• Dr Emmanuel Mahé : Acné légère à modérée : De l’éducation patient aux traitements

Emmanuel Mahé

Discipline : Dermatologie

Date : 06/07/2023


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La prise en charge de l’acné commence par de l’éducation, pour balayer les idées fausses, des conseils d’hygiène et —cela va de soi— un traitement adapté et étalé dans le temps, auquel, insiste le Dr Emmanuel Mahé, chef du service de Dermatologie de l’hôpital d’Argenteuil, les jeunes patients doivent adhérer individuellement.

 

TLM : L’acné chez les adolescents estelle aussi fréquente qu’elle le paraît ?

Dr Emmanuel Mahé : Selon les dermatologues, 90 % des adolescents ont de l’acné, dont l’intensité est variable, très légère, légère, modérée ou sévère. En réalité entre 50 et 60 % d’entre eux seulement se plaignent de leur acné.

Cette maladie dermatologique commence désormais vers 11-12 ans, parfois plus tard. Dans tous les cas, lorsque nous voyons en consultation des enfants et des adolescents pour une acné, nous ne traitons que ceux qui formulent clairement une demande de prise en charge. Les mamans sont parfois très insistantes et réclament un traitement sans que leurs enfants y adhèrent. Il faut que l’adolescent soit demandeur et motivé pour la prise en charge, car celle-ci durera au minimum un an.

 

TLM : Quel examen clinique faut-il pratiquer avant un traitement ?

Dr Emmanuel Mahé : L’examen clinique évalue bien sûr l’importance des lésions sur le visage, leur caractère inflammatoire, comédogène. Nous examinons aussi leur extension au niveau du dos, des épaules et du cou. Lorsque cette extension est importante, c’est un signe de mauvais pronostic. On vérifie également chez les filles, s’il y a ou non des signes d’hyperandrogénie, qui se manifestent notamment par un excès de pilosité et qui justifieraient un bilan hormonal. Il faut en outre rechercher par l’interrogatoire la prise éventuelle de certains médicaments ou de produits cosmétiques qui peuvent aggraver l’acné.

 

TLM : Quelles sont les règles d’hygiène de base à proposer pour la prise en charge des formes légères à modérées ?

Dr Emmanuel Mahé : La première chose à faire est de corriger les défauts d’hygiène. Bien expliquer qu’il ne faut pas gratter ou percer les boutons d’acné, qu’il ne faut pas utiliser n’importe quel soin d’hygiène pour la peau. Nous recommandons des savons surgras ou des syndets, car en respectant l’hydratation cutanée on diminue les excès de sébum. C’est d’ailleurs souvent difficile à faire comprendre aux adolescents. On demande aux jeunes filles de ne pas s’appliquer de fond de teint. Surtout, nous faisons passer le message qu’il n’y a pas de régime alimentaire spécifique contre l’acné puisqu’elle n’est pas liée à l’alimentation, mais avant tout à une hyper-réactivité des glandes sébacées aux hormones. Et cette hyper-réactivité finit en général par se réguler avec le temps. Il faut informer le jeune patient du caractère suspensif du traitement et de la nécessité d’un traitement d’entretien aussi longtemps que nécessaire. Expliquer aussi qu’il y a un délai de quelques semaines à observer entre le début des soins et l’amélioration des lésions cutanées, à condition que les traitements soient pratiqués régulièrement. Il faut enfin prévenir le patient des effets parfois irritants des produits utilisés et des mesures à prendre pour les réduire. Par ailleurs, l’exposition solaire est déconseillée, notamment pour prévenir la pigmentation post-inflammatoire.

 

TLM : Quels traitements proposer pour cette acné légère ou modérée ?

Dr Emmanuel Mahé : Nous associons toujours un traitement anti-rétentionnel et anti-inflammatoire. Le traitement initial se fait d’abord par voie locale. Il s’agit de proposer un rétinoïde, en général de l’adapalène ou bien moins souvent de la trétinoïne, auxquels est associé du péroxyde de benzoyle qui a un effet anti-inflammatoire. Il existe d’ailleurs des produits qui combinent les deux molécules, plus simple à utiliser pour les adolescents. Les traitements sous forme topique, parfois un peu irritants, posent peu de vrais problèmes de tolérance. On sera très vigilant quant à l’exposition solaire en cours de traitement, car les rétinoïdes ont un effet photosensibilisant. Ces traitements sont également photo-dégradés, c’est-à-dire qu’ils s’altèrent avec le soleil, il vaut donc mieux les appliquer le soir. Pendant les mois d’été, pour éviter les risques liés à l’exposition solaire, il est possible d’arrêter momentanément le traitement et prendre en relais des gélules ou ampoules de zinc à 15 mg (1 à 2 par jour). Ce sont des traitements bien tolérés et sans contre-indications.

Le zinc est notamment recommandé lorsqu’il n’existe pas d’autres solutions, en particulier en cas d’intolérance, aux rétinoïdes, au péroxyde de benzoyle et aux antibiotiques.

 

TLM : Comment s’effectue la surveillance ?

Dr Emmanuel Mahé : Nous revoyons les adolescents un mois et demi plus tard pour évaluer l’effet du traitement, sa tolérance, son observance. Si l’évolution est favorable, si les lésions s’atténuent déjà progressivement, le traitement est maintenu et on refait un point six mois plus tard. S’il n’y a pas d’amélioration malgré une observance du traitement, il est possible d’initier un traitement antibiotique à faible doses par cyclines pendant trois mois par voie générale, associé au traitement local. Il ne faut pas oublier que ces antibiotiques doivent être pris au milieu du repas, du fait du risque d’ulcération œsophagienne.

 

TLM : Et lorsque ces traitements ne suffisent pas ?

Dr Emmanuel Mahé : D’autres médicaments existent. Toutes les acnés sont traitables. C’est une pathologie transitoire de l’adolescence. Mais les cicatrices sont définitives. Certains éléments sont de mauvais pronostic, par exemple, si l’acné survient en période prépubertaire ou au contraire tardivement. Les formes familiales sévères, les résistances aux traitements et les rechutes précoces à l’arrêt du traitement, sont également de moins bon pronostic.

Dans les formes résistantes aux traitements locaux et aux cyclines et dans les formes sévères d’emblée, il est possible de prescrire de l’isotrétinoïne par voie orale, s’il n’y a pas de contre-indications. Ce traitement doit être prescrit dans des conditions très strictes, en remettant un livret d’information au patient, en pratiquant notamment des dosages de transaminases, avant le traitement, un mois après le début et lors de chaque augmentation de doses. Une contraception pour les jeunes filles doit être instaurée avant la prise du médicament, ainsi qu’un dosage de bêta-HCG, répété à chaque cycle, du fait du caractère tératogène de l’isotrétinoïne. Le traitement doit être initié par un dermatologue. Et c’est également lui qui fera les éventuelles augmentations de doses.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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