Dr Habib Chabane : Diagnostic et traitements de la rhinite allergique
Discipline : Allergologie
Date : 08/01/2025
Avec une prévalence passée de 24 à 30 % en à peine 20 ans en Europe, souvent due aux modifications environnementales, la rhinite allergique peut avoir un fort retentissement sur la qualité de vie des patients.
Le Dr Habib Chabane, allergologue à Anglet, détaille ici les modalités du diagnostic et des traitements, qu’il s’agisse de la rhinite perannuelle ou saisonnière, des formes modérées ou sévères.
TLM : La rhinite allergique est-elle de plus en plus fréquente ?
Dr Habib Chabane : Il y a une vingtaine d’années, une étude multicentrique européenne avait montré que 24 % des Européens souffraient d’une rhinite allergique. Les enquêtes les plus récentes indiquent que ce chiffre s’approche désormais des 30 %. L’Organisation mondiale de la santé prévoit que, d’ici 2050, 50 % des Européens souffriront d’allergies respiratoires. En consultation, nous recevons de plus en plus de patients qui présentent une rhinite allergique, y compris dans les familles où il n’y a pas de personne allergique.
Cette évolution épidémiologique est liée non pas à des phénomènes génétiques, mais à des modifications de l’environnement. Le réchauffement climatique et la pollution atmosphérique modifient l’air que l’on respire, les aliments que l’on consomme. Il y a en particulier à la fois une extension de la saison des pollens et une augmentation de la densité des pollens émis par la végétation. Par ailleurs, la pollution, l’alternance de périodes de pluie et de sécheresse constituent un « stress » pour les végétaux, ce qui augmente les allergènes associés à leurs pollens. Les inondations favorisent l’humidité et le développement des acariens et des moisissures allergisantes.
TLM : Sur quels symptômes le médecin doit-il évoquer une rhinite allergique ?
Dr Habib Chabane : Le diagnostic de la rhinite allergique est avant tout clinique. Il est porté sur une série de symptômes définie par le sigle PAREO : prurit nasal, anosmie (absente), rhinorrhée (bilatérale, rarement infectée), éternuements et obstruction nasale. Il s’y associe assez souvent une conjonctivite, signe très évocateur de rhinite allergique. Les sociétés savantes ont d’abord parlé de rhinite saisonnière a priori liée aux pollens et de rhinite perannuelle pour évoquer les allergies aux acariens, aux poils de chat ou de chien. Les experts de l’ARIA* ont ensuite défini les rhinites intermittentes (moins de quatre jours par semaine ou moins de quatre semaines par an) et les rhinites persistantes (plus de quatre jours par semaine et plus de quatre semaines par an). En 2008, ces définitions ont été simplifiées par les sociétés savantes françaises avec la HAS (Haute Autorité de santé) : une rhinite intermittente, c’est moins de quatre semaines par an ; une rhinite persistante, c’est plus de quatre semaines par an. La rhinite est dite légère s’il n’y a pas de retentissement sur la qualité de la vie. Elle est modérée à sévère lorsqu’elle a un retentissement sur la qualité de vie, avec une perturbation du sommeil et une altération des activités scolaires, professionnelles ou sociales,
TLM : Quels examens pour confirmer le diagnostic ?
Dr Habib Chabane : L’interrogatoire est la base du diagnostic. Près de 9 fois sur 10, il permet de poser le diagnostic de rhinite allergique et d’envisager la cause de la rhinite grâce à la description du rythme des symptômes et leur sévérité.
Sont-ils exacerbés dans les parcs ? au contact d’un animal domestique ? A la maison ou sur le lieu de travail ? L’interrogatoire précise la sévérité : avez-vous du mal à respirer ou dormir la nuit à cause du nez bouché?
Cette rhinite vous empêche-t-elle d’aller au travail ou à l’école ? De participer à des activité de loisir ? A l’issue de l’interrogatoire, la rhinite peut être qualifiée de légère, modérée ou sévère, intermittente ou persistante. Il faut ensuite examiner les fosses nasales, à la recherche d’éventuels polypes qui donnent aussi la sensation de nez bouché, mais associée à une anosmie, contrairement à la rhinite allergique. Il faut rechercher des signes de conjonctivite et des signes d’asthme, toux, sifflements et difficultés respiratoires. Les personnes souffrant de rhinite allergique ont, selon les études, un risque multiplié par un facteur 3 à 5 de développer de l’asthme. Entre 50 et 80 % des asthmatiques ont une rhinite associée. Le pédiatre, le généraliste, l’ORL peuvent demander un test biologique d’orientation diagnostique, assortie d’une prise de sang, pour savoir si le patient présente une sensibilisation allergique, en recherchant les IgE spécifiques à l’aide d’un mélange d’allergènes respiratoires. Les prick tests, effectués par l’allergologue, sur la peau, identifient le ou les allergènes en cause. Ils permettent, grâce à une batterie d’allergènes adaptée à la région, de tester différents extraits d’allergènes. Deux tiers, voire trois quarts des patients sont sensibilisés à plus d’un allergène.
TLM : Quels traitements mettre en œuvre ?
Dr Habib Chabane : La prise en charge comprend les mesures d’éviction de l’allergène quand cela est possible, comme l’éviction des acariens à la maison. Le lavage du nez au sérum physiologique ou à l’eau de mer, deux fois par jour, est recommandé pour éliminer le maximum d’allergènes et pour son effet anti-inflammatoire local. Les recommandations de 2020 des sociétés savantes affirment que la rhinite allergique saisonnière, quand elle est légère, peut être traitée avec des antihistaminiques par voie orale, en particulier lorsqu’une conjonctivite allergique est associée et cela peut suffire. Lorsqu’il s’agit d’une rhinite allergique perannuelle ou saisonnière, modérée ou sévère, il vaut mieux prescrire un corticoïde par voie nasale. Si cela n’est pas suffisant, il est possible d’y associer un antihistaminique par voie nasale et si le contrôle est insuffisant, on peut y adjoindre un antihistaminique par voie orale.
TLM : Quand faut-il proposer une immunothérapie allergénique ?
Dr Habib Chabane : Lorsque les traitements symptomatiques sont insuffisants ou mal tolérés, une immunothérapie allergénique, appelée autrefois « désensibilisation » est indiquée dès l’âge de cinq ans. Ce traitement repose sur des extraits d’allergènes purifiés pris par voie sublinguale. Une trentaine d’extraits d’allergènes (en solution) ou en comprimés (acariens, pollen de graminées et pollen de bouleau) sont disponibles. Le traitement est arrêté après au moins trois ans lorsque le patient n’a plus de symptôme et dans tous les cas au bout de cinq ans. Les résultats des études montrent un niveau de satisfaction élevé, avec 85 % des patients satisfaits ou très satisfaits de leur immunothérapie allergénique.
Propos recueillis
par le Dr Clara Berguig ■