• Dr Charles Honoré : GIST : Moyens diagnostiques et stratégies thérapeutiques

Charles Honoré

Discipline : Oncologie, Dépistage

Date : 10/01/2024


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Les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) ont bouleversé le pronostic des tumeurs stromales gastro-intestinales (« Gastrointestinal Stromal tumours » ou GIST). « Entraînant un changement de paradigme dans la prise en charge des patients métastatiques », précise le Dr Charles Honoré, chef du Département d’anesthésie, chirurgie et imagerie interventionnelle (DACI) de Gustave-Roussy.

 

TLM : Que sont les tumeurs stromales gastro-intestinales ?

Dr Charles Honoré : Les tumeurs stromales gastro-intestinales ou GIST (« Gastrointestinal Stromal Tumours ») sont des tumeurs mésenchymateuses dérivant des cellules de Cajal qui se développent dans le tractus digestif (de l’œsophage au rectum) mais préférentiellement à partir de l’estomac (60 % des cas). Les GIST sont relativement rares et touchent environ 1 000 personnes par an en France, avec un sex-ratio proche de 1/1. Elles peuvent survenir à n’importe quel âge de la vie, avec un médian au diagnostic d’environ 60 ans, bien qu’elles puissent également toucher les enfants puisqu’il existe des GIST pédiatriques.

 

TLM : Des facteurs de risques ont-ils été identifiés ?

Dr Charles Honoré : Les GIST sont sporadiques dans l’immense majorité des cas et la prédisposition génétique la plus fréquente est la neurofibromatose de type 1. Cependant, il existe d’autres GIST syndromiques comme les formes SDH-dépendantes ou certaines mutations constitutionnelles des gènes KIT ou PDGFRA.

D’une certaine manière, les GIST forment un modèle expérimental intéressant puisque nous avons découvert des mutations activatrices responsables de la maladie et pour lesquelles nous disposons de médicaments.

Aujourd’hui, on ne considère plus les GIST en une seule entité homogène mais bien en différents sous-éléments qui, en fonction de la mutation sous-jacente identifiée, répondront plus ou moins à tel ou tel traitement.

En effet, le type de mutation exerce une influence sur le pronostic et sur l’efficacité du traitement tant en situation adjuvante que métastatique.

 

TLM : Quels sont les symptômes les plus courants ?

Dr Charles Honoré : Les GIST demeurent très souvent asymptomatiques. Ce sont des tumeurs qui évoluent à bas bruit et qui ne sont identifiées que lorsqu’elles deviennent volumineuses ou lorsqu’elles saignent. Le syndrome de masse se manifeste généralement par des troubles digestifs, une perte de poids et/ou une altération de l’état général. Dans l’hypothèse d’une érosion au niveau gastrique (ou ailleurs) entraînant une hémorragie, un saignement digestif, un méléna ou un anémie ferriprive pourra être l’élément révélateur en fonction de l’importance de la perte sanguine et de sa localisation.

 

TLM : Quels sont les moyens diagnostiques ?

Dr Charles Honoré : La prise en charge diagnostique des GIST repose sur l’imagerie et éventuellement sur une biopsie. A la différence des autres types de sarcomes pour lesquels le recours aux biopsies est systématique, il faut ici y réfléchir à deux fois car un geste posé selon un mauvais trajet est susceptible d’entraîner une perte de chance encore plus importante pour le patient. Si pour les GIST gastriques et rectales, l’endoscopie et l’écho-endoscopie sont les examens permettant d’évoquer le diagnostic, le scanner reste l’examen de référence pour les GIST volumineuses et/ou d’autre localisation. Un PET-scan peut aussi être envisagé en cas de doute diagnostique et/ou pour rechercher la présence de lésions à distance. Néanmoins, la confirmation du diagnostic est histologique. En tout état de cause, il convient d’évaluer l’impact diagnostique et thérapeutique de la biopsie d’une tumeur suspecte de GIST au cas par cas. Elle est recommandée si le choix du traitement repose sur un diagnostic histologique certain avec une analyse mutationnel requise (notamment quand un traitement médical de première intention par imatinib est discuté), en cas de doute diagnostique ou si une chirurgie mutilante est indiquée.

 

TLM : Quelle est la stratégie thérapeutique pour la prise en charge de ces GIST ?

Dr Charles Honoré : En cas de GIST localement avancée, la stratégie thérapeutique sera définie par le chirurgien. En effet, on peut très bien avoir une GIST qui fait 15 centimètres de grand axe mais qui est « facilement » résécable, tout comme on peut être en présence d’une GIST de 5 centimètres dont l’ablation aura des conséquences, à savoir une chirurgie mutilante. Dans ce dernier cas, on doit discuter d’un traitement préopératoire et envisager la biopsie pour avoir cette analyse mutationnelle prédictive de la réponse au traitement par ITK. En cas de stade métastatique, le traitement sera médicamenteux et la chirurgie ne viendra éventuellement qu’en deuxième ligne dans des circonstances très particulières, c’est-à-dire pour prévenir le risque de complications lié à la masse ou pour prolonger un traitement efficace en cours. Le traitement des GIST au stade avancé repose sur les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) avec l’imatinib en première ligne depuis le début des années 2000. Les GIST résistantes à l’imatinib pourront ensuite répondre au sunitinib en deuxième ligne, au régorafénib en troisième ligne, et au riprétinib en quatrième ligne et à d’autres molécules en fonction du type de mutation moléculaire sous-jacente.

 

TLM : En quoi les ITK constituent-ils une révolution thérapeutique dans la prise en charge des GIST ?

Dr Charles Honoré : Il faut bien comprendre qu’avant l’avènement de ces médicaments, un patient présentant une GIST localement avancée ou métastatique avait une médiane de survie d’environ 19 mois. Aujourd’hui, la médiane de survie est passée à plus de 74 mois sans aucun recours à la chirurgie grâce aux nouveaux médicaments ! Les ITK ont véritablement bouleversé le pronostic des GIST et constituent le premier modèle de thérapie ciblée en oncologie.

A tel point qu’ils ont entraîné un changement de paradigme dans la prise en charge des patients métastatiques ! Cela nous a finalement conduit à reconsidérer les attitudes médicales et notamment chirurgicales pour ces patients. Dans l’immense majorité des cancers, c’est quand même la chirurgie qui guérit le malade et on essaye de tout faire pour amener le patient à l’opération, mais dans les GIST le modèle est différent. Le traitement médical est tellement efficace qu’on s’interroge même sur la place de la chirurgie au sein de la prise en charge. Un véritable changement de paradigme !

Certains patients qui ont été mis sous les premiers ITK il y a plus de 20 ans le sont toujours. Ils sont répondeurs et n’ont jamais été opérés.

 

TLM : Ces patients nécessitent-ils un suivi particulier ?

Dr Charles Honoré : Le suivi doit effectivement être régulier puisqu’il faut bien s’assurer que le traitement soit toujours efficace. Pour cela, des imageries doivent être réalisées tous les trois à six mois environ, même si cet intervalle sera adapté en fonction de l’histoire naturelle de la maladie. Si le patient est répondeur et que l’efficacité du médicament perdure, on espacera les imageries de suivi au cas par cas.

Propos recueillis

par Marie Ruelleux

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