• Dr CHABANE : Allergies aux pollens : les bénéfices de l’immunothérapie allergénique

Habib CHABANE

Discipline : Allergologie

Date : 11/04/2022


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Dans la prise en charge des rhinites allergiques aux pollens de graminées, des études cliniques robustes ont mis en évidence une régression des symptômes et une diminution de la consommation de médicaments chez les patients traités par immunothérapie allergénique insuffisamment contrôlés par les traitements symptomatiques. Le Dr Habib Chabane, allergologue à Paris, revient sur cette avancée.

 

TLM : Quelles sont les caractéristiques cliniques des allergies aux pollens de graminées ?

Dr Habib Chabane : L’allergie aux pollens en général est caractérisée par des symptômes typiques, quel que soit le pollen en cause. La principale différence réside dans la date d’apparition des symptômes et leur durée, qui dépendent du calendrier pollinique régional. Les allergies aux pollens de graminées commencent rarement avant mai et peuvent durer jusqu’en juillet-août, voire septembre. Les allergies aux pollens d’arbres apparaissent beaucoup plus tôt, vers la fin du mois de janvier et vont en général jusqu’à fin avril-mai. Ces dates varient cependant selon les régions, le climat... D’une manière générale, les allergies aux pollens ont notablement augmenté au cours des dernières décennies. Cette évolution a plusieurs explications : la population est mieux informée et la rhinite est désormais considérée comme une vraie maladie, son diagnostic est plus facilement établi, l’environnement a changé (pollution atmosphérique), le climat aussi, les cultures sont différentes...

 

TLM : Comment pose-t-on le diagnostic d’une allergie aux pollens de graminées ?

Dr Habib Chabane : Le diagnostic clinique de rhinite allergique, quel que soit le pollen en cause, est basé sur des symptômes compatibles avec une allergie : éternuements, nez qui coule, démange, fréquemment bouché, avec parfois aussi une baisse partielle de l’olfaction. A cela s’ajoute souvent une conjonctivite, les yeux picotent, démangent ou deviennent rouges. Les patients se plaignent souvent en plus de symptômes pharyngés, démangeaisons de la gorge, toute la sphère ORL peut démanger. Le prurit peut toucher le nez, les yeux, la gorge, même le fond des oreilles.

L’asthme est parfois associé car l’allergie aux pollens est un facteur de risque à la fois de rhinite et d’asthme. Dans certains cas, un eczéma aux pollens peut apparaître, en particulier chez les personnes ayant des antécédents d’atopie. La grande caractéristique de la rhinite allergique aux pollens c’est son caractère saisonnier. Cela permet de la distinguer de l’allergie aux acariens souvent perannuelle. Les symptômes typiques surviennent avec une concordance dans le temps et récidivent à la même saison. Attention, l’allergie aux moisissures atmosphériques est aussi saisonnière et survient en juillet et en août pour la moisissure Alternaria. Les spores de ces moisissures, qui sont présentes dans l’air en grandes quantités durant l’été, donnent les mêmes symptômes. A noter aussi qu’en cas d’allergie au pollen de bouleau, des allergies alimentaires peuvent apparaître chez au moins un patient sur deux, gonflement des lèvres, démangeaisons buccales et pharyngées en mangeant des fruits (pomme, poire, pêche, cerise, etc.) ou des légumes crus. Les pollens de graminées peuvent aussi, mais plus rarement, entraîner des allergies alimentaires, aux tomates, aux agrumes. L’allergie au pollen d’ambroisie donne assez souvent des allergies alimentaires croisées avec les melons.

 

TLM : Comment confirmer le diagnostic ?

