fait suspecter la cause. Mais le diagnostic précis repose sur la reproduction de la réaction allergique, au niveau de la peau, grâce à des tests appelés prick-tests. Ils consistent à piquer au travers des gouttes d’extraits allergéniques déposées sur la peau pour faire réagir les mastocytes cutanés. Si au bout de 15 à 20 minutes, une réaction positive apparaît au niveau d’un ou plusieurs allergènes, la sensibilisation allergique est confirmée. A l’aide d’une batterie d’une dizaine d’allergènes respiratoires standardisés, il est possible, dans 95 % des cas, d’identifier la cause de la rhinite allergique. Les médecins généralistes, les pédiatres, les ORL qui n’effectuent pas ces tests spécialisés peuvent prescrire, à partir d’une prise de sang, un dosage d’IgE spécifiques contre un mélange de pneumallergènes. Si ce dosage est positif, il y a bien un un terrain atopique, reste alors à identifier les allergènes en cause. C’est un test d’orientation qui implique d’autres explorations spécialisées quand il est positif. Il est inutile de faire doser les IgE totales.

 

TLM : Comment évaluer la sévérité de la rhinite ?

Dr Habib Chabane : La sévérité d’une rhinite allergique est évaluée sur l’impact qu’exerce la maladie sur la qualité de vie. Il s’agit d’une forme légère si elle n’altère ni le sommeil ni les activités sociales, scolaires, les loisirs ou le travail. La rhinite allergique est dite modérée ou sévère quand le patient dort mal parce qu’il a en permanence le nez bouché, lorsque ses activités sociales ou ses loisirs sont perturbés, quand il lui est impossible d’honorer un rendezvous professionnel car son nez coule en permanence.

 

TLM : Comment prendre en charge la rhinite légère ?

Dr Habib Chabane : Pour les formes légères, les corticoïdes par voie nasale, faiblement dosés, avec peu de passage systémique sont indiqués en première intention.

La posologie est de deux bouffées dans chaque narine une fois par jour chez l’adulte. Ils sont efficaces sur le prurit, l’écoulement et l’obstruction nasale. En routine, les antihistaminiques anti-H1 restent souvent prescrits en première intention. Ils peuvent être pris par voie orale, ce qui peut être suffisant pour traiter à la fois la rhinite et la conjonctivite. Ces traitements se prennent une fois par jour, en général, à n’importe quel moment de la journée. Les antihistaminiques de seconde génération n’entraînent pas de somnolence. Il existe aussi des antihistaminiques par voie locale, en spray nasal.

Ils sont très efficaces contre les éternuements, la rhinorhée et le prurit nasal, avec deux prises par jour ; est également disponible un spray associant corticoïde et antihistaminique qui ont des effets synergiques. Il existe également des collyres antihistaminiques et d’autres antiallergiques locaux (cromone, acétyl-aspartyl-glutamate), en cas de conjonctivite associée. Ces traitements symptomatiques sont efficaces, bien tolérés et sont utilisés à la demande par le patient. Une application sur smartphone permet encore d’aider les patients à gérer leurs traitements. Il est possible, en cas d’obstruction sévère, d’utiliser pendant moins de cinq jours un vasoconstricteur par voie locale. Les vasoconstricteurs n’ont absolument pas d’indication à long terme, du fait de leurs effets secondaires.

 

TLM : Et pour les formes modérées à sévères, quelle prise en charge ?

Dr Habib Chabane : En plus du traitement symptomatique, l’immunothérapie allergénique est un traitement de fond destiné aux patients souffrant d’une forme modérée ou sévère. Il s’agit d’utiliser des extraits allergéniques pour parvenir à une désensibilisation. Ce sont des traitements longs (trois à cinq ans), le patient doit être motivé. Ces médicaments existent sous forme de gouttes ou de comprimés par voie sublingale. L’efficacité est évaluée à six mois et un an. En l’absence d’amélioration à 12 mois, le traitement est arrêté et le diagnostic réévalué. Les gouttes doivent être prises au début à doses progressives. Pour les comprimés, le premier sera, par prudence, pris chez le médecin. Les résultats sont bons ou très bons pour 89% des patients (enquête rétrospective 2018, 4 860 patients), avec une amélioration voire, parfois, une disparition des symptômes. Enfin, la prise en charge d’un patient souffrant d’une rhinite allergique doit toujours être associée, en l’absence de désensibilisation, à l’éviction si possible de l’allergène en cause ; ou se protéger des acariens s’ils en sont responsables ; ou encore des pollens s’ils sont à l’origine de la maladie en évitant de fréquenter durant la journée les parcs…

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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