• Dr Gilles Besnainou : La bonne conduite face aux bouchons de cérumen

Gilles Besnainou

Discipline : ORL, Stomatologie

Date : 06/07/2023


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Fréquents et généralement sans gravité, les bouchons de cérumen n’en sont pas moins gênants, notamment lorsqu’ils provoquent une baisse de l’audition.

Il existe divers moyens pour les prévenir et les traiter, comme l’indique le Dr Gilles Besnainou, ORL à Paris.

 

TLM : Qu’est-ce que le cérumen ?

Dr Gilles Besnainou : La peau du conduit auditif, situé dans l’oreille externe, renferme des glandes graisseuses appelées « cérumineuses ». Le cérumen est un mélange de petits débris de peaux mortes et de sécrétions de graisses, issues de ces glandes. C’est une matière grasse jaunâtre d’aspect cireux. Le cérumen est d’ailleurs appelé couramment « cire d’oreilles ». C’est ce qu’on retire lorsqu’on se nettoie les oreilles.

 

TLM : A quoi sert le cérumen ?

Dr Gilles Besnainou : Il sert surtout à lubrifier le conduit auditif et à le protéger des agressions extérieures : poussières, eau, microbes, corps étrangers… Il sert aussi à éliminer des petites peaux mortes ou des poils. C’est une matière physiologique qui n’est ni le signe d’une infection ni celui d’un manque d’hygiène.

 

TLM : Comment se forme le bouchon ?

Dr Gilles Besnainou : Normalement, le cérumen s’évacue de l’intérieur vers l’extérieur par un mouvement physiologique. Mais il arrive, à tout âge, qu’il s’accumule dans le conduit auditif et forme un bouchon. La production de cérumen varie d’un individu à l’autre. Le risque augmente lorsque l’oreille accroît sa production de cérumen. Il existe différentes situations propices : chez des personnes qui ont la peau très sèche (eczéma, psoriasis, qui favorisent les déchets de peau) ou très grasse, lors d’un travail en milieu poussiéreux, lors de baignades fréquentes, du port de prothèses auditives, ou de bouchon d’oreilles la nuit pour dormir.

Sans oublier le nettoyage répété à l’aide d’un coton tige, qui repousse le cérumen au fond du conduit et en stimule la production… Il faut souligner aussi que certaines personnes produisent spontanément de grandes quantités de cérumen, d’autres ont un conduit auditif externe étroit ou tortueux qui gêne l’élimination naturelle du cérumen. Des cicatrices dans le conduit auditif, suite à une chirurgie pour otites chroniques, peuvent aussi augmenter le risque. Chez les personnes âgées, le cérumen est plus sec et a tendance à s’évacuer plus difficilement d’où une augmentation du risque au fil du temps.

 

TLM : Commet se manifeste un bouchon de cérumen ?

Dr Gilles Besnainou : Les bouchons de cérumen empêchent d’entendre correctement et provoquent une sensation d’oreille bouchée. La perte d’audition — qui peut être importante— peut s’accompagner d’acouphènes, voire de vertiges. Dans certains cas, une consultation en urgence chez l’ORL est nécessaire pour vite l’éliminer : lors d’une douleur intense de l’oreille, d’une surdité brutale unilatérale, d’un écoulement, de saignement ou de démangeaisons du conduit auditif… Une fois retiré, il n’entraîne généralement aucune complication.

 

TLM : Comment le savoir si on souffre d’un bouchon d’oreille ?

Dr Gilles Besnainou : A des stades non gênants, il peut être diagnostiqué par hasard au cours d’une visite chez le médecin qui examine les oreilles. Il peut être découvert de façon fortuite par le prothésiste auditif. En cas de symptômes, le seul moyen de s’assurer qu’il s’agit d’un bouchon de cérumen est l’examen réalisé à l’aide d’un otoscope : le bouchon de cérumen ne se voit pas à l’œil nu.

 

TLM : Comment traiter un bouchon de cérumen ?

Dr Gilles Besnainou : Il faut l’enlever, même chez les enfants. Un bouchon de cérumen peut entraîner, s’il n’est pas retiré, une infection ou une inflammation et provoquer, à terme, une otite externe ou un abcès.

L’ORL réalise ce geste essentiellement sous microscope grâce à une micro-aspiration du bouchon. Quand ce dernier est installé depuis longtemps, le geste peut devenir plus complexe. Le médecin généraliste n’est pas équipé de la même façon mais il peut procéder à des lavages d’oreilles pour ramollir le bouchon et aider à l’enlever. Ces lavages doivent être réalisés à la température du corps : une température trop froide ou trop chaude peut provoquer des vertiges. Le médecin généraliste peut conseiller des produits spécifiques en vente libre, dits céruménolytiques, à base de xylène, à distiller dans l’oreille quelques jours avant la consultation : ils vont faciliter l’extraction du bouchon. Il ne faut surtout pas le retirer soi-même et faire preuve d’idées saugrenues comme utiliser une pince à épiler, une épingle à cheveux, un coton-tige etc… Le danger, c’est la perforation du tympan !

 

TLM : La prévention est-elle importante chez les personnes à risque ?

Dr Gilles Besnainou : Oui, un individu qui a déjà eu un bouchon de cérumen est à risque de voir cette situation se renouveler. Dès qu’on commence à sentir l’oreille bouchée, on peut utiliser les gouttes auriculaires céruménolytiques qui permettent de ramollir, voire de dissoudre le bouchon s’il est peu important. Un nettoyage à réaliser plusieurs fois par jour pendant une semaine. On peut aussi utiliser le sérum physiologique ou un spray d’eau de mer additionné à du bicarbonate, vendu en pharmacie. Il faut aussi essayer d’éliminer les facteurs de risque : exposition à la poussière, baignades, port quotidien de bouchons d’oreille…

 

TLM : Quel est le rôle du médecin généraliste dans prise en charge du bouchon d’oreille ?

Dr Gilles Besnainou : Son rôle majeur, c’est la prévention : apprendre les conseils d’hygiène, notamment alerter sur le nettoyage régulier du conduit auditif par des cotons-tiges. Il vaut mieux laver ses oreilles sous la douche ou avec un gant de toilettes en y mettant son doigt. Ce sont les généralistes qui regardent les oreilles, ils connaissent les facteurs de risque de leurs patients et c’est eux qui, le plus souvent, font le diagnostic de bouchon : ils peuvent se tourner vers un ORL ou le retirer avec des lavages d’oreilles : tout le monde n’a pas accès à un spécialiste facilement !

Propos recueillis

par Brigitte Fanny Cohen

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