• Dr Chr. Petiau : L’innovation thérapeutique qui casse le mécanisme de l’apnée du sommeil

Christophe Petiau

Discipline : Pneumologie

Date : 01/09/2025


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Pour le Dr Christophe Petiau, neurologue à Strasbourg, « l’arrivée du stimulateur du nerf hypoglosse sur le marché français va dans le sens d’une prise en charge plus personnalisée du syndrome des apnées obstructives du sommeil (SAOS) ». Une option thérapeutique très intéressante qui vient s’ajouter à un arsenal déjà existant.

 

TLM : A quoi correspond le SAOS ?

Dr Christophe Petiau : Il s’agit d’un trouble chronique du sommeil caractérisé par des épisodes répétés d’hypopnées (obstruction partielle des voies aériennes supérieures) ou d’apnées (obstruction complète) provoquant une hypoxie intermittente. Les patients voient leur sommeil fragmenté avec une perte de leurs capacités récupératrices et des symptômes diurnes tels que fatigue et somnolence importante, maux de tête et difficultés de concentration, particulièrement préjudiciables à leur qualité de vie.

Les données épidémiologiques les plus fiables actuellement sont issues d’une grande cohorte suisse qui estime que 8 % de la population adulte serait touchée par ce syndrome.

 

TLM : Comment en est déterminé le niveau de gravité ?

Dr Christophe Petiau : Une des manières consiste à l’exprimer en termes d’apnées/hypopnées par heure de sommeil ou IAH (index d’apnées hypopnées). Cet index qualifie ainsi de légère l’apnée du sommeil lorsqu’elle se manifeste par 5 à 15 événements par heure ; de modérée entre 16 et 30 ; et de forme sévère si l’IAH est supérieur a 30.

Si ce critère a son importance, il est déterminant de bien saisir la nécessité d’une approche beaucoup plus personnelle en médecine du sommeil, une médecine de précision qui contraint à sortir de cet unique indicateur. D’autres éléments doivent en effet y être ajoutés pour moduler la gravité du SAOS au cas par cas, et ce de la façon la plus précise possible.

 

TLM : Quels sont ces éléments ?

Dr Christophe Petiau : Depuis le début des études menées sur les apnées du sommeil dans les années 80, nous savons que les symptômes ne sont pas aussi corrélés à l’IAH qu’on aurait pu le penser. La somnolence diurne, par exemple, va entraîner des conséquences très variables d’un individu à l’autre. Certains patients avec une apnée peu sévère vont être très somnolents et seront très améliorés par le traitement tandis que d’autres présentant un syndrome très sévère ne seront que peu somnolents et n’obtiendront que peu de bénéfices thérapeutiques. L’existence d’une vulnérabilité de la vigilance diurne aux perturbations du sommeil reposerait sur des bases en partie génétiques. C’est un élément important à prendre en compte au chapitre du traitement : faut-il traiter des patients qui ne présentent pas de symptômes et pas de comorbidités ? Enfin, les causes du SAOS peuvent être diverses. Si le surpoids représente une cause majeure (dans 60 à 70 % des cas), certains facteurs anatomiques, physiologiques, neurologiques et comportementaux doivent également être pris en compte.

 

TLM : Quelles peuvent être les conséquences d’un SAOS non traité ?

Dr Christophe Petiau : On recense toutes les conséquences diurnes liées à un sommeil de mauvaise qualité — somnolence, accidents de la route et accidents du travail plus fréquents et plus graves, troubles de l’attention, etc. Sur le plan médical, on observe un accroissement de l’incidence des maladies cardiovasculaires et métaboliques. Si dans les dernières décennies, on démontrait bien le rôle global du SAOS dans la survenue du risque cardiovasculaire, on essaie désormais d’identifier qui sont les sujets véritablement vulnérables et on s’aperçoit qu’en fonction des différentes caractéristiques du SAOS, ce risque diffère significativement d’une personne à l’autre. Encore une fois, cette identification suggère de s’intéresser à d’autres paramètres que le seul IAH et notamment ceux qui concernent l’hypoxie et la fragmentation du sommeil qui sont de meilleurs prédicteurs du risque cardiovasculaire, et donc de l’intérêt d’un traitement.

 

TLM : Quels sont les traitements traditionnels à votre disposition aujourd’hui ?

Dr Christophe Petiau : L’arsenal thérapeutique est dominé par un traitement très efficace, la pression positive continue (PPC). Sans effet secondaire grave, ce dispositif demeure toutefois contraignant pour le patient et c’est pourquoi un malade sur deux est désappareillé au bout de trois ans, selon les dernières données de l’Assurance maladie. Dans d’autres équipes, ce chiffre peut être plus bas si la médecine du sommeil a été exercée de manière plus précise avec un meilleur choix des indications et un accompagnement plus personnalisé. Dans ce cas, le taux d’échec tourne plutôt autour des 20 %. En l’absence de contre-indications dentaires ou temporo-mandibulaires, l’orthèse d’avancée mandibulaire constitue une alternative mieux tolérée que la PPC. En outre, on peut aussi jouer sur la position corporelle : certains patients ne font des apnées que lorsqu’ils sont sur le dos. Un changement de position peut suffire à régler les choses. Par ailleurs, la réduction des facteurs aggravants doit être mise en place : perte de poids, contrôle de la surcharge pondérale, diminution de la consommation d’alcool et de certains médicaments qui peuvent aggraver ce syndrome. Enfin, la chirurgie peut elle aussi parfois être indiquée.

 

TLM : En quoi la thérapie Inspire® est-elle une innovation médicale majeure ?

Dr Christophe Petiau : En venant s’ajouter à un arsenal préexistant, la thérapie Inspire® constitue une clé très intéressante pour certains patients. De nombreuses études prospectives ont déjà été menées dans d’autres pays et nous permettent ainsi d’avoir du recul. Cette thérapie s’appuie sur un système compose de trois éléments : un stimulateur de la taille d’un pacemaker, implante au niveau de la clavicule droite, d’une electrode de detection de la respiration placee sur le thorax et d’une electrode de stimulation, fixée au nerf hypoglosse, a la base de la langue. A chaque inspiration du patient au cours du sommerisqueil, une stimulation du nerf hypoglosse innervant le muscle génioglosse provoque une contraction et une légère propulsion de la langue qui va libérer l’espace pharyngé et permettre à l’air de passer normalement. Notre approche ici : venir s’opposer au mécanisme même de l’apnée du sommeil, grâce au « stimulateur du XII » (le nerf hypoglosse est le douzième nerf crânien du corps humain).

 

TLM : Qui sont les patients éligibles ?

Dr Christophe Petiau : Fixés par l’Assurance maladie, les critères de remboursement ciblent les patients présentant des apnées modérées a sévères et ceux avec un IMC inferieur a 32kg/m2. Inspire® est indiqué en troisième intention chez les patients intolérants à la PPC, ceux qui présentent une contre-indication a l’orthèse ou ceux qui ne sont pas répondeurs a ce dernier traitement. La HAS a évalué la population cible à 450 patient par an. Au groupe hospitalier Saint-Vincent de Strasbourg nous avons opéré neuf patients à ce jour et nous visons désormais une quinzaine de patients par an. Les séries américaines portant sur des milliers de patients sur cinq ans ont montré un taux global de satisfaction de l’ordre de 95 % !

Propos recueillis

par Marie Ruelleux

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