• Dr CHICHEPORTICHE-AYACHE : L’alimentation seule demi-mesure contre le cholestérol...

Corinne CHICHEPORTICHE-AYACHE

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 11/07/2022


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Si rééquilibrer son alimentation constitue la première mesure pour réduire le taux de cholestérol, on ne peut tout miser sur la nutrition, prévient le Dr Corinne Chicheportiche-Ayache, nutritionniste à Paris, rappelant que les traitements médicamenteux demeurent souvent indispensables.

 

TLM : Quelles sont les principales causes d’hypercholestérolémie ?

Dr Corinne Chicheportiche-Ayache : Elles sont liées à la double origine du cholestérol : l’origine endogène qui représente 80 % du cholestérol total, et l’origine exogène qui correspond aux apports alimentaires et représente les 20 % restants. La première résulte d’une prédisposition génétique conduisant à l’hypercholestérolémie familiale, qui touche entre 120 000 et 150 000 Français ; la seconde, nettement plus fréquente, est la conséquence d’une mauvaise hygiène de vie associant généralement une alimentation déséquilibrée, un surpoids et une vie trop sédentaire ; d’installation progressive, elle survient plus tardivement.

 

TLM : Vous paraît-il utile de proposer un dosage du taux de cholestérol à des âges déterminés (hors antécédents familiaux connus) ?

Dr Corinne Chicheportiche-Ayache : Non, je ne le pense pas. La décision doit revenir au médecin en fonction des antécédents familiaux, personnels, des traitements pris (comme la pilule contraceptive) ou du contexte clinique (comme l’hypothyroïdie).

 

TLM : Les patients connaissent-ils les risques associés à l’hypercholestérolémie ?

Dr Corinne Chicheportiche-Ayache : L’hypercholestérolémie n’est pas une maladie qui fait souffrir ou qui fait peur, c’est d’ailleurs là son point faible ! Notre rôle en tant que médecin est donc de traduire les chiffres d’une analyse de sang en un risque concret. On passe, par conséquent, beaucoup de temps à faire de la pédagogie, à expliquer ce qu’est le cholestérol, ses différentes fonctions (fabrication des membranes cellulaires, de certaines vitamines, des hormones), mais aussi les risques encourus par une hypercholestérolémie prolongée. Il est également important de redéfinir le risque cardiovasculaire en fonction des autres facteurs de risque et de leur nombre (HTA, diabète, tabagisme, sédentarité, surpoids, prise de contraception...), et ainsi d’expliquer les objectifs différents pour le LDL-cholestérol.

 

TLM : Savent-ils lire les résultats d’un dosage lipidique et faire la différence entre cholestérol total, LDL-cholestérol, HDL-cholestérol, triglycérides ?

Dr Corinne Chicheportiche-Ayache : Peu de gens maîtrisent ces notions et il est, là encore, nécessaire de faire œuvre de pédagogie. Car leur faire comprendre que le HDL-cholestérol, le bien nommé « bon cholestérol », représente un facteur protecteur et doit donc être élevé, tandis que le LDL-cholestérol, le « mauvais cholestérol », est athérogène et donc responsable des risques cardiovasculaires associés va faciliter leur prise en charge. En effet, plus un patient comprend les raisons et les enjeux d’un traitement, plus il est compliant et plus les chances de succès du traitement sont grandes.

 

TLM : En quoi consiste le traitement de l’hypercholestérolémie ?

Dr Corinne Chicheportiche-Ayache : Si l’on exclut l’hypercholestérolémie familiale et que l’on considère uniquement l’hypercholestérolémie commune, la première mesure à mettre en œuvre consiste généralement à revoir l’hygiène de vie du patient, à l’amener à avoir une activité physique régulière et à adopter une alimentation saine et équilibrée. Cela signifie plus de produits d’origine végétale (fruits et légumes), et moins de produits d’origine animale (viandes rouges, abats, charcuteries, beurre, crème fraîche, fromages à pâte dure, sauces grasses). Les œufs, souvent diabolisés, peuvent continuer à faire partie des menus à raison de 3 à 4 par semaine — à condition de tenir compte des œufs cachés dans certains produits (pâtes, biscuits...). De même, toutes les graisses ne sont pas à bannir : si les apports en acides gras saturés et trans (souvent désignés par le terme « graisses partiellement hydrogénées »), doivent être fortement limités, ceux en acides gras polyinsaturés riches en oméga 3 (oléagineux, huile de colza, de noix, de lin, poissons gras), et en acides gras mono-insaturés (huile d’olive, avocat, amandes), sont, au contraire, recommandés. Selon les facteurs de risque et les résultats de ces mesures nutritionnelles (obtenus avec un bilan lipidique de contrôle à trois mois), un traitement médicamenteux devra être discuté. À noter que chez les personnes souffrant d’hypercholestérolémie familiale, ces conseils nutritionnels sont utiles mais ne constituent pas le cœur du traitement. Dans leur cas, une stratégie médicamenteuse tenant compte de l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire s’impose d’emblée.

 

TLM : Quelle est la place des compléments alimentaires, produits allégés et ceux enrichis en stérols végétaux ?

Dr Corinne Chicheportiche-Ayache : Dans un monde où le naturel est de plus en plus plébiscité par les patients et ou la défiance envers les industriels du médicament et les autorités de santé est grandissante, les compléments alimentaires à base de levure de riz rouge (dont le principe actif est la fluvastatine, qui n’est autre que la molécule ayant permis de développer les statines), peuvent avoir leur place chez les patients sensibles à ces arguments. Néanmoins, ces produits ont des limites : ils ne peuvent se substituer aux statines quand ces dernières sont indiquées et ne doivent pas faire oublier les conseils hygiéno-diététiques. Quant aux produits allégés ou enrichis en stérols végétaux, ils peuvent contribuer à réduire le taux de cholestérol mais le danger principal de ces alicaments est de les considérer comme des médicaments et de ne pas prendre de statines quand cela s’avère nécessaire ou ne pas être attentif aux conseils hygiéno-diététiques.

 

TLM : Ces derniers ne suffisent pas toujours...

Dr Corinne Chicheportiche-Ayache : Bien appliqués, ils contribuent à augmenter le taux de HDL-cholestérol et à diminuer celui de LDL-cholestérol. Pour autant, la nutrition a ses limites qu’il convient de connaître ; à nous, médecins, de nous adapter à chaque situation individuelle afin de protéger au mieux nos patients.

Quand ils se révèlent insuffisants en regard du profil clinique ou des facteurs de risque cardiovasculaires, ou si les changements requis nous paraissent trop importants pour être suivis, on peut décider de prescrire, d’emblée, des traitements médicamenteux.

 

TLM : Quels sont ces traitements ?

Dr Corinne Chicheportiche-Ayache : Les statines restent le traitement de référence mais la défiance née en 2013 a laissé des traces. Les médecins ont un gros travail à faire pour (ré)expliquer leurs intérêts tant biologiques que cliniques, à la fois en prévention secondaire et en prévention primaire chez les personnes à risque (diabète ou antécédents cardiovasculaires notamment).

Propos recueillis

par Mathilde Raphaël

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