• Dr H. Maynadié : Patients hémophiles : Des thérapies qui améliorent la qualité de vie

Hortense Maynadié

Discipline : Hématologie, Immunologie

Date : 10/01/2024


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« Les nouveaux traitements offrent une protection plus stable dans le temps aux patients hémophiles. Les patients sont moins anxieux. Leur qualité de vie en est améliorée », se félicite le Dr Hortense Maynadié, du Centre de référence de l’Hémophilie, Université Paris Saclay - Hôpital Bicêtre.

 

TLM : Quelle est l’incidence de l’hémophilie en France ?

Dr Hortense Maynadié : Cette maladie génétique liée au chromosome X touche environ 1 sur 6 000 naissances masculines. Elle apparaît soit chez des enfants naissant dans des familles où il existe déjà des cas d’hémophilie, soit de novo.

 

TLM : Comment définiriez-vous les objectifs thérapeutiques ?

Dr Hortense Maynadié : L’hémophilie sévère nécessite la mise en place d’un traitement préventif au long cours afin d’éviter les saignements spontanés, notamment ceux au niveau articulaire qui sont très à risque de complications à long terme. Pour les formes mineures de la maladie, il existe très peu de saignements spontanés. Il s’agit alors de traiter en cas de saignements post-traumatiques ou lors de gestes invasifs, de chirurgies…

 

TLM : Quel est le suivi des patients hémophiles ?

Dr Hortense Maynadié : Les patients hémophiles sont suivis dans un centre spécialisé dans les maladies hémorragiques, situé à l’hôpital. Il en existe au moins un par région.

Chaque centre se compose d’une équipe pluridisciplinaire avec des médecins spécialistes de l’hémophilie, une ou plusieurs infirmières, et pouvant rassembler des kinésithérapeutes, des psychologues, des psychomotriciens, des biologistes, des pharmaciens, des APA (assistants d’activité physique adaptée), etc. Plus la maladie est sévère, plus le suivi est rapproché. Les enfants hémophiles sévères viennent tous les trois à six mois, puis à l’âge adulte, une fois par an au minimum. Pour les hémophiles mineurs le suivi est plus espacé, tous les deux à trois ans. Cela permet de s’assurer de l’absence de complications, de réévaluer les traitements, de prendre en compte les comorbidités, les risques liés aux activités sportives et professionnelles… Les gestes invasifs, même les extractions dentaires, seront effectués dans un milieu spécialisé où les traitements pro-coagulants sont disponibles.

 

TLM : Qu’en est-il de l’accompagnement de ces patients ?

Dr Hortense Maynadié : Les patients sont accompagnés par l’équipe pluridisciplinaire de leur centre et par les associations de patients. Grâce à l’éducation thérapeutique, ils acquièrent des compétences pour être acteurs de leur maladie, être plus autonomes et avoir ainsi moins d’anxiété. Elle s’effectue de façon individuelle pendant les consultations ou lors d’ateliers spécifiques avec d’autres patients. Les hémophiles sont également accompagnés dans leur vie chaque fois qu’une adaptation est à prévoir du fait de la maladie (travail, famille, voyages, handicap…). La prise en charge de la douleur est aussi un point important. Les principales complications de l’hémophilie sont les saignements articulaires détruisant à terme le cartilage, voire l’os sous-jacent. C’est l’arthropathie hémophilique. Ces destructions irréversibles entraînent des douleurs et des limitations de mobilité, principalement des chevilles, des genoux et des coudes. La prise en charge consiste à limiter au mieux les douleurs articulaires nécessitant parfois une prise en charge chirurgicale. Les kinésithérapeutes ont un rôle très important pour prévenir, dépister une anomalie articulaire, aider au traitement et à la rééducation. Pour éviter cette complication, les recommandations préconisent de débuter un traitement préventif rapidement, dès le plus jeune âge.

 

TLM : Et les traitements préconisés ?

Dr Hortense Maynadié : Les traitements substitutifs traditionnels apportent le facteur de coagulation manquant. Intraveineux, ils sont de surcroît administrés parfois plusieurs fois par semaine, tous les 15 jours, pour les meilleurs d’entre eux. Depuis cinq ans, un nouveau médicament est disponible : l’emicizumab, un anticorps monoclonal développé pour l’hémophilie A. Il a constitué une révolution car c’était le premier médicament sous-cutané. Efficace pour empêcher les saignements spontanés, il a une demi-vie bien plus longue que les traitements substitutifs classiques.

En fonction de la posologie choisie, une injection tous les 7, 14 voire 30 jours suffit. Il a aussi amélioré la qualité de vie des très jeunes enfants chez lesquels une injection intraveineuse était techniquement difficile et éprouvante, pour eux et pour les parents. Aujourd’hui se développent de nouvelles thérapies, pour la plupart sous-cutanées, avec des injections de plus en plus espacées (jusqu’à tous les deux mois) ou de moins en moins invasives.

Certaines sont déjà disponibles en accès précoce. Les nouveaux traitements offrent une protection plus stable dans le temps. Les patients sont moins anxieux. Leur qualité de vie en est améliorée.

La thérapie génique constitue une autre grande avancée. Le principe est d’introduire le gène du facteur VIII pour l’hémophilie A et du facteur IX pour l’hémophilie B dans un vecteur viral (AAV). Ce dernier cible les cellules du foie qui vont ainsi exprimer le transgène. Les patients produisent ensuite eux-mêmes le facteur manquant, à un niveau plus ou moins élevé. Les résultats sont très encourageants, même si la thérapie génique n’est pas dénuée de complications. Les patients qui l’ont reçue dans les essais cliniques ont arrêté tout traitement régulier. Certains depuis cinq ans !

 

TLM : L’exercice physique est-il déterminant dans cette prise en charge ?

Dr Hortense Maynadié : Oui, de plus en plus. Il est encouragé, en évitant les activités traumatiques. Avec l’amélioration des médicaments, les patients sont mieux protégés et de moins en moins gênés dans leur mobilité. Ils peuvent pratiquer la plupart des sports, notamment à l’école. Pour les patients adultes ayant des arthropathies importantes, il est capital de maintenir une activité physique individualisée. Elle doit être adaptée aux limitations articulaires et aux douleurs. La kinésithérapie et l’activité physique adaptée permettent de protéger les articulations, d’éviter les traumatismes et sont bénéfiques même du point de vue de la douleur.

 

TLM : Quelle est la place du médecin généraliste ?

Dr Hortense Maynadié : Elle reste malheureusement assez limitée car nous sommes souvent le premier interlocuteur des patients. Or le médecin généraliste a une place essentielle dans la prise en charge de toutes les autres pathologies des patients hémophiles dont l’espérance de vie est aujourd’hui la même que celle de la population générale. D’autre part, il est important que les médecins généralistes connaissent les nouveaux traitements. Ils peuvent contacter les centres spécialisés s’ils ont un doute sur une prise en charge d’un patient hémophile.

Propos recueillis

par Alexandra Cudsi

Pour en savoir plus et trouver les coordonnées d’un centre spécialisé : https://mhemo.fr - www.hemophilie-crh.fr

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