• Dr Gabriel Niango : Bouchons de cérumen et hygiène de l’oreille

Gabriel Niango

Discipline : ORL, Stomatologie

Date : 23/10/2023


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« Deux pièges sont à éviter lors de la prise en charge d’un bouchon de cérumen : risquer de ne pas traiter une véritable perte auditive et de ne pas diagnostiquer un bouchon mycotique », analyse le Dr Gabriel Niango, ORL et chirurgien cervico-facial à Paris.

 

TLM : Quelles sont la composition et la fonction du cérumen ?

Dr Gabriel Niango : Le cérumen est une substance sécrétée par les glandes cérumineuses du tiers externe du conduit auditif de l’oreille. Il sert à protéger la peau. Cette matière consistante d’aspect cireux est un peu visqueuse car elle est censée s’évacuer toute seule vers l’extérieur en glissant le long de la peau de l’oreille. Le cérumen est une barrière de protection naturelle aux propriétés antimicrobiennes et antifongiques. En effet, il contient des défenses immunitaires. Sa consistance visqueuse capte les corps étrangers, virus, bactéries, poussières… pour protéger l’oreille de ces agents agressifs. Il comporte également des squames et du sébum.

 

TLM : La production de cérumen varie-t-elle d’un individu à l’autre ?

Dr Gabriel Niango : Oui. Plusieurs facteurs peuvent la faire varier. En premier lieu, l’âge. Les enfants ont tendance à davantage sécréter du cérumen que les personnes âgées en raison de la qualité de la peau. Ensuite, d’autres variations existent entre individus. Certaines personnes sécrètent une matière plus épaisse, d’autres de façon plus fréquente.

 

TLM : Comment se forme un bouchon de cérumen ?

Dr Gabriel Niango : Il existe plusieurs facteurs déclenchants. Le plus connu et répandu vient des manœuvres intempestives du coton-tige dans l’oreille. Le cérumen, sécrété initialement au même niveau que le tympan, part habituellement vers l’extérieur de l’oreille. Les personnes utilisant les cotons-tiges repoussent le cérumen au fond de celle-ci, ce qui contribue à casser le cycle naturel. Le cérumen s’accumule et forme ainsi un bouchon. Le deuxième facteur assez fréquent consiste à mettre un corps étranger dans l’oreille. Par exemple les casques intra-auriculaires ou les appareils auditifs favorisent ce mécanisme. Le troisième facteur vient des infections.

Elles provoquent un dysfonctionnement du cycle d’élimination du cérumen qui va s’accumuler. Un autre problème assez fréquent est l’eczéma de l’oreille qui s’infecte et favorise également l’accumulation de cérumen.

 

TLM : Quels sont les symptômes évoquant la présence d’un bouchon de cérumen ?

Dr Gabriel Niango : Le premier est la baisse de l’audition, qu’elle soit brutale ou progressive. Les patients viennent consulter car ils entendent moins bien. Le deuxième type de symptômes sont les douleurs provoquées lorsque la peau est irritée ou sur-infectée par la présence d’un bouchon. Le troisième, plus rare, ce sont les très gros bouchons engendrant des sensations d’instabilité. Ces patients viennent en consultation en indiquant qu’ils « [n’entendent] pas bien » et expriment des « sensations de vertiges ». Les patients appareillés doivent également programmer une consultation régulière (une fois par an) pour vérifier qu’ils n’ont pas de bouchon de cérumen.

 

TLM : Est-ce un motif de consultation courant ?

Dr Gabriel Niango : Oui, il est très fréquent en consultation ORL ou en médecine générale.

Les médecins généralistes n’étant généralement pas équipés nous adressent ces patients systématiquement.

 

TLM : Comment se déroule la prise en charge ?

Dr Gabriel Niango : Pour retirer un bouchon, il existe trois principales techniques qui vont dépendre de la taille du bouchon, de sa consistance (dure ou molle) et des souhaits du patient. La première est l’aspiration lorsque les bouchons sont un peu mous. La deuxième est le retrait de bouchons plus consistants, par des manipulations sous microscope à l’aide de micro-crochets ou de micro-pinces. La troisième consiste en des rinçages à l’eau tiède sur des bouchons bien liquéfiés (après utilisation de solutions céruménolytiques auriculaires disponibles en pharmacie).

 

TLM : Le diagnostic est-il facile à poser d’emblée ou nécessite-t-il l’usage du microscope ou de l’otoscope ?

Dr Gabriel Niango : En tant que spécialiste, nous allons toujours poser notre diagnostic en examinant l’oreille au microscope. Deux pièges doivent être évités. Le premier est lorsque les patients viennent pour une baisse d’audition et qu’il existe un bouchon. Le risque est ne pas prendre en charge une véritable perte auditive (et les autres causes associées). Le patient doit ainsi être toujours prévenu que si son audition ne revient pas après l’extraction du bouchon, il doit de nouveau consulter. Le second piège concerne les bouchons mycotiques causés par des champignons. Ils ont un aspect particulier, suintent et sont odorants. S’ils ne sont pas diagnostiqués et traités, ils se reforment assez rapidement après quelques semaines. La prise en charge est l’évacuation du bouchon par aspiration et un traitement anti-mycose par gouttes à appliquer au niveau de l’oreille. Des aspirations doivent ensuite être répétées au bout de quelques jours après la fin du traitement.

 

TLM : Existe-t-il des mesures de prévention ?

Dr Gabriel Niango : L’oreille se nettoie normalement toute seule. Il n’est pas nécessaire de prévenir la formation de bouchon. Une personne sur dix n’utilise pas correctement le coton-tige. Il doit uniquement servir à essuyer le contour de l’oreille et ne doit pas être introduit dedans. Un bouchon apparaît en cas de problème ou chez certaines personnes prédisposées. Chez celles-ci ou celles qui ont de l’eczéma, ou des appareils auditifs, il est intéressant d’avoir une hygiène de l’oreille en utilisant une fois par semaine un spray d’une solution disponible en pharmacie et de se faire contrôler au moins une fois l’an chez son médecin (ORL ou généraliste). Attention aux baignades qui augmentent le risque d’otite externe car l’eau reste piégée derrière le bouchon. Certains patients viennent également nous consulter avant de prendre l’avion car ils craignent d’avoir des douleurs en cas de bouchons. Il est possible qu’un bouchon exerce une pression sur le tympan en phase de descente.

 

TLM : La présence répétée de bouchons risque-t-elle d’entraîner une réelle baisse de l’audition ?

Dr Gabriel Niango : Non, pas du tout, car seule l’oreille externe est atteinte. Ce mécanisme empêche la transmission du son vers l’oreille moyenne et l’oreille interne mais cette baisse de l’audition est réversible.

Propos recueillis

par Alexandra Van der Borgh

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