Dr Greta Gourier : Allergies à la chlorhexidine : Les alternatives antiseptiques
Discipline : Infectiologie
Date : 08/01/2025
Pour réduire la fréquence des allergies aux antiseptiques, et notamment en cas de suspicion d’allergie à la chlorhexidine, l’ANSM recommande des alternatives comme la povidone iodée, l’hypochlorite de sodium ou l’alcool modifié. Le Dr Greta Gourier, dermatologue au CHRU de Brest, livre ses préconisations en la matière.
TLM : Les allergies aux antiseptiques sont-elles fréquentes ?
Dr Greta Gourier : La fréquence réelle de ces allergies est très difficile à évaluer. Ces produits étant en vente libre, ils sont très largement utilisés, mais peu surveillés.
Ces allergies aux antiseptiques concernent essentiellement la chlorhexidine.
Elles sont très rares avec la povidone iodée et l’hypochlorite de sodium.
L’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) a lancé une alerte en novembre 2023 en raison de l’augmentation constante du nombre de cas déclarés d’allergie grave à la chlorhexidine au cours des 10 dernières années. Ces cas augmentent chaque année, alors que ceux à la povidone restent stables. Il faut préciser que la chlorhexidine, outre dans les antiseptiques à usage cutané, est présente dans de très nombreux produits d’hygiène, bains de bouche, sprays buccaux, comprimés à sucer contre les maux de gorge, dentifrices, cosmétiques…
Pour savoir si les produits utilisés en contiennent, il suffit de consulter la composition sur les emballages ou les notices.
Les familles utilisent par ailleurs très largement la chlorhexidine dans le soin des petites plaies, coupures, éraflures, alors que désormais les sociétés savantes recommandent dans ces situations de laver ces « bobos » simplement à l’eau et au savon. Ces utilisations quotidiennes et inutiles favorisent la sensibilisation des enfants et l’augmentation des allergies. Pour éviter les allergies à la chlorhexidine, l’ANSM recommande de ne pas l’utiliser comme premier antiseptique à domicile.
TLM : Donc comment prendre en charge une plaie ?
Dr Greta Gourier : Comme pour les égratignures et les coupures, il y a un consensus pour nettoyer à domicile les plaies à l’eau et au savon. Pour ce qui est de l’antisepsie au bloc opératoire, pour les patients ayant présenté des réactions allergiques à la chlorhexidine, les alternatives possibles sont la povidone iodée et l’hypochlorite de sodium.
TLM : Est-ce que les enfants sont aussi touchés par ces allergies ?
Dr Greta Gourier : Les soins du cordon à la naissance ont été longtemps faits à la chlorhexidine. Cela peut expliquer la fréquence accrue des allergies sévères à cet antiseptique chez les enfants. Dans une étude publiée récemment dans les Archives de Pédiatrie, l’équipe de pharmacovigilance de Rennes a recensé 17 cas d’anaphylaxie grave à la chlorhexidine chez des enfants.
Le schéma est le suivant : les enfants ont été sensibilisés à la naissance ou un peu plus tard à la chlorhexidine. Lors d’une réexposition ultérieure, ils ont présenté une anaphylaxie aiguë, qui se manifeste dans l’heure suivant l’exposition à l’antiseptique. Parmi ces 17 cas, deux enfants ont été exposés à la chlorhexidine alors que, de manière documentée, les parents savaient qu’ils y étaient allergiques.
TLM : Est-ce facile d’identifier la cause de l’anaphylaxie ?
Dr Greta Gourier : Dans un contexte peropératoire, où beaucoup de produits différents sont utilisés, antibiotiques, anesthésiques, les équipes de soins, en cas d’accident allergique, oublient souvent de rechercher le rôle potentiel de la chlorhexidine, souvent considérée comme un produit anodin. Il est désormais recommandé d’ajouter la chlorhexidine dans le bilan d’une allergie peropératoire. Face à une réaction anaphylactique au bloc opératoire, il faut impérativement penser aux antiseptiques.
TLM : Quels sont les types d’allergie que l’on peut observer avec la chlorhexidine ?
Dr Greta Gourier : Il y a bien sûr l’anaphylaxie, grave, voire parfois mortelle en l’absence de prise en charge. Elle se manifeste par une urticaire qui survient dans l’heure suivant l’exposition à l’antiseptique, par un angioœdème du visage, des mains, des pieds, parfois des difficultés respiratoires et notamment un bronchospasme, des nausées, diarrhées, vomissements, une hypotension, un choc… Dans l’anaphylaxie de grade 4, il peut y avoir un arrêt cardiaque. J’ai eu en consultation le cas récent d’une jeune femme blessée lors d’un match de foot, désinfectée à la chlorhexidine et qui a présenté immédiatement un choc anaphylactique. Cependant, les manifestations d’allergie à la chlorhexidine les plus fréquentes sont des réactions retardées, sous forme d’un eczéma de contact allergique qui apparaît dans les 48 heures suivant l’exposition à l’antiseptique, se manifestant par de l’érythème, des vésicules et un prurit. Lorsque l’allergie apparaît sur une plaie désinfectée à la chlorhexidine, le patient croit que celle-ci s’est infectée, et augmente l’application d’antiseptique, ce qui ne fait qu’aggraver le problème. L’eczéma peut d’ailleurs diffuser à distance de la zone d’application initiale de l’antiseptique.
TLM : Comment faire le diagnostic ?
Dr Greta Gourier : Lorsqu’il s’agit d’une réaction anaphylactique, des prick-tests permettent d’identifier le facteur qui en est responsable : une goutte de l’allergène suspecté est mis au contact de la peau, avec création d’une petite brèche cutanée par une lancette spécifique. Si le patient est allergique, une papule urticarienne apparaît et confirme le diagnostic, dans les minutes qui suivent le test. En cas d’eczéma de contact allergique, des patch-tests appliqués sur la peau pendant 48 heures permettent de faire le diagnostic.
TLM : Quelles sont les alternatives à la chlorhexidine ?
Dr Greta Gourier : D’abord, l’ANSM recommande, pour réduire la fréquence des allergies aux antiseptiques, de ne désinfecter les petites plaies qu’à l’eau et au savon. Par ailleurs, s’il est nécessaire d’utiliser des antiseptiques, des alternatives à la chlorhexidine sont possibles, comme la povidone iodée, l’hypochlorite de sodium ou encore l’alcool modifié. Si vous savez ou suspectez qu’un patient est allergique à la chlorhexidine, l’ANSM recommande de lui proposer ces alternatives.
TLM : Comment mieux évaluer la fréquence de ces allergies ?
Dr Greta Gourier : Il est important, chaque fois qu’une allergie à la chlorhexidine est diagnostiquée, que le patient ou les professionnels de soins le prenant en charge la notifient aux centres de pharmacovigilance. Cette notification est possible par plusieurs biais : le portail de signalement des événements indésirables sanitaires du gouvernement (https://signalement.social-sante.gouv.fr/), par mail, appel ou courrier adressés au Centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de référence du territoire concerné.
Propos recueillis
par le Dr Clémence Weill ■
La liste des CRPV est disponible sur le site de l’ANSM (https://ansm.sante.fr/page/liste-des-centres-regionaux-de-pharmacovigilance) ou en scannant le QR-code figurant ci-contre.