• Dr FRANCOIS : Recommandations pour un allaitement réussi

Caroline FRANCOIS

Discipline : Pédiatrie

Date : 10/01/2022


  • 186_photoParole_126PE_Francois.jpg

IHAB-France (Initiative Hôpital Ami des Bébés), programme international lancé en 1991 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Unicef, instaure une dynamique favorable à l’allaitement sans jamais exercer de pression sur la mère, explique le Dr Caroline François, coordinatrice médicale de IHAB-France.

 

TLM : Pourquoi faire confiance aux maternités labellisées IHAB France dans l’accompagnement des parents à la naissance ?

Dr Caroline François : Les maternités labellisées IHAB organisent leur travail et leurs pratiques en conformité avec un programme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dont l’argumentaire scientifique a été actualisé en 2018, tout comme les critères de labellisation. Il se construit sur trois principes : les besoins individuels de la mère et du nouveau-né, un environnement et un accompagnement attentif et rassurant pour les familles, un esprit d’équipe et un travail en réseau qui assurent la continuité des soins. À ce titre, IHAB a contribué au site « 1000 premiers jours » (Santé publique France) et notamment aux vidéos de la campagne sur les pleurs de l’enfant et l’allaitement.

 

TLM : Pourquoi préférer l’allaitement et jusqu’à quand ?

Dr Caroline François : Les bénéfices sont présents dès son instauration, tant pour la mère que pour l’enfant, avec un effet/dose : plus on allaite longtemps, plus ils sont importants. Si l’OMS recommande un allaitement exclusif de six mois et sa poursuite jusqu’à deux ans et plus avec une diversification adaptée, le bon allaitement reste celui que la maman mène pour cette grossesse précise. Il faut éviter de présenter ces recommandations comme une injonction mais accompagner le choix de la mère, que ce soit l’allaitement ou le biberon. Le lait maternel permet une croissance optimale, sa composition changeant avec les besoins du bébé. Il protège contre les maladies infectieuses (gastro-intestinales, ORL, pulmonaires) et chroniques (surpoids, obésité, diabète) à court et long terme. Il protège contre la mort inattendue (l’ex-mort subite) du nourrisson et favorise le développement cognitif. L’allaitement rassure l’enfant et favorise un attachement de qualité avec sa mère, fondant son indispensable sécurité affective. Chez la mère, l’allaitement contribue à réduire les cancers du sein et de l’ovaire, le risque cardiovasculaire, l’endométriose, l’ostéoporose, ainsi que la dépression du post-partum si l’allaitement est bien accompagné. La maman trouve aussi son compte dans une relation de qualité avec son bébé.

 

TLM : Qu’est ce qui peut provoquer son interruption ?

Dr Caroline François : D’abord le choix de la mère. Les mamans, surtout primipares, manquent de confiance en elles. Les difficultés, surtout le premier mois, peuvent les décourager mais ne sont pas systématiques. Un bon accompagnement permet de les surmonter. Le message important est : « ne pas idéaliser l’allaitement, ne minimiser ni les bénéfices ni les problèmes éventuels ». Le programme « 1000 premiers jours » (Santé publique France) a été lancé en octobre dernier en ce sens. Des professionnels formés en allaitement, ce qu’offre une maternité labellisée IHAB dont c’est un critère de base, et l’encadrement de la commercialisation des substituts du lait maternel selon le Code OMS contribuent à créer un environnement favorable à l’allaitement. Le manque de formation sur l’allaitement en France est manifeste ; or il est difficile de prendre en charge les pathologies et obstacles quand on ignore la physiologie de l’allaitement...

 

TLM : Existe-t-il des contre-indications à l’allaitement ?

Dr Caroline François : Elles sont rares. Pour le bébé : la galactosémie. Pour la maman, une infection à VIH (dans les pays industrialisés), une maladie cardiovasculaire ou respiratoire sévère, une hémopathie ou un cancer en cours de traitement. L’interruption de l’allaitement pour un traitement médicamenteux incompatible est rare car des alternatives sont très souvent possibles (cf. banque de données dédiée du CRAT). Reste les mauvais motifs et préjugés au quotidien : reprise du travail trop souvent vécue comme nécessitant l’arrêt de l’allaitement alors que des aménagements sont possibles. Les mères doivent en être informées pour un choix éclairé. Une autre idée reçue prégnante concerne le tabagisme : bien que non encouragé, il n’est pas incompatible avec l’allaitement.

 

TLM : Quelle prise en charge des pathologies fréquentes du sein lactant ?

Dr Caroline François : Les douleurs ressenties à la tétée peuvent être dues à une mauvaise position du bébé au sein, à des crevasses ou un engorgement. Le plus efficace est d’agir en amont grâce à des professionnels formés en allaitement assurant un suivi rapproché. Un engorgement ou une mastite sont les moins bons moments pour arrêter d’allaiter car cela ne fait qu’aggraver les choses. Dans tous les cas, l’observation de la tétée est primordiale pour résoudre les difficultés : veiller à une bonne installation de la maman et du bébé (confortable et indolore), observer le comportement de bébé au sein et l’interaction maman/bébé. Il faut optimiser la production de lait de la maman et le transfert de lait au bébé : tétée sans durée ni horaire fixes, avec libre accès au sein (« loi de l’offre et de la demande »).

 

TLM : Que faire face à une infection du sein ?

Dr Caroline François : D’abord en comprendre la cause ! Des tétées limitées en nombre ou en durée peuvent provoquer un engorgement pouvant évoluer en mastite (par exemple lors de la reprise du travail maternel ou suite à un long voyage automobile). Il faut drainer le sein au maximum : par le bébé (très efficace), par l’expression manuelle (massage) ou un tire-lait. Les choses s’aggravant très vite et se résorbant aussi très vite, il faut consulter rapidement un professionnel compétent en allaitement qui suivra la mère au quotidien. Des signes inflammatoires francs (douleur, forte fièvre,...) peuvent justifier une antibiothérapie adaptée (cf. le CRAT). Mais il faut poursuivre l’allaitement en dépit d’une mastite traitée pour ne pas majorer l’engorgement. La seule contre-indication est l’abcès : on suspend les tétées du côté atteint en attendant la cicatrisation. Les candidoses sont surdiagnostiquées et surtraitées. Elles peuvent faire suite à des plaies/crevasses. La localisation de la crevasse peut fournir l’explication : malposition du bébé, sein tété superficiellement... Traiter la cause d’abord ; puis appliquer généreusement du lait maternel (antiseptique et anti-infectieux) sur la crevasse, l’aréole et le mamelon avant et après la tétée, ou appliquer une compresse en permanence imbibée de lait jusqu’à cicatrisation.

Propos recueillis

par le Dr Sophie Duméry

Site : www.i-hab.fr

  • Scoop.it