• Dr Florent Sala : Ulcère de la jambe : Une prise en charge globale et locale

Florent Sala

Discipline : Dermatologie

Date : 10/01/2024


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La prise en charge d’un ulcère de jambe nécessite une formation spécifique.

« Il ne faut pas hésiter à adresser le patient à un spécialiste de plaies et cicatrisation pour instaurer un protocole de soins et partir sur de bonnes bases », recommande le Dr Florent Sala, chirurgien vasculaire à Carcassonne.

 

TLM : Quelles sont les étiologies possibles de l’ulcère de la jambe ?

Dr Florent Sala : L’interrogatoire va permettre d’orienter le diagnostic étiologique. Dans 90 % des cas, les ulcères de jambes sont d’origine vasculaire et parmi eux 70 % d’origine veineuse, 20 % d’artériopathies oblitérantes des membres inférieurs (AOMI) et 10 % mixtes. Je mets à disposition sur ma chaine YouTube* une fiche listant les questions à poser. Elles sont d’abord orientées vers une cause vasculaire en fonction des antécédents du patient (varices, ulcères, thrombose veineuse profonde ou superficielle, chirurgie de varices, AOMI ou autre localisation de maladies athéromateuses). Il s’agit ensuite de rechercher les facteurs de risque de la maladie athéromateuse (HTA, tabac, diabète et hypercholestérolémie).

Lorsque ces causes principales ont été éliminées, les 10 % restants sont des ulcères ayant des présentations cliniques atypiques en termes de topographie, apparence, mécanismes douloureux et leur évolution souvent rapide. Ils sont la plupart du temps en retard de cicatrisation.

Les recommandations préconisent d’effectuer une biopsie de l’ulcère et de ses berges ainsi qu’un prélèvement bactériologique qui vont permettre d’orienter le diagnostic.

 

TLM : Quels sont les signes devant alerter ?

Dr Florent Sala : Le retard de cicatrisation, c’est-à-dire lorsque la plaie évolue au-delà de six semaines de soins bien conduits et de comorbidités bien gérées. Ce qui doit également alarmer est l’augmentation des exsudats, d’une rougeur de la peau péri-ulcéreuse, de la surface de la plaie, l’apparition d’un tissu de granulation friable, de signes biologiques (accroissement de la CRP et des globules blancs), de signes cliniques d’infection (bactériémie ou sepsis). Ces éléments orientent notre prise en charge locale et générale du patient.

 

TLM : Comment évaluer l’exsudat ?

Dr Florent Sala : La première question que je me pose devant un patient ayant une plaie est de savoir si celle-ci est exsudative. La saturation d’un pansement de plus de 24 heures permet d’évaluer les exsudats et d’orienter la prise en charge.

 

TLM : Quelle est la prise en charge locale de l’ulcère de la jambe ?

Dr Florent Sala : Trois éléments sont à prendre en charge : le lit de la plaie, ses berges et l’ulcère lui-même. La description de l’altération de la peau péri-ulcéreuse est très importante. Ces éléments permettent d’évaluer de façon satisfaisante et exhaustive un ulcère de jambe. Le pansement miracle n’existe pas.

Un algorithme de prise en charge permet d’établir un protocole de soins souvent opérateur-dépendant. De mon côté, le premier stade est de gérer les exsudats de la plaie, et ensuite, en fonction de l’évolution de celle-ci, d’identifier le type de pansement. Concernant le lit de la plaie, l’échelle colorielle de cicatrisation décrit les phases d’évolution de l’ulcère. Elle repose sur quatre couleurs : le jaune pour la fibrine, le rouge pour le tissu de granulation, le noir pour la nécrose et le rose pour l’épidermisation. Le choix du type de pansement est adapté au stade de la plaie.

 

TLM : Comment soigner les plaies fortement exsudatives ?

Dr Florent Sala : Le pansement primaire doit être adapté à la plaie exsudative. Pour cela, il faut connaître le pouvoir d’absorption des différentes familles de pansements. Le pansement secondaire est choisi en fonction de son pouvoir d’absorption. Sur une plaie faiblement exsudative, un pansement hydrocellulaire est privilégié, tandis que sur une plaie très exsudative, c’est un pansement « super-absorbant ». Ces derniers sont les plus absorbants du marché. Ensuite, le pansement primaire peut également être doublé avec des alginates ou des fibres à haut pouvoir d’absorption. Le fait de les doubler modifie leur pouvoir de drainage des exsudats. Le drainage horizontal (vers les berges du pansement) devient alors vertical, c’est-à-dire vers le pansement secondaire. La fréquence des soins peut également être augmentée, par exemple matin et soir.

Lorsqu’un patient présente un œdème, quand cela est possible, une bande de compression médicale peut être mise en place en fonction de l’existence ou non d’une AOMI. Et si une plaie n’est pas exsudative ou trop sèche, les pansements hydrogel ou irrigo-absorbants apportent de l’humidité.

 

TLM : La marche active est-elle préconisée ?

Dr Florent Sala : La marche est préconisée chez les patients ayant des ulcères d’origine veineuse. Par ailleurs, certains ulcères se situent au niveau de zones anatomiques, par exemple autour de la cheville, qui, lors de la marche, engendrent une mobilisation de la plaie. Ce phénomène est un facteur mécanique de retard de cicatrisation.

 

TLM : Existe-t-il un risque de récidive ?

Dr Florent Sala : Il est important chez les patients ayant une insuffisance veineuse toujours présente. Il suffit qu’ils négligent de porter leurs contentions ou subissent un petit choc sur une zone de trouble trophique pour reformer un ulcère.

 

TLM : Quel est le rôle du médecin généraliste ?

Dr Florent Sala : Cette pathologie est un peu délaissée par les médecins généralistes. C’est une consultation nécessitant une formation spécifique. Les infirmières sont souvent au premier plan. Beaucoup de mes patients sont envoyés en direct par elles. Il ne faut pas hésiter à adresser le patient à un spécialiste de plaies et cicatrisation pour instaurer un protocole de soins et partir sur de bonnes bases. La téléconsultation est une solution lorsque le spécialiste ne peut pas recevoir en cabinet. Dans la région Occitanie, le réseau Cicat-Occitanie, dont je fais partie des experts, propose ainsi des consultations en télémédecine.

 

TLM : Quel regard portez-vous sur la loi RIST déléguant la prise en charge aux infirmier(e)s ?

Dr Florent Sala : Les IPA sont déjà formées et présentes auprès des médecins. Lorsqu’un patient a un ulcère de jambe, c’est un travail en trinôme : le patient, l’infirmière et le cicatriseur. La délégation aux infirmières est une bonne chose avec toujours la nécessité d’avoir le regard du médecin.

Propos recueillis

par Alexandra Van der Borgh

* « CPECP : consultation des plaies et des cicatrisations partagée » avec des cas cliniques et des fiches conseils sur ce thème. La CPECP 91 YouTube et la CPECP 80 YouTube, traitent spécifiquement du diagnostic et de la prise en charge thérapeutiques des ulcères de jambes.

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