• Dr Franck Thollot : Savoir détecter une infection invasive à méningocoque

Franck Thollot

Discipline : Infectiologie

Date : 06/07/2023


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A tous les stades —de l’évocation du diagnostic sur des signes d’alerte, parfois trompeurs, à la constatation de situations graves, syndromes méningés, septicémies, ou de signes spécifiques comme un purpura fulminans—, le transfert en urgence par le SAMU pour la prise en charge d’une infection invasive à méningocoque est une urgence absolue, prévient le Dr Franck Thollot, pédiatre à Essey-lès-Nancy, expert national INFOVAC, membre de l’AFPA (Association française de pédiatrie ambulatoire).

 

TLM : Combien de cas d’infections invasives à méningocoque recense-t-on chaque année en France ?

Dr Franck Thollot : Après une accalmie liée à la pandémie de Covid et aux mesures prises pour l’enrayer, on compte environ 500 cas par an d’infections invasives à méningocoque. Fin 2022/début 2023, a été observée une augmentation très rapide des cas dus aux méningocoques B avec plus de 300 cas recensés, notamment des foyers de cas groupés dans la région Rhône-Alpes puis dans la région de Strasbourg. Aujourd’hui la part du méningocoque B représente 60% de ces infections. Si le sérogroupe C ne concerne plus que 3 % des infections du fait de la vaccination obligatoire depuis 2018 chez les nourrissons, les sérogroupes W et Y eux voient également leur incidence augmenter dans toutes les tranches d’âge avec respectivement 19% et 21% des cas.

 

TLM : Quelles sont les tranches d’âge concernées ?

Dr Franck Thollot : Le pic d’incidence de ces infections est retrouvé chez les nourrissons de moins d’un an, avec peut-être un déplacement de l’âge vers les plus jeunes de moins de trois mois dans des données récentes qui devront être confirmées. L’incidence diminue progressivement jusque quatre ans. Un deuxième pic survient entre 15 et 25 ans chez les adolescents et adultes jeunes en rapport avec un mode de vie favorisant la promiscuité. La transmission d’une personne à l’autre se fait à partir d’un porteur sain de méningocoques des voies nasales par aérosolisation des gouttelettes respiratoires ou par la salive. Environ 10% des adolescents sont porteurs sains d’un méningocoque de manière transitoire, sans être symptomatiques, mais ils peuvent le transmettre. Après 60 ans, le taux d’infections à méningocoque augmente modérément avec une répartition plus égalitaire des sérogroupes B, C, Y, W, chacun représentant un quart des cas.

 

TLM : Quels sont les signes qui doivent alerter et faire évoquer une infection invasive à méningocoque ?

Dr Franck Thollot : Les premiers signes d’alerte sont compliqués à identifier, car non spécifiques.

• Au début, l’infection se manifeste par un syndrome grippal, fièvre, fatigue, courbatures, pendant les six à huit premières heures. Il n’y a pas à ce stade beaucoup de symptômes évocateurs.

• Apparaissent ensuite des signes plus inquiétants, hémodynamiques et neurologiques avec une altération rapide de l’état général. Chez le nourrisson et le petit enfant surviennent hypotonie, pâleur, ralentissement, vomissements… Chez l’adolescent et le jeune adulte des douleurs abdominales, musculaires ; des difficultés à marcher peuvent compléter le tableau. Avec, et c’est toute la difficulté, un début très banal et une aggravation ensuite très rapide.

• Les infections invasives à méningocoque peuvent se traduire soit par des symptômes de méningite, fièvre, maux de tête violents accentués par le bruit et la lumière, nausées, vomissements, douleurs articulaires, raideur de la nuque, somnolence, confusion… Elles peuvent se manifester aussi par une septicémie, avec fièvre, troubles hémodynamiques, état de choc...

Le purpura fulminans apparaît dans 30% des cas, souvent lors de l’aggravation des symptômes, après les premiers signes. Il s’agit de tâches rouges sur la peau, qui ne s’effacent pas à la pression.

Dès la suspicion d’une infection invasive à méningocoque, le transfert à l’hôpital par le SAMU doit être immédiat. Il s’agit d’une urgence absolue.

 

TLM : Quel est le pronostic de ces infections ?

Dr Franck Thollot : Concernant le méningocoque B, le risque de décès est de 10%. De surcroît, près de 20% des patients qui survivent présentent des séquelles plus ou moins sévères : séquelles neurologiques (épilepsie, surdité, troubles de l’apprentissage…) ou séquelles orthopédiques, en particulier des amputations consécutives à une nécrose des extrémités.

 

TLM : Qui faut-il vacciner contre ces infections à méningocoque B ?

Dr Franck Thollot : Le vaccin contre le méningocoque B, Bexsero, est non obligatoire, mais recommandé en France depuis 2021 et pris en charge par l’Assurance maladie. L’enfant doit bénéficier tôt du vaccin, pour que celui-ci ait le plus d’impact contre ces infections. Ainsi les Britanniques ont, dès 2017, commencé à vacciner les enfants très tôt, à l’âge de deux mois. Très vite ils ont observé l’efficacité du vaccin, avec une réduction du nombre d’infections invasives à méningocoque B de l’ordre de plus de 80% dans les groupes vaccinés par rapport aux autres. En France, actuellement, le vaccin est recommandé avec une primo-vaccination à trois et cinq mois et un rappel à 12 mois. Un rattrapage est prévu et pris en charge jusqu’aux deux ans de l’enfant. La protection dure a priori quatre à cinq ans. Le schéma vaccinal couvre donc toute la période du pic épidémique de l’enfance. Ce vaccin est également recommandé pour les populations à risque : sujets ayant été en contact avec des malades, personnes immunodéprimées, patients ayant eu une splénectomie.

 

TLM : Le vaccin est-il bien toléré ?

Dr Franck Thollot : Le vaccin contre le méningocoque B peut entraîner de la fièvre et des réactions locales. Il est recommandé de prescrire, systématiquement après le vaccin, du paracétamol toutes les six heures pendant 24 heures, à moduler en fonction de l’association ou non avec d’autres vaccins, comme par exemple au Royaume-Uni où le vaccin est associé à un Prévenar 13 et un Hexavalent.

 

TLM : Est-il bien accepté par les parents ?

Dr Franck Thollot : D’une manière générale, le vaccin est très bien accepté par les familles, lorsque l’information a été bien donnée sur les infections invasives à méningocoque, rares mais redoutables, avec un risque important de mortalité et de séquelles. La perception de la gravité des maladies à méningocoque par les familles nécessite encore des efforts de communication, près de la moitié sous-estiment leur létalité et le risque de séquelles. Trop peu connaissent les possibilités de prévention grâce à la vaccination. La responsabilité des autorités de santé dans ce domaine pour l’information des patients et la formation des médecins est une pierre angulaire pour atteindre l’objectif de l’OMS de vaincre les méningites à l’horizon 2030.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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