• Dr FOLOPE : Sensibiliser les généralistes à la prise en charge des personnes obèses

Vanessa FOLOPE

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 11/04/2022


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La grossophobie ne s’arrête pas aux portes de l’hôpital et/ou des cabinets médicaux... Six ans après avoir aidé les soignants hospitaliers à changer de regard sur leurs patients obèses et à améliorer leurs pratiques, l’équipe de Nutrition du CHU de Rouen entreprend la même démarche auprès des médecins généralistes, auxquels elle propose une formation médicale continue. Le Dr Vanessa Folope, nutritionniste, est à l’origine de cette FMC.

 

Deux jours pour changer de regard sur l’obésité. « Les médecins sont des êtres humains comme les autres, ils vivent dans la même société grossophobe que chacun et ne sont pas à l’abri d’avoir eux-mêmes des préjugés à l’égard de leurs patients obèses », souligne en préambule le Dr Vanessa Folope. Médecin endocrinologue et nutritionniste au CHU de Rouen, responsable du Centre de nutrition de Bois-Guillaume, unité dédiée à la prise en charge de l’obésité adulte où elle développe avec son équipe des traitements pluridisciplinaires innovants, le Dr Folope est aussi le médecin responsable du Centre spécialisé obésité (CSO) Rouen-Normandie. Autant dire qu’elle maîtrise son sujet ! En 2013-2014, à l’occasion d’une enquête du CLAN visant à recenser le matériel dédié aux personnes obèses au sein de son CHU, les équipes médicales en profitent pour faire part de leurs difficultés à prendre en charge ces patients. « Beaucoup nous ont dit se sentir démunis. » L’experte décide alors de créer une formation pour changer leur regard sur l’obésité et améliorer leurs pratiques. « Intitulée “Patients obèses : du changement de nos regards à l’amélioration de nos pratiques”, elle est ouverte à tous les soignants hospitaliers (infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes, diététiciens, psychologues, ambulanciers...), ainsi qu’aux médecins hospitaliers. L’objectif : lutter contre la grossophobie et améliorer la prise en charge des patients obèses à l’hôpital », explique le Dr Folope. Si les premiers participent volontiers à l’une des quatre sessions organisées chaque année, rares sont les médecins à s’y inscrire... Les retours sont pourtant très positifs : « Selon une enquête que nous avons menée auprès des participants, 94 % estiment que cette formation leur a permis de changer de regard sur l’obésité et 68 % qu’elle les a amenés à changer leurs pratiques », rapporte la spécialiste.

u Un sentiment d’illégitimité. En 2022, elle décide de sensibiliser les médecins généralistes. « Au CSO de Rouen, on peine à les impliquer dans la prise en charge des patients obèses. Beaucoup s’estiment démunis et/ou ne se sentent pas légitimes. Or, ces professionnels de santé sont en première ligne dans la prise en charge des patients obèses », affirme Vanessa Folope. Dans le cadre du DPC, ils peuvent désormais bénéficier d’une formation qualifiante sur deux jours. Entièrement dédiée à la consultation de ville, elle vise à leur donner des pistes et des outils pour ouvrir au dialogue sur l’obésité, les aider à maîtriser les techniques d’entretien motivationnel et leur permettre d’orienter leurs patients vers le bon parcours de soins. « Trois personnes assurent cette formation : une diététicienne, une psychologue et moi-même en tant que nutritionniste. Le premier jour, nous travaillons sur les déterminants et les conséquences psychologiques de l’obésité, les liens entre l’alimentation et les émotions, nous aidons les médecins à décrypter le langage verbal et non verbal de leurs patients. Au cours de la seconde journée, nous abordons les idées reçues en nutrition, les recommandations du Plan national nutrition santé et l’alimentation intuitive, la place de la silhouette et de l’apparence dans notre société, la stigmatisation de l’obésité », détaille la nutritionniste. Et pour appréhender le regard qu’ils portent sur l’obésité, quoi de mieux que de les confronter eux-mêmes au regard des autres ? « Dans ce cadre, ils enfilent un simulateur d’obésité, une sorte de combinaison qui mime une obésité de 200 kilos. Puis nous les mettons dans des situations du quotidien, comme prendre le bus ou essayer des chaussures dans un magasin, pour qu’ils puissent se rendre compte du regard de la société et entrevoir les difficultés quotidiennes liées à l’obésité comme l’essoufflement, les douleurs ostéo-articulaires, le regard des autres »... Les médecins apprennent à préserver la motivation de leurs patients à perdre du poids, (re)découvrent l’existence d’outils qui peuvent les aider dans leur prise en charge (couverts connectés, ceinture de maintien abdominal...) : « L’idée est qu’ils se sentent à l’aise pour parler à leurs patients de leur obésité et qu’ils aient des solutions à leur proposer ».

Même lorsque son patient vient pour un autre sujet, il est impératif que le praticien aborde son problème de poids, estime le Dr Folope. La consultation débute par une anamnèse pondérale pour comprendre l’origine de la prise de poids : à quel âge est-elle apparue ? Est-elle liée à un traumatisme, à des troubles du comportement alimentaire ? Qu’a entrepris le patient pour perdre du poids ? Pourquoi ses tentatives ont-elles échoué ? Le praticien doit également faire le point sur ses éventuelles comorbidités et s’appuyer, pour cela, sur des examens complémentaires : diabète, cholestérol, hypertension artérielle, troubles ostéo-articulaires, apnée du sommeil, troubles du cycle chez les femmes... Enfin, il est indispensable qu’il interroge son patient sur son alimentation, son niveau d’activité physique, son sommeil et son moral.

u Plusieurs alternatives thérapeutiques. A l’issue de cet interrogatoire, il pourra mettre en place une stratégie thérapeutique incluant des consultations diététiques, des séances de sport santé, une prise en charge psychologique... « Jusqu’à présent, la prise en charge de l’obésité massive (IMC > 40kg/m2) reposait essentiellement sur la chirurgie bariatrique. Mais l’arrivée sur le marché de nouveaux traitements médicamenteux dans cette indication devrait changer la donne, indique le Dr Folope. Il ne s’agit pas à proprement parler de nouveaux médicaments, puisque je fais référence à des agonistes GLP1, indiqués dans le traitement du diabète. Mais des études ont montré qu’en ralentissant la vidange gastrique, ils diminuaient la sensation de faim, et qu’ils réduisaient l’appétence pour les produits gras et sucrés en agissant au niveau des centres régulateurs de l’appétit. » D’autres agonistes GLP1, faisant intervenir d’autres neuromédiateurs, devraient également être bientôt disponibles. Autant d’alternatives thérapeutiques qui, associées à un regard sans jugement sur leur obésité, devraient aider les patients obèses à retrouver leur « poids d’équilibre »...

Jeanne Labrune

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