Dr Habib Chabane : Le pédiatre, le généraliste, l’ORL peuvent pratiquer un test biologique d’orientation à partir d’une simple prise de sang pour savoir si le patient présente une sensibilisation à un mélange d’allergènes respiratoires, en recherchant des IgE spécifiques, (ex. Phadiatop®). Si le test est positif, c’est une indication pour consulter un allergologue afin d’effectuer des tests cutanés (prick-tests). Pour cela, différents extraits allergéniques sont déposés sur la peau sous forme de gouttes. Ensuite, le médecin pique à l’aide d’une pointe à usage unique à travers la goutte pour mettre en contact l’extrait allergénique avec la couche superficielle de l’épiderme. Au bout de 15 minutes environ, l’apparition de papules de plus de trois millimètres de diamètre permet d’identifier le ou les allergènes positifs. Il faudra vérifier avant les tests cutanés que le patient ne prend ni antihistaminiques, ni n’applique de dermocorticoïdes sur la peau qui fausseraient les résultats. Des tests témoins (contrôles positifs et négatifs) doivent être réalisés pour vérifier que le patient ne présente pas notamment une hyperréactivité de la peau (dermographisme). Il faut ensuite s’assurer que la réaction cutanée observée correspond effectivement à une sensibilisation au pollen testé positif, avec un dosage d’IgE spécifiques à ce pollen, car il y a des réactions croisées entre les pollens. En cas de rhinite allergique aux graminées, le diagnostic est affirmé par une histoire clinique concordante avec les tests cutanés et un dosage positif d’IgE spécifiques.

 

TLM : Comment prendre en charge l’allergie aux graminées ?

Dr Habib Chabane : Certains conseils visent à réduire l’exposition à l’allergène, pendant la période des pollens, comme ne pas aérer les maisons dans la journée en ouvrant les fenêtres tôt le matin, garder les vitres fermées en voiture, se laver les cheveux après une sortie à l’extérieur car les cheveux longs captent facilement les pollens... La prise en charge initiale médicale repose sur un traitement symptomatique, antihistaminiques par voie orale ou locale (nasale et oculaire), corticoïdes par voie nasale.

 

TLM : Quand envisager une désensibilisation ?

Dr Habib Chabane : L’immunothérapie allergénique ou désensibilisation est destinée aux patients chez qui les traitements symptomatiques ne sont pas assez efficaces ou qui en ont assez de les prendre à chaque saison des pollens. Elle consiste à prescrire par voie sublinguale au patient un extrait standardisé de pollen auquel il est allergique. L’objectif est de normaliser et de réorienter la réponse immunitaire vers la tolérance et de la production des IgE vers les IgG. Ce traitement peut être en continu ou de manière pré et co-saisonnière : trois mois avant le début de la saison des pollens auxquels le patient est allergique et pendant toute cette saison. Le traitement est repris l’année suivante, et cela pendant trois à cinq ans. Les patients semblent mieux adhérer au traitement pré- et co-saisonnier. Cette immunothérapie existe sous deux formes, soit des solutions préparées sur commande par les laboratoires pharmaceutiques et délivrées directement au patient (APSI = allergènes préparés spécialement pour un indvidu). Pour les allergies aux graminées notamment, des industriels du médicament ont mis au point des comprimés par voie sublinguale, disponibles directement sur ordonnance en pharmacie. En 2022, sera commercialisé en France le premier comprimé lyophilisé d’immunothérapie allergénique au pollen de bouleau, et probablement aussi au pollen d’ambroisie.

 

TLM : Ces traitements sont-ils vraiment efficaces ?

Dr Habib Chabane : De nombreuses études ont permis d’évaluer la tolérance et l’efficacité de cette immunothérapie allergénique chez les allergiques aux pollens, notamment de graminées. Les résultats ont mis en évidence une régression des symptômes et une diminution de la consommation de médicaments antiallergiques. A l’issue du traitement, dans une enquête auprès de 4 860 patients en 2018, 50,8 % estiment que l’immunothérapie allergénique est très efficace et 39,3% qu’elle est efficace. Les symptômes d’allergie se sont beaucoup améliorés chez 60,4% des patients et 29,7% ne prennent plus d’autre médicament alors que 49,9 % ont diminué leur consommation de médicaments symptomatiques. Les traitements d’immunothérapie par voie orale sont bien tolérés avec parfois, au début, de petits effets indésirables locaux. Il est recommandé de prendre le premier comprimé chez le médecin. Mais cela pourrait changer, car les données de pharmacovigilance aujourd’hui sont totalement rassurantes.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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