Dr Cati Albou-Ganem : La blépharite : Symptômes, causes, traitements
Discipline : Ophtalmologie
Date : 08/10/2024
Si « le premier traitement de la blépharite est l’hygiène des paupières », un élément psychologique se trouve souvent à l’origine du facteur déclenchant. Dès lors, « écouter les patients fait aussi partie du traitement », conseille le Dr Cati Albou-Ganem, ancienne vice-présidente de la SFO* et de la SAFIR**, présidente et fondatrice de la SoFem***, chirurgien ophtalmologiste (Centre ophtalmologique Étoile, Clinique de la vision - One Clinic).
TLM : Quelles sont les données épidémiologiques de la blépharite ?
Dr Cati Albou-Ganem : La blépharite représente environ 25 % des motifs de consultation mais ce chiffre est, à mon avis, sous-estimé.
TLM : Et la symptomatologie ?
Dr Cati Albou-Ganem : Elle se définit par une inflammation des paupières. Celles-ci sont rouges et gonflées, avec des croûtes dans les cils. Les patients ont une sensation de « yeux sales et secs ». Une blépharite aiguë est une inflammation des paupières survenant dans le cadre d’une allergie ou d’une infection. La blépharite chronique résulte le plus souvent d’une sécheresse oculaire par insuffisance meibomienne.
La plupart des patients concernés ont plus de 50 ans, mais elle peut concerner des patients de tous les âges.
TLM : Quelles en sont les causes ?
Dr Cati Albou-Ganem : Dans le cas de la blépharite chronique, la sécheresse oculaire entraîne un cercle vicieux. En effet, le syndrome des yeux secs conduit à l’inflammation des paupières qui bouche les glandes de Meibomius causant à son tour une sécheresse oculaire. Le dysfonctionnement des glandes de Meibomius est la cause essentielle de la blépharite. L’acnée rosacée entraîne aussi une blépharite chronique.
Une infection bactérienne ou virale peut causer une blépharite aiguë. Cette dernière peut être liée à une allergie. Par ailleurs, nous voyons assez fréquemment des infections à Demodex. Ces petits parasites, vivant à la base des cils, peuvent donner des blépharites.
TLM : Quel est le rôle des glandes de Meibomius et l’origine de leur dysfonctionnement ?
Dr Cati Albou-Ganem : Leur rôle est capital : 85% des syndromes d’œil sec sont liés à une insuffisance meibomienne. Le film lacrymal est composé principalement de deux couches : de l’eau et du gras. Les glandes de Meibomius produisent le film lipidique. Sans ces deux couches, la lubrification de la surface oculaire ne s’effectue pas correctement. Chaque clignement des paupières génère la sécrétion lipidique. Si le film lipidique est insuffisant, en clignant, les paupières, dont la face interne n’est pas parfaitement lisse, agressent la surface oculaire. À terme, les patients clignent moins des yeux et le cercle vicieux s’installe. La cause première du dysfonctionnement des glandes de Meibomius n’est pas bien connue (excepté dans le cas d’une acnée rosacée). Nous ne savons pas pourquoi certains patients, alors qu’ils n’ont pas de problème de peau, le développent. Ce dysfonctionnement est multifactoriel. Des facteurs exogènes comme l’âge, la ménopause, l’andropose, le mode de vie (ordinateur…), l’environnement (atmosphères sèches, climatisation ou chauffage) dessèchent les yeux. Les allergies sont également un facteur favorisant. Ne pas boire assez, avoir une mauvaise hygiène des paupières, ne pas se démaquiller, ne pas faire de sport, notamment, favorisent un dysfonctionnement meibomien.
TLM : Comment diagnostiquer une blépharite ?
Dr Cati Albou-Ganem : Elle se voit avant même d’examiner le patient. Le bord libre des paupières est rouge avec des petites sécrétions. L’examen au biomicroscope permet de voir les cellules inflammatoires dans la base des cils. Elles peuvent également contenir du Demodex.
TLM : Quels sont les traitements ?
Dr Cati Albou-Ganem : Le premier traitement est l’hygiène des paupières. À un stade un peu évolué, des compresses d’eau tiède doivent être posées sur les paupières plusieurs minutes assorties ensuite d’un massage de celles-ci. Des masques chauffants ramollissent les croûtes afin de bien nettoyer la base des cils. Cette routine diminue le phénomène d’inflammation et d’obstruction des glandes de Meibomius. L’hygiène des paupières doit être pratiquée matin et soir ou au moins une fois par jour. Les substituts lacrymaux (SL) constituent le traitement médicamenteux de première intention. Ils sont essentiellement à base d’acide hyaluronique, de carboxyméthylcellulose, de lipides et/ou de vitamines. Les patients ayant du mal à se mettre des collyres peuvent trouver des sprays en pharmacie. Les pommades, à mettre la nuit, sont réservées aux surfaces oculaires très altérées. Les SL peuvent être donnés au long cours. En cas de symptômes récidivants ou réfractaires, des antibiotiques locaux ou par voie générale peuvent être prescrits, notamment en cas de rosacée cutanée. Ils ont aussi un rôle anti-inflammatoire. En cas d’inflammation marquée des paupières, des corticoïdes peuvent être prescrits. Les antibiotiques peuvent être proposés, si nécessaire, pendant trois mois. L’infestation par Demodex est traitée par des antiparasitaires. D’autres traitements anti-inflammatoires, comme la cyclosporine, sont proposés en milieu hospitalier et peuvent être utilisés pendant un an.
Pour le syndrome de l’œil sec évolué, des petits bouchons permettent d’obstruer l’orifice des voies lacrymales par lequel s’évacuent les larmes leur permettant de rester plus longtemps sur la surface oculaire. Des dispositifs médicaux avec système de pulsation thermique aident à relancer la sécrétion des glandes de Meibomius (l’efficacité dure de 12 à 18 mois). La thérapie par lumière pulsée intense a également un rôle similaire. La technologie de résonance moléculaire quantique régénère les cellules et diminue les douleurs.
Selon les cas patients, ces traitements peuvent être associés. L’objectif étant de soulager la symptomatologie et de réduire l’inflammation.
TLM : Une blépharite peut-elle guérir ?
Dr Cati Albou-Ganem : Certains patients sont soulagés pendant des mois, voire des années.
Nous ne savons pas s’ils sont guéris mais ils sont stabilisés. D’autres reviennent tous les six mois ou un an. Le facteur psychologique doit être pris en compte sérieusement. Ces patients ont besoin d’être suivis psychologiquement pour alléger leur fardeau. Je travaille avec une sophrologue. Nous nous sommes rendu compte que, d’une part, ils souffrent, et que, d’autre part, il existe souvent un facteur psychologique déclenchant (décès, divorce…) dans l’apparition de la blépharite. Les écouter fait aussi partie du traitement.
Propos recueillis
par Alexandra Sautier ■
* Société française d’optique
** Société de l’Association française des implants intra-oculaires et de chirurgie réfractive
*** Société ophtalmologique féminine française