• Dr Elsa Bey : L’antibiothérapie dans la stratégie thérapeutique contre la cystite

Elsa Bey

Discipline : Uro-Néphrologie

Date : 06/07/2023


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Une fois le diagnostic positif de cystite confirmé, le risque d’antibiorésistance impose la prescription appropriée d’antibiotiques permettant de traiter efficacement ces infections tout en limitant les résistances bactériennes. Le Dr Elsa Bey, du service d’Urologie au CHU de Montpellier, en précise la prise en charge.

 

TLM : Quelle est la prévalence des cystites aiguës et récidivantes ?

Dr Elsa Bey : Les cystites sont fréquentes et bénignes dans la majorité des cas. Elles peuvent être traitées ponctuellement avec une antibiothérapie monodose. Les cystites récidivantes sont problématiques lorsque le nombre d’épisodes infectieux est supérieur à un par mois. Les antibiothérapies répétées qu’elles nécessitent ne permettent pas de prévenir les récidives. Ces patientes viennent alors souvent consulter les spécialistes, qu’ils soient gynécologues ou urologues. Les antibiothérapies répétées qu’elles nécessitent ne permettent pas de prévenir les récidives Les antibiothérapies répétées qu’elles nécessitent ne permettent pas de prévenir les récidives.

Les antibiothérapies répétées qu’elles nécessitent ne permettent pas de prévenir les récidives.

 

TLM : Comment confirmer le diagnostic de cystite ?

Dr Elsa Bey : Le diagnostic positif est en général confirmé par une bandelette urinaire chez la femme non ménopausée et par un ECBU chez la femme ménopausée.

Mais des diagnostics différentiels tels que les douleurs vésicales sur des syndromes douloureux pelviens ou encore l’hyperactivité vésicale (HAV) peuvent être confondus avec des cystites récidivantes. L’HAV, parfois accompagnée d’urgenturie, est présente dans de très nombreuses pathologies neurologiques, mais également dans la population générale (hyperactivité vésicale idiopathique) avec une fréquence et une prévalence augmentant avec l’âge. Il n’est pas rare de recevoir en consultation des patientes nous disant avoir été traitées plusieurs fois par mois pour des cystites alors que leurs analyses urinaires s’avéraient négatives. Et, effectivement, nous ne diagnostiquions pas de cystite… L’interrogatoire permet dans la majorité des cas d’éliminer les diagnostics différentiels et d’affirmer le diagnostic positif de cystite.

 

TLM : Faut-il réaliser un ECBU et un antibiogramme ?

Dr Elsa Bey : La bandelette urinaire est parfaitement suffisante pour toutes les femmes en période d’activité génitale, de la ménarche jusqu’à la ménopause. L’ECBU est nécessaire chez les femmes ménopausées. Dans les cas de cystites récidivantes avec des épisodes répétés, il est souhaitable de faire pratiquer un ECBU pour s’assurer que les bactéries responsables sont sensibles à l’antibiothérapie et orienter vers une prophylaxie antibiotique.

Les colonisations bactériennes asymptomatiques diagnostiquées lors d’un ECBU doivent-elles être traitées ?

Jamais, sauf chez la femme enceinte et dans le préopératoire d’une chirurgie ou de procédures invasives urologiques. En dehors de ces deux situations, les bactériuries asymptomatiques ne doivent ni être recherchées ni être traitées au risque d’augmenter les récidives d’infections symptomatiques ainsi que les résistances bactériennes.

 

TLM : Dans quels cas prescrire un traitement antibiotique ?

Dr Elsa Bey : Pour la plupart des femmes, même les plus jeunes, une cystite n’est jamais grave mais peut être très désagréable. L’antibiothérapie monodose par fosfomycine-trométamol est recommandée en cas de symptômes invalidants. Elle est très rapidement efficace.

En l’absence d’antibiothérapie, la cystite passe en général toute seule avec des apports hydriques suffisants mais dans un délai supérieur. Chez les femmes plus âgées ou dans les situations de récidives ou de résistances authentifiées, les patientes symptomatiques sont traitées avec une antibiothérapie pendant cinq jours.

 

TLM : Quels sont les facteurs de risque d’infections urinaires aiguës ou récidivantes ?

Dr Elsa Bey : La première situation est liée à de mauvaises habitudes, qu’elles soient hygiéniques, vestimentaires, alimentaires…, comme le nettoyage compulsif qui va déstabiliser la flore vaginale (douches endovaginales ou applications d’antiseptiques…), le port de sous-vêtements synthétiques très serrés, la constipation, etc. La deuxième situation, très fréquente, est la mauvaise vidange vésicale qui fait le lit de la cystite. Une échographie est nécessaire pour diagnostiquer le résidu post-mictionnel. Les causes en sont diverses. Ensuite, chez la femme ménopausée, l’atrophie post-ménopausique est un facteur favorisant. La qualité des tissus diminue induisant des microlésions et ainsi des cystites. Nous prescrivons alors des traitements topiques locaux hormonaux qui vont restaurer une qualité tissulaire au niveau de la vulve. Enfin, lorsque les rapports sexuels provoquent une cystite, nous pouvons éventuellement proposer des antibiothérapies post-coïtales.

 

TLM : Quels traitements permettent d’éviter les récidives fréquentes ?

Dr Elsa Bey : En première ligne, nous prescrivons des dérivés de canneberges à un dosage spécifique permettant d’avoir une efficacité clinique. Pour les femmes présentant un nombre de récidives supérieur à une par mois, nous proposons une antibioprophylaxie hebdomadaire avec la prise d’un sachet de fosfomycine-trométamol, sous réserve que les derniers ECBU confirment la sensibilité des bactéries responsables à cet antibiotique.

Nous réalisons alors un premier essai de traitement sur six mois et vérifions si les récidives infectieuses diminuent.

 

TLM : À quel moment les médecins généralistes doivent-ils adresser ces patientes aux spécialistes ?

Dr Elsa Bey : Il est pertinent pour le généraliste de rechercher à l’interrogatoire une HAV lorsque les ECBU sont négatifs chez une patiente (en récidive et/ou ménopausée) qui présente des signes de cystite. Si l’HAV est diagnostiquée le traitement (anticholinergique ou stimulation tibiale postérieure) peut être initié par le médecin traitant. Et, dans tous les cas de cystites récidivantes, il peut proposer une échographie rénovésicale avec une mesure du résidu post-mictionnel, traiter la constipation et l’atrophie locale chez les femmes ménopausées avant d’adresser les patientes aux spécialistes. C’est un gain de temps et d’efficacité pour tous.

Propos recueillis

par Alexandra Van der Borgh

